Le professeur Didier Raoult, éminent virologue marseillais au coeur de la polémique sur le traitement contre la Covid-19, était auditionné mercredi après-midi dans le cadre de l'enquête parlementaire sur la gestion de la crise de l'épidémie.
C'est une audition à l'assemblée nationale qui était très attendue dans le cadre de l'enquête relative à la gestion de la crise liée au Covid-19.
Celle du Pr Didier Raoult, infectiologue et directeur de l'IHU méditerranée Infection à Marseille. Une personnalité réputée dans le monde de la microbiologie, mais que le grand public a découvert durant cette crise sanitaire.
A contre-courant des autorités
L'éminent virologue marseillais a suivi une démarche à contre-courant des décisions sanitaires nationales.
Il a réalisé un dépistage massif des Marseillais, lorsque le reste de la France manquant de tests, n'en accordait qu'au compte-goutte.
Il a utilisé un traitement à base d'hydroxychloroquine alors que la molécule a été interdite en France comme traitement de la Covid-19.
Il a annoncé des résultats positifs liés à son traitement (antipaludéen associé à un antibiotique) et constaté un taux de mortalité bien inférieur à Marseille qu'à Paris et dans le reste de la France.
Enfin, il a quitté le conseil scientifique qui gérait la crise, et émis de véritables critiques sur sa gestion de l'épidémie. Malgré ce, le président de la République Emmanuel Macron était venu lui rendre visite dans son institut marseillais.
Autant dire que son audition était très attendue par les membres de la commission d'enquête.
Covid-19 : Audition du Professeur Didier Raoult - 24/06/2020[DIRECT] Le professeur Didier Raoult, directeur de l'IHU - Méditerranée Infection, est auditionné par la commission d'enquête sur la gestion de la crise liée au coronavirus. Défenseur de l’hydroxychloroquine pour traiter la Covid-19, il répond aux questions des députés sur les choix effectués pour lutter contre l'épidémie.
Publiée par LCP sur Mercredi 24 juin 2020
- En voici les grandes lignes
"Pour comprendre la maladie, il faut en faire le diagnostic", se plaît à répéter l'infectiologue marseillais. Aussi dénonce-t-il des barrages que lui ont opposé "certains au sein des autorités sanitaires".
"Au début, on m'interdisait de faire des tests", explique Didier Raoult, qui reçoit habituellement "des demandes du monde entier pour de la PCR", regrettant qu'"en France, je ne pouvais pas faire du diagnostic de Covid".
Bravant les interdictions, l'IHU Méditerranée Infection avait alors lancé dès le mois de mars, la première campagne de dépistage massif, ouverte à tous. Suivant par là-même les recommandations de l'Organisation Mondiale de la Santé.
A plusieurs reprises, Didier Raoult a déploré les "responsabilités humaines" qui ont à ses yeux, ralenti ou travesti les processus de décision.
Des blaireaux dans leurs terriers, qui mordent si on s'en approche.
Sans ambivalence, il pointe du doigt les Centres Nationaux de Référence (CNR). Durant l'épidémie notamment, la validation des tests de sérologie par le CNR avait été jugée extrêment longue par les biologistes.
"Si vous les maintenez (les CNR), vous développerez des personnalités de niche, de blaireaux dans leurs terriers qui mordent si on s'en approche".
"Ce sont des territoriaux" qui "considèrent que la maladie est leur territoire", a indiqué l'infectiologue.
Concernant la gestion de la crise, pour Didier Raoult, "il y a des choses qui sont d’une responsabilité humaine directe, et des choses qui sont structurelles".
En décidant de ne pas s'acharner sur le soin, on l'a fait passer au second plan.
L'absence de traitement face à la Covid-19 est un "vrai problème" de cette crise, selon lui. En décidant "de ne pas s'acharner sur le soin... on l'a fait passer au second plan", déplore le professeur marseillais.
"Je ne suis pas d'accord pour que l'Etat prenne des décisions médicales à la place des médecins", a-t-il encore déclaré.
Dès la fin mars, l'hydroxychloroquine utilisée comme traitement par les équipes de l'IHU Infection de Marseille, avait été interdite à la prescription par les médecins de ville.
"Je suis surpris que l’ordre des médecins ait accepté une chose pareille, a souligné le Pr Raoult. Car c’est de la responsabilité des médecins de faire pour le mieux, pour leurs malades, en leur âme et conscience, compte tenu de notre état de connaissances. Et les priver de ça, je ne sais pas si c’est constitutionnel. Je pose la question c’est tout".
"Que l'Etat se saisisse des tâches qui sont du soin usuel à la place des médecins et leur interdisse des choses qui sont banales, je ne suis pas d'accord. Je suis surpris que l'@ordre_medecins ait accepté une chose pareille", assure @raoult_didier. #Chloroquine #Covid19 #DirectAN pic.twitter.com/YSeaoxgjy2
— LCP (@LCP) June 24, 2020
Hydroxychoroquine : 36 millions de comprimés distribués sans ordonnance
Son traitement, constitué de l'association de l'hydroxychloroquine (antipaludéen) et de l'azythromicyne (antibiotique), le professeur Raoult en est fier, malgré l'énorme polémique qui s'est développée autour de cela.
"L’hydroxychloroquine, (publié par la CNAM en 2019) : il s’était distribué 36 millions de comprimés sans ordonnance. Et d’un coup on décide qu’on n’a plus le droit d’utiliser ça ?", souligne le professeur marseillais.
Rajoutant, "et l'azythromycine, qu'on ne peut plus donner aux pneumopathies suspectes de Covid-19 à Paris, c'est le médicament le plus utilisé contre les pneumopathies aux Etats-Unis. Alors de là à en faire des poisons violents...".
La polémique sur le traitement avait même entraîné dans sa spirale la très prestigieuse revue scientifique The Lancet, qui avait dû retirer la publication d'une étude dénoncant les bienfaits du traitement.
"Ce débat a pris un tour fantasque", reconnaît 'infectiologue. "The Lancet annonçait 10 % de morts, je ne pouvais pas croire cela". Avançant des tests menés par son établissement marseillais sur 6 000 personnes, "il n'était pas possible que 600 morts nous soient passés inaperçus".
Il s'est passé quelque chose ici sur la prise en charge.
Le taux de mortalité, le professeur marseillais y revient à la suite d'une question posée par un député LR. "Si l'on avait appliqué votre protocole, aurions nous pu sauver trois fois plus de vie ?"
Car l'IHU annonce un taux de mortalité à Marseille trois fois inférieur à la moyenne nationale.
Selon le Pr. Raoult, "la proportion des gens de moins de 65 ans morts à Paris sur les données que j’ai est de 17 %. Je vous rappelle qu’en Europe, elle est de 10 %. Il s’est passé quelque chose ici sur la prise en charge. La mortalité dans les réanimations (à Paris) est de 43 %, chez nous (à Marseille) elle est de 16 %. Ce sont les mêmes malades pourtant, ils sont tous en réanimation".
Un conseil scientifique pour moi, ça n'est pas une bande de types qui a l'habitude de travailler entre eux.
Quant au Conseil scientifique auquel il n'a appartenu que quelques jours, avant de claquer la porte, Didier Raoult en a donné les raisons de son départ.
"Ca n'est pas un vrai conseil scientifique. Je ne fais pas de présence, je n'ai pas le temps. Un conseil scientifique, pour moi ça n'est pas une bande de types qui a l'habitude de travailler entre eux, et qui discutent. Pour moi, un conseil scientifique, ce sont des données et encore des données (...) Il n'y avait pas un seul spécialiste français du coronavirus parmi eux".
"Ce n'était pas un Conseil scientifique donc je ne fais pas de présence. Un conseil scientifique n'est pas une bande de types habitués à travailler entre eux. Il n'y avait pas un seul des meilleurs spécialistes français du #coronavirus", dit @raoult_didier. #Covid_19 #DirectAN pic.twitter.com/0bHcurzr6x
— LCP (@LCP) June 24, 2020
Le Pr Raoult épingle au passage les conflits d'intérêts que certains peuvent avoir avec des laboratoires comme Gilead, fabriquant du Remdesivir, autre molécule testée sur la Covid-19.
Il propose aux membres de la commission d'aller vérifier sur le site Transparence-Santé qui recense les liens d'intérêt entre les entreprises et les acteurs de la santé.
Système archaïque, lenteur administrative et axes stratégiques à revoir. Le virologue marseillais n'a fait que répéter ce qu'il a déjà dit plusieurs fois par voie de presse au cours de cette crise sanitaire.
Rappelant qu'en matière de politique de santé, il y a parmi les choses à revoir, la simple "durée de vie" des responsables :
"On a calculé que la durée de vie d'un ministre de la Santé, comme celle des directeurs d'hôpitaux, n'est que de deux ans à deux ans et demi".