Un riz de Camargue IGP et bio a fait l'objet d'un rappel en raison de sa teneur en arsenic inorganique. Le président de l'entreprise productrice, Biosud, se veut rassurant. Il met en cause la qualité de l'eau du Rhône utilisée pour l'irrigation, mais aussi les normes européennes, "trop sévères".
On le trouve habituellement en vrac, dans les rayons des enseignes Biocoop. Un lot de riz de Camargue IGP rond, semi-complet, de la marque Biosud, a été rappelé le 31 octobre et ne doit pas être consommé. Une analyse ponctuelle des services de l'État a en effet révélé une teneur en arsenic inorganique non conforme. Des "traces métalliques (métaux lourds : plomb, mercure, cadmium...) ont été détectées dans ce riz, qui a été immédiatement retiré des rayons.
Que représente cette contamination ? Et surtout, comment expliquer qu'un riz français issu de l'agriculture biologique puisse être concerné ? Le président de l'entreprise Biosud, Marc Thomas, n'est "pas surpris". Il fait un lien direct avec la qualité de l'eau utilisée pour la riziculture, mais aussi avec le durcissement de la réglementation européenne.
Le Rhône contaminé à l'arsenic
"Cette contamination n'est pas stupéfiante, assure immédiatement Marc Thomas. L'arsenic est un métal lourd, qui est présent depuis très longtemps dans le Rhône. Sa présence s'explique par d'industrialisation du fleuve depuis de nombreuses années".
Or, le Rhône, constitue la seule alimentation en eau des rizicultures de Camargue, explique-t-il. "Dans notre zone, le fleuve est indispensable aux riziculteurs, l'eau y est pompée directement. À partir du moment où on a un élément qu'on ne peut pas contrôler, l'eau du Rhône, on n'a aucun pouvoir. On suit les analyses, c'est tout."
Le président rappelle que son entreprise suit un plan d'analyses "extrêmement complet" chaque année. "On fait plusieurs centaines d'analyses à tous les niveaux, dans les champs, dans nos silos, après, on analyse les échantillons des agriculteurs... Nous allons faire des contre-expertises pour voir si cette contamination est réelle".
Un taux "extrêmement faible"
Comme le rappelle l'Organisation mondiale de la Santé, l'arsenic est un composant naturel de la croûte terrestre, et "très largement présent dans l'environnement". Il est "très toxique sous sa forme inorganique", classé comme cancérigène pour l’homme (groupe 1) par le Centre international de recherche sur le cancer. C'est cette forme qui a été retrouvée dans le riz camarguais.
Pour Marc Thomas, la quantité est trop minime pour être dangereuse : "Il ne faut pas s'affoler, le taux retrouvé dans ce lot est extrêmement faible, certes, au-dessus de la limite autorisée, mais extrêmement faible".
Cela ne présente absolument aucun danger pour la santé des consommateurs, même des enfants.
Marc Thomas, président BiosudFrance 3 Provence-Alpes
"C'est un problème mineur, personne ne peut dire, ou prouver que sur les 40 dernières années, une seule personne a été contaminée par l'arsenic", poursuit-il.
Le niveau d'arsenic lié aux conditions climatiques
Un autre facteur peut expliquer ce rappel inédit de riz camarguais. Le président de cette exploitation familiale agricole traditionnelle souligne que le lot rappelé provient de la récolte 2023, une année marquée par une sécheresse particulièrement forte, notamment durant l'été. Ce qui peut également expliquer le taux d'arsenic plus élevé.
"Plus le temps est sec, plus on peut en trouver, car le Rhône est plus bas. C'était le cas l'année passée. Forcément, on pompe plus près du fond. Or les métaux lourds sont situés en profondeur."
Pour la riziculture, l'eau est habituellement pompée dans le 1ᵉʳ mètre sous la surface, ou 1,50 m. Mais cela pourrait évoluer en raison de la pollution à l'arsenic. "On essaie de voir avec les producteurs si on peut pomper l'eau encore plus à la surface."
Pour 2024, Marc Thomas se veut rassurant. "Cette année a été particulièrement pluvieuse. On est en pleine récolte, les premières analyses montrent une très faible teneur en arsenic".
D'avantage d'arsenic dans le riz semi-complet ou complet
Concernant le type de riz concerné par ce rappel, pas de surprise non plus pour le chef d'entreprise. "Le riz semi-complet ou complet est un riz moins gratté que le riz blanchi. Cela lui permet de conserver ses vertus nutritives. Or plus on gratte le riz, moins on trouve d'arsenic, car on le retrouve surtout dans l'enveloppe du riz, à l'extérieur du grain".
Nous travaillons en bio depuis 40 ans. Le bio s'est beaucoup développé en utilisant l'argumentation que le riz complet ou semi-complet était meilleur pour la santé que le riz blanc.
Marc Thomas
Un choix louable, mais qui pourrait être remis en question dans les années futures. "Si les normes restent les mêmes, on se pose sérieusement la question : est-ce que l'on ne va pas s'arrêter de produire le riz complet et semi-complet et ne garder que le blanchi ?" Cela, pour rester en conformité avec la réglementation, mais, paradoxalement, au détriment des qualités nutritionnelles du riz.
"On a essayé pendant toutes ces années de monter une filière fiable, c'est dommage", regrette Marc Thomas.
Une réglementation "trop sévère"
Biosud appartient à la famille Thomas depuis 1906. De son côté, Marc est à la tête de l'entreprise depuis une quarantaine d'années et nous l'assure : "C'est la première fois que le riz Biosud fait l'objet d'un rappel". Et pour cause. "Il n'y avait aucune réglementation pour l'arsenic encore, il y a cinq ans".
Depuis mars 2023, l'Union européenne a fixé un seuil maximal de 0,15 milligramme d'arsenic par kilo de riz semi-complet, comme le riz blanchi. Il était de 0,25 mg auparavant.
"Pour nous, c'est le principal problème. Les normes prises par des bureaucrates à Bruxelles sont trop basses. Elles n'ont pas de sens. Or à terme, elles peuvent mettre fin à la riziculture française".
"Nous n'avons eu aucunes explications par rapport à ces normes, regrette-t-il. C'est une aberration. On est pieds et poings liés."