La cité phocéenne continue d'être tristement célèbre pour ses assassinats en série. Depuis janvier 2023, 32 personnes ont été tuées à Marseille. C'est déjà plus qu'en un an en 2022. Un ancien acteur du trafic de stupéfiants l'avait prédit à France 3 Provence-Alpes.
Marseille. Ses calanques, sa Bonne Mère, son Vieux-Port. Et ses "règlements de compte". La cité phocéenne est malheureusement toujours (trop) associée aux assassinats sur fond de trafic de stupéfiants. Une guerre qui semble sans fin. Depuis le début de l'année 2023, en huit mois donc, le nombre de personnes assassinées dépasse déjà celui de 2022. Difficile de savoir si ces assassinats sont toujours liés à ce qu'on appelle des règlements de compte, terme décrié par les familles des victimes.
Un chiffre qui risque de s'alourdir
En avril, un ancien acteur du réseau de drogue marseillais avait prédit à France 3 Provence-Alpes que cette année serait la pire. Quinze personnes avaient alors été assassinées dans la cité phocéenne. En quatre mois, ce chiffre a doublé. Une série noire qui ne finit pas, parce qu'aucun des deux camps n'a "pris possession de tous les biens de l'autre". C'est ce qu'indiquait cet ancien du trafic marseillais. Pour lui, il ne s'agit pas d'une guerre de territoires, mais d'enrichissement. Il explique que les assassinats ne cesseront pas "tant qu'aucun des rivaux ne sera épuisé financièrement ou personnellement". Autre solution, que "la police fasse de grosses arrestations". Problème : les têtes pensantes ne vivraient plus à Marseille. Le temps de la French Connection est lointain. Les méthodologies et l'organisation du trafic ont changé, comme France 3 Provence-Alpes l'avait raconté dans cette enquête.
En avril, le porte-parole du syndicat de police Alliance pour la région sud, Rudy Manna, assurait déjà que 2023 était "l'un des débuts d'année les plus compliqués qu'on a eu à gérer en termes de règlements de compte". "Le problème, c'est que ça fait longtemps qu'on fait le maximum que l'on puisse faire. La police ne va pas y arriver seule. Il faut des actions qui amènent à sortir ces jeunes de ça", avait-il analysé.
Des morts de plus en plus jeunes
Le trafic de drogue à Marseille serait de plus en plus désorganisé et violent parce qu'éphémère et peu réfléchi, d'après plusieurs sources. Philippe Pujol, journaliste spécialiste des quartiers populaires marseillais, constate un rajeunissement des tueurs et des morts depuis 2010. Cette année-là, les derniers héritiers de la French Connection auraient exporté de grosses quantités de cocaïne, laissant la gestion du terrain aux "petits". C'est le début de ce que le journaliste nomme : "l'ubérisation du trafic".
"Les têtes pensantes font de l'import-export et vont vendre cher, car un réseau qui ne s'installe jamais ne va pas négocier les prix, il va vouloir que ça tourne tout de suite".
Philippe Pujol, journalisteÀ France 3 Provence-Alpes
Sauf que ces jeunes n'ont qu'une notion du terrain : la violence. "C'est la génération des cramés, des Gremlins, persuadés qu'ils vont devenir des gros dealers et qui s'entretuent", déplore Philippe Pujol.
Des corps de mineurs sont retrouvés, parfois calcinés dans des voitures. Et puis il y a aussi ceux qui disparaissent sans laisser de traces, les séquestrations et les blessés graves, qui concernent des jeunes âgés de 14 à 25 ans en moyenne, d'après Philippe Pujol. Le nombre d'assassinats n'est donc que la pièce visible d'un grand puzzle.
Une série noire commencée en Thaïlande
Selon nos sources, la dernière série d'assassinats à Marseille trouve son origine en Thaïlande, au début de l'année 2023. Dans ce pays asiatique, où vivrait une partie des têtes pensantes du réseau, un groupe de jeunes se seraient disputés lors d'une soirée arrosée en boîte de nuit. Une histoire de glaçons jetés sur la table voisine. Un prétexte pour demander aux jeunes, sur le terrain, dans la cité phocéenne, d'attaquer. Les périodes d'assassinats en série partent toujours d'un prétexte : une histoire d'amour, d'alcool ou de regards de travers, avait expliqué un ancien trafiquant à France 3 Provence-Alpes. "On n'attaque jamais directement un réseau juste pour s'étendre, ça n'existe pas", avait-il développé.
Philippe Pujol parle de "vagues." "Les vagues hautes, c'est une trentaine de règlements de compte dans l'année, comme en 2022. Les vagues basses, c'est une quinzaine." Et de nuancer : "On est quand même bien loin des 170 morts annuels de Naples ou des 200 de Baltimore."
Ce week-end, deux personnes ont été assassinées à Marseille. Un homme a été tué par balle devant une boîte de nuit du 11ᵉ arrondissement, dans la nuit de vendredi à samedi 12 août. Une autre victime, âgée de 25 ans, est décédée dimanche 13 août dans le 9ᵉ arrondissement, tuée par balle également. Régulièrement, des images des assassinats sont diffusées sur les réseaux sociaux (Snapchat). Au moins trois plaintes auraient été déposées par un collectif des familles de victimes.