Témoignages. "Si on n'avait pas de résilience, on ne serait plus là", les habitants de cette vallée des Alpes-Maritimes face aux inondations répétées

Publié le Écrit par Denise Delahaye

Ce mardi 8 octobre, suite aux fortes précipitations, le pont qui permettait d'accéder au Haut Boréon a de nouveau cédé. Les tempêtes et les orages se succèdent, mais ceux qui vivent et travaillent là, restent solidaires et combatifs. L'histoire d'un petit peuple de la montagne résilient.

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C'est un passage à gué sans grande prétention. Quelques buses métalliques posées sur le lit de la rivière, avec un peu de terre tassée dessus. Un lien fragile entre les majestueuses montagnes du Boréon et la route qui mène à la vallée de la Vésubie. Ce 8 octobre, la pluie est tombée en grande quantité, la rivière a grossi, et, en quelques minutes, elle a emporté le petit pont. Il ne reste plus aucune trace. Le Boréon semble encore une fois, coupé du monde.

C'est la 4ᵉ fois depuis la tempête Alex. Pourtant, il n'est tombé que 80 mm sur le massif. Loin, très loin des hauteurs d'eau vertigineuses déversées lors de la tempête Alex (600 mm) et celles de la tempête Aline (200 mm). Heureusement. 

Alors, l'histoire de ce pont, c'est avant tout celle de quelques âmes accrochées à un territoire avec lequel, elles ont un lien inébranlable. Pour le meilleur et pour le pire.

Des chalets et des habitants

Cela fait 20 ans que Jean-Noël Bareau a posé ses valises dans le Boréon. Son chalet, solidement amarré, surplombe la rivière. Il n'a pas été impacté par les deux tempêtes et les fortes précipitations.

À la différence de ces deux maisons ensevelies, il y a 4 ans.

L'un des deux propriétaires a déjà racheté deux granges à rénover, en contrebas du lac du Boréon.

Une fois qu'on connait le Boréon, on a du mal à le quitter. Même si parfois, c'est l'enfer, comme avec Alex et Aline, ici, c'est le paradis !

Jean-Noël Bareau, habitant du Haut Boréon

à France 3 Côte d'Azur

La seule insécurité pour Jean-Noël Bareau, c'est la route.

À peine plus d'une dizaine de mètres de long, mais indispensable pour atteindre son chalet. Transporter les vivres ou s'assurer un transport en cas d'urgence.

Avant l'épisode météo de mardi, c’était prévisible, 4 buses métalliques avec un peu d'enrobé (...) elles ont tenu quelques minutes, et puis les ai vu flotter sur le lac."

Jean-Noël Bareau, habitant du Haut Boréon

à France 3 Côte d'Azur

Aujourd'hui, l'un des rares habitants à l'année, est juste un peu fatigué d'avoir vu, encore une fois, cet ouvrage s'en aller sous ses yeux. "On pourrait être en sécurité, 365 jours par an ! Il faut juste que ce pont, soit un vrai pont ! Aujourd'hui, on sait faire !"

Alors, souvent, Jean-Noël Bareau va discuter avec les ouvriers qui travaillent sur le gigantesque chantier à quelques mètres de chez lui. Histoire de se tenir informé du calendrier des travaux. Celui qui est en cours, pas celui qui est sans cesse promis par les ténors politiques depuis la tempête Alex.

Les pelles mécaniques s'entêtent à redessiner le paysage défiguré du vallon.

Lui redonner fière allure. Pour remettre le milieu naturel en ordre ? Embellir la vue des chalets alentour ? Pas sûr. En revanche, le site doit rester "attractif". Cette partie de la commune de Saint-Martin-Vésubie est avant tout, un des plus importants poumons économiques de la vallée de la Vésubie. 

Le Haut Boréon, un véritable écosystème économique 

Quelques centaines de mètres plus haut, là où la forêt fait place, un restaurant, bien connu des randonneurs. Dans les cuisines, Delphine Tieran fait mijoter ses plats depuis 10 ans. Raviolis niçois, civet de lapin, à la sauce aux cèpes, bien entendu, et des tartes aux myrtilles.

Ici, dit-elle, "il y a déjà 4 acteurs économiques majeurs, le restaurant avec deux employés, la vacherie, qui fait également de la vente directe, les gîtes et le refuge de la Cougourde."

L'Alpage, ce n'est pas un établissement ouvert uniquement durant l'été, comme il en existe beaucoup dans les Alpes. L'activité est encore forte en ce début d'automne. Elle devrait l'être jusqu'à la fin des vacances de la Toussaint. À ce moment-là, le rythme est soutenu : 40 couverts par jour en semaine et 60 couverts les week-ends.

Cette année, il y a encore plus de clients. La Madone de Fenestre, l'autre haut lieu touristique de Saint-Martin-Vésubie n'est (toujours) pas facilement accessible.

Sa route, endommagée par la tempête Alex, et partiellement reconstruite, n'a pas tenu. Les marcheurs et les amateurs d'air pur se sont rabattus sur les sentiers du Boréon. Le restaurant, lui, fermera ses portes mi-novembre jusqu'aux vacances de Noël. "Cela fait 3 ans que l'on sait que les pluies automnales seront importantes, les travaux auraient dû être accomplis cet été".

Pour nous, c'est simple, pas de route, pas de clients. J'ai juste envie de dire aux gens, de ne pas abandonner le Boréon, de ne pas avoir peur de monter !

Delphine Tieran, propriétaire d'un restaurant dans le Haut Boréon

Ce cri du cœur, c'est celui de tous ceux qui travaillent sur ce territoire maralpin ténu. Celui du directeur d'exploitation de la Régie du Boréon, Roger Bianchi, à la tête d'une équipe de 35 personnes. La régie comprend le chalet d'accueil, avec son restaurant et ses hébergements. Il inclut aussi le parc animalier Alpha, appelé "Parc aux loups" avec ses soigneurs. Il y a également tous les techniciens qui travaillent sur site. L'hiver arrive, ils aménagent la piste de ski nordique, la cascade de glace ; et durant toute l'année, ils entretiennent les infrastructures. "À chaque fois que le pont saute, l'assainissement saute aussi, toute la régie est à l'arrêt."

Le directeur poursuit : "le lit de la rivière a été perturbé par le passage des deux tempêtes. Il est beaucoup moins profond qu'avant, alors l'eau se répand sur une plus grande largeur et grignote les berges qui ne sont pas encore protégées. On passe de 8 m avant et 30 m actuellement". 

Arrêtez de dire que le la route du Boréon est coupée ! 

Roger Bianchi, directeur d'exploitation de la Régie du Boréon

Lorsque les médias annoncent que "le Boréon est coupé du monde" , le directeur constate que "ça reste dans la tête des gens, et ils ne viennent plus" pourtant "à chaque fois, une solution a été mise en place". Un petit passage à gué, en attendant que le "vrai pont" comme tout le monde l'appelle ici, soit construit. 

"L'installation de rectangles de béton était déjà prévue avant mardi"

Alors que le découragement semble régner chez les habitants, de son côté, l'adjoint au maire de Saint-Martin-Vésubie, Thierry Ingigliardi ne décolère pas : "Tout ce qu'on a déjà construit a tenu" "Les travaux avancent, mais plusieurs facteurs ont ralenti les chantiers". 

Plus en aval, la rivière du Boréon a déjà été consolidée (comme le montre la photo ci-dessus). Avec des enrochements de 9 m de haut avec une prise sous le sol de près de 6m. C'est ce type de renforcement qui devrait être mis en place, en amont du lac afin de consolider les berges. Avant la construction du pont définitif.

Tout dans un futur ... proche.

On est à un stade où tout est en construction. Les intempéries nous empêchent de travailler. Les travaux d’élargissement et les enrochements de berges devraient déjà être fini !

Thierry Ingigliardi, adjoint au maire de Saint-Martin-Vésubie, en charge des travaux de la construction 

à France 3 Côte d 'Azur

Sur le calendrier de la Métropole Nice Côte d'Azur, les travaux de construction du pont définitif sont bien inscrits, confirme l'adjoint au maire. Mais, entre-temps, les murs de la Métropole ont tremblé. Cette dernière est soupçonnée de mauvaise gestion dans la reconstruction d'un autre accès vital sur la commune : celui qui mène à la Madone de Fenestre. Des enquêtes sont en cours. Thierry Ingigliardi assure ne pas être dans le secret des dossiers.

Pourtant, lorsque le petit pont disparaît, c'est le littoral qui s'embrase...

Mais l'adjoint de Saint-Martin-Vésubie affirme que les études ont bien été réalisées. "Les calculs du  SMIAGE (Syndicat Mixte pour les Inondations, l’Aménagement et la Gestion de l’Eau) sont terminés ; ils ont intégré les futurs volumes des précipitations susceptibles de tomber sur le Boréon".

Tout le monde doit (encore) prendre son mal en patience : le "vrai pont" devrait être finalisé en 2027.

Alors, le petit peuple de la montagne pourra, à nouveau, couler des jours paisibles et, lorsque les nuages s'amoncelleront au-dessus de sa tête, il ne sera plus inquiet.

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