Le 30 juin dernier, le toit d'un immeuble de trois étages s'est effondré à Rabastens dans le Tarn. Depuis, un périmètre de sécurité a été installé, empêchant certains commerçants de pouvoir travailler. Selon le rapport de l'expertise judiciaire, un mur extérieur en terre crue serait la cause de cet éboulement. Témoignages.
Dix jours après l'effondrement d'un immeuble de trois étages en plein centre-ville de Rabastens, les séquelles sont encore bien visibles. Tout le périmètre autour du bâtiment est sécurisé et certains commerçants ne peuvent plus travailler. La circulation est également fortement perturbée. C'est toute la vie de cette ville tarnaise qui est au ralenti. Après le choc et la colère, le maire tente de trouver des solutions.
La cause de l'effondrement
Au lendemain de la catastrophe, la mairie de Rabastens a fait désigner un expert judiciaire par le tribunal d'Albi. Celui-ci s'est rendu sur place et son rapport a été rendu le mardi 9 juillet. "Ce serait lié à l’effondrement d’un mur qui est en terre crue, déclare le maire de Rabastens, Nicolas Géraud. À mon avis, ce sont les intempéries qui ont détérioré ce mur. Il s’est effondré et il a fait tomber le toit du bâtiment qui abrite la Caisse d’Épargne. Il y a eu un affaissement de tous les étages. La Caisse d’Épargne est au rez-de-chaussée, au-dessus il y avait deux autres plateaux vides, en cours de vente. Le toit est tombé sur ces plateaux et tout s’est affaissé."
Heureusement, les locaux de la banque étaient vides ce dimanche après-midi 30 juin 2024 et il n'y a pas de locataires dans cet immeuble. Pas de passants non plus à proximité qui auraient pu être victimes de cette catastrophe.
Les commerces rabastinois désespérés
Depuis ce dimanche 30 juin, les commerçants des immeubles alentours n'ont pas repris leur activité. Priscilla Michéa venait juste d'ouvrir sa pâtisserie le 8 décembre 2023 après avoir investi près de 245.000 €. Après l'éboulement, il a fallu sauver ce qui pouvait l'être en seulement 4h. "Depuis le 2 juillet je suis en perte sèche d’activité. Je perds aussi mes matières premières. J’ai bénéficié d’un peu de solidarité avec un boulanger et un pâtissier à côté qui m’ont permis de récupérer ce qui pouvait être sauvé, mais j’ai perdu la moitié de mon stock. Je n’ai pas encore chiffré tout ça car j’ai été emportée dans une spirale où il a fallu tout faire dans l’urgence. J’étais en état de choc. Vider une pâtisserie en 4h c’est juste impossible. J’ai rendez-vous avec la banque. On doit lister tout ce qu’on a pu sortir ou pas pour chiffrer les pertes. J’en ai déjà pour des milliers d’euros."
La solidarité s'est organisée. Les Rabastinois (es) sont venus aider les commerçants et les locataires. La ville qui compte près de 5800 habitants s'est mobilisée. Mais la population reste marquée et les commerçants ont été choqués et parfois désespérés.
Juste en face de l'immeuble effondré, Christine Juan tient une agence immobilière. "On connaît tous les commerçants qui ont été impactés, on ne pouvait pas rester sans rien faire. Il a fallu leur donner quelques conseils, les assister et pour trois d’entre eux, les déménager jeudi dernier. L’institut de beauté a trouvé un local qui correspond à peu près à ses besoins. Il va garder sa clientèle et moins souffrir que les autres. La pâtissière a un gros équipement professionnel qu’elle n’a pas pu déménager dans le temps imparti. La pizzeria va avoir du mal à tenir. La boutique de tissu a pu stocker de la matière dans le garage d’un particulier."
Pour la pâtissière nouvellement installée non loin de l'immeuble, l'avenir est bien sombre. "J’ai un pâtissier qui est là depuis 35 ans. Il est en chômage technique et une vendeuse que je venais d’embaucher en CDI se retrouve sans rien aussi. Rabastens est tout petit. Trouver un local ici, c'est très compliqué. Se délocaliser, c’est inconcevable, impossible. Soit je suis mise en faillite, soit je peux réintégrer les lieux dans les mois à venir. Je viens d’ouvrir, c’est ma première entreprise. Je suis tellement sous le choc que je ne sais pas où je vais. Je ne peux pas rester ainsi. Il va falloir que je me retourne et que j'aille chercher du travail."
"Cet effondrement est catastrophique pour Rabastens"
Avec le rapport d'expertise, Nicolas Géraud compte agir. Le maire de Rabastens va prochainement prendre des arrêtés. "Le rapport préconise des mesures conservatoires. Ceci pourrait permettre de rétablir la circulation et d’enlever le périmètre de sécurité. Il y en a essentiellement deux : la destruction des murs restants et l'étayage des murs mitoyens. Aujourd’hui, je vais prendre de nouveaux arrêtés de "péril imminent et grave". On va intimer au propriétaire de mettre en œuvre ces mesures conservatoires le plus rapidement possible. Cet effondrement est catastrophique pour Rabastens."
Ces mesures conservatoires pourraient permettre aux commerçants de retrouver leurs locaux et leurs activités, aux locataires de revenir et à la circulation d'être rétablie, notamment pour la rue du Pont del Pa qui relie Rabastens à la ville de Couffouleux et à l'accès de l'autoroute A 68.
Toujours selon le rapport et le maire de Rabastens, l’effondrement n’aurait pas de conséquences pour les autres bâtiments. Pour autant, les voisins de la Caisse d'Epargne ne sont pas sereins. "La situation est très anxiogène, reconnaît Léopold Sauve qui habite dans la rue du pont del Pla, de l'autre côté de la Caisse d'Epargne. On a une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Avec les coups de vents de cette nuit, des morceaux de métal ont volé devant ma fenêtre. Ce n’est pas sécurisant du tout. C’est traumatisant. Depuis 10 jours, je ne vous cache pas qu’on brasse du noir."
Il est donc urgent que le propriétaire de l'immeuble agisse. Si ce n'était pas le cas, la mairie peut s'y substituer. Le maire de Rabastens va se rapprocher du cabinet d’avocat avec lequel il travaille pour ouvrir un contentieux si besoin. Une réunion publique est prévue ce mercredi 10 juillet.
La situation est d'autant plus compliquée que des travaux sont en cours sur le pont qui relie Rabastens à Couffouleux, entraînant sa fermeture à deux reprises pour deux mois. Les remparts de la ville sont également en réfection. Tout le vieux quartier est fermé à la circulation.
Benoît Roux avec Myriam Brisse