Le logement à Marseille fait partie des trois priorités du plan "Marseille en grand" présenté par Emmanuel Macron en septembre. Objectif annoncé : la réhabilitation de 10.000 logements dans les 15 prochaines années. À la veille de l'élection présidentielle, où en est-on ?
"Le parent pauvre du quinquennat". En France, quatre millions de personnes vivent dans un logement indigne et 300.000 vivent à la rue. C'est le constat du dernier rapport de la fondation Abbé Pierre sur le mal-logement.
En pleine campagne présidentielle, la fondation a dressé un constat sévère sur le quinquennat d'Emmanuel Macron, "pas à la hauteur" des enjeux à ses yeux. "De manière générale, il apparaît que le logement n'a jamais été une priorité de l'exécutif au cours de ce mandat", dénonce-t-elle.
Qu'en est-il à Marseille, deuxième ville de France, symbole du mal-logement notamment depuis le drame de la rue d'Aubagne ? En visite dans la cité phocéenne en septembre 2021, Emmanuel Macron avait présenté son plan "Marseille en grand", en direct du Pharo. Un plan d'urgence pour soutenir une ville qui "cumule tous les handicaps" selon l'Élysée, et dont l'un des chantiers prioritaires est le logement.
Les engagements d'Emmanuel Macron
"Je ne viens pas ici faire des promesses, je viens prendre des engagements en en demandant, parce que c'est comme ça qu'on s'en sortira ensemble", avait-il déclaré. "En même temps que l'on investit, j'attends de vous monsieur le Maire que vous réformiez".
Emmanuel Macron avait évoqué le souvenir "douloureux des effondrements de la rue d'Aubagne". L'objectif annoncé : la réhabilitation de 10.000 logements dans les 15 prochaines années, insistant sur la coopération entre la Ville et la Métropole pour que ces chantiers s'engagent "immédiatement". Aucune enveloppe budgétaire n'avait été estimée.
Où en est-on ?
Deux mois après la visite du président, fin octobre, la mairie de Marseille a annoncé avoir effectué des "travaux d'office" pour sécuriser une vingtaine d'immeubles. "La ville se substitue aux propriétaires (...) au moyen d'une enveloppe de 48 millions d'euros pour quatre ans, votée fin 2020", déclarait alors l'adjoint chargé des questions de logement, Patrick Amico.
"Il ne s'agit pas de réhabiliter complètement un bâtiment, mais de le remettre en sécurité afin que les locataires puissent revenir. Ces travaux sont récupérés auprès des propriétaires. Mais, si au final les propriétaires ne paient pas, la ville devient propriétaire des immeubles", a-t-il expliqué.
En un an, la ville a ainsi travaillé sur la sécurisation de 20 immeubles pour un montant avoisinant les cinq millions d'euros, selon Patrick Amico. "Une quarantaine d'autres sont dans les tuyaux".
Mais la tâche est immense. Six semaines après la venue du président, le Collectif du 5 novembre déplorait l'absence de nouvelles annonces. "C'est très décevant sur l'enjeu numéro 1 à Marseille avec les écoles", avait déclaré à l'AFP Kevin Vacher, porte-parole du Collectif, selon qui "300 immeubles sont encore frappés de péril imminent". Comme ce dernier, sur la tour C du parc Corot :
"Si vous prenez le nombre de visites de contrôle par la mairie en 2018, il y en avait eu 2.695. Après le drame de la rue d'Aubagne, en 2019, il y en a eu 3.300. Mais en 2020 c'est retombé à 2.400. C'est une gestion par l'émotion qui a été proposée", de réagir Fathi Bouaroua du Collectif du 5 novembre.
Autre problématique marseillaise : le manque de logements sociaux, 41.000 dossiers sont sans réponse. Si Marseille approche du seuil légal des 25% de logements sociaux, ceux-ci sont quasiment absents des quartiers aisés du Sud et du centre.
Pour Fathi Bouaroua, les fonds injectés risquent de ne pas bénéficier aux habitants historiques de ces logements insalubres. Les plus précaires du centre-ville pourraient être forcés à partir vivre dans les quartiers nord.
"Le problème c'est que le foncier prend de plus en plus de valeurs à Marseille, les habitants les plus pauvres pourraient être chassés par la spéculation et non pas par l'habitat indigne."
650 millions d'euros pour la rénovation urbaine
Mercredi 16 mars, l'État a acté un financement de 650 millions d'euros pour la rénovation urbaine. Une enveloppe destinée à la réhabilitation de 14 quartiers prioritaires. À savoir : "la création de nouveaux logements, la réhabilitation des logements privés dégradés et la création de nouveaux équipements de services publics, de parcs, de jardins et d’espaces sportifs", a détaillé la ville.
Nadia Hai, ministre déléguée chargée de la Ville, a signé en préfecture cet engagement en présence du maire de Marseille Benoît Payan et de la présidente de la Métropole, Martine Vassal.
Ces financements doivent permettre la démolition de "plus de 2.650 logements sociaux et la construction d’autant de logements sociaux neufs pour l’essentiel dans d’autres quartiers", a développé le ministère de la Ville. Ainsi que "la rénovation de près de 2.300 logements sociaux et le recyclage de près de 1.100 logements privés dégradés".
Un acte salué par l'adjointe Samia Ghali :
"Nous signons avec Nadia Hai les conventions du Nouveau Programme National de Renouvellement urbain pour les quartiers marseillais d’Air Bel et de Grand Saint Barthélémy / Grand Malpassé. Le nouveau visage des grands ensembles urbains marseillais se dessine aujourd’hui", a déclaré Martine Vassal.
Premiers chantiers de rénovation du centre-ville en 2022
Les premières opérations du chantier de rénovation du centre-ville de Marseille doivent commencer en 2022. Emmanuelle Wargon, la ministre déléguée au Logement a rappelé, lundi 31 janvier, le besoin de relancer la construction de logements dans la cité phocéenne. On estime ses besoins à 5.000 logements par an et seuls 2.500 permis ont été délivrés en 2021 pour moins de 1.000 logements sociaux.
"Nous avons convenu de la signature rapide d’un contrat de relance du logement et de la tenue d’états généraux du logement proposés par le maire de Marseille auquel la Métropole s’associera", a déclaré la ministre à l’issue du 3e comité de pilotage du PPA, aux côtés de Benoît Payan et de Martine Vassal.
"Les engagements que nous avons pris collectivement seront tenus." La concertation devrait débuter cet l’été, a assuré la ministre, pour une livraison attendue en 2024.
40.000 taudis dans la 2e ville de France
Dès 2015, le rapport Nicol dénombrait 40.000 taudis (plus de 10% du parc d'habitations de la ville), soit 100.000 personnes concernées sur 860.000 habitants. Un parc immobilier délabré dans le centre-ville marseillais, mais aussi dans des grands ensembles des quartiers nord.
Le 17 juillet 2021, l'incendie dans un immeuble de la cité des Flamants (13e arrondissement) avait provoqué la mort de trois des migrants nigérians qui squattaient le bâtiment. Un bâtiment qui devait être démoli.
Début janvier, un enfant de cinq ans est mort et plusieurs personnes ont été hospitalisées par l'incendie d'un appartement aux Rosiers, dans les quartiers nord de Marseille. Une cité, comme le parc Corot, connue pour être particulièrement insalubre et où les marchands de sommeil règnent en maître.
"Le mal-logement a encore tué", avait alors tweeté Patrick Amico. "Seule une action commune de l'Etat et des collectivités, chacun dans son domaine de responsabilités, peut permettre de sortir de cette situation. C'est là-dessus que nous travaillons."
Au lendemain du drame de la rue d'Aubagne qui avait fait huit morts le 5 novembre 2018, l'État et les collectivités avaient signé un plan d'action (le Projet partenarial d’aménagement, PPA) pour répartir les 600 millions d'euros promis contre l'habitat indigne, sur 15 ans et pour 1.000 hectares du centre-ville. La première phase de ce projet, de 217 millions d'euros, visant seulement 7ha, soit quatre îlots dégradés.
Selon la Direction départementale des Territoires et de la Mer (DDTM), le pôle départemental de lutte contre l'Habitat indigne enregistre 1.500 signalements par an en moyenne. Parmi ces signalements, 70% concernent la ville de Marseille. Une soixantaine d'arrêtés d'insalubrités sont pris en chaque année.