Témoignage. "On a en marre de quémander " : mère d'un enfant autiste Asperger, elle raconte ses difficultés à l'école

Publié le Écrit par Laure Bolmont

Sabine a décidé de témoigner sur les réseaux sociaux de son quotidien avec son fils de 15 ans, pour faire comprendre et accepter la différence de son enfant qui est au lycée.

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"Je me suis dit, je vais tout faire pour l'aider, mais aujourd'hui, j'ai des moments où je sens que je ne vais pas y arriver". Sabine a décidé de partager son quotidien pour alerter sur l'inclusion des enfants Asperger à l'école. Cette infirmière marseillaise de 51 ans a renoncé à son métier pour s'occuper de son fils lorsqu'il a été diagnostiqué autiste Asperger, juste avant la Covid.

"Asperger universe "est le nom du compte qu'elle vient de créer sur Instagram. Sabine a décidé de raconter le quotidien de sa famille, au centre de laquelle se trouve Thomas*, son second fils, âgé de 15 ans, atteint d'un syndrome autistique Asperger. Partager pour faire comprendre et accepter la différence de son enfant, aujourd'hui élève de seconde, en souffrance dans son apprentissage scolaire. À l'occasion de la Journée mondiale de l'autisme, elle veut témoigner de son combat.

Un handicap invisible

Avant de commencer l'entretien, Sabine tient à poser le cadre : pas question de "taper sur les profs", son mari étant lui-même enseignant, mais bien de démonter les rouages de ce handicap invisible, bien trop souvent minimisé, selon elle. Par méconnaissance, les réponses du corps enseignant sont parfois inadaptées aux troubles du jeune autiste et les notes s'en font ressentir.

Dyspraxie, dysgraphie, dysorthographie, Thomas* cumule plusieurs troubles associés. Dans son lycée marseillais, il bénéficie en classe d'un ordinateur, de l'aide d'un AESH (Accompagnant d'élève en situation de handicap) et d'aménagements scolaires. Mais Sabine raconte qu'elle doit se battre pour les faire appliquer, car ils sont trop souvent envisagés comme un traitement de faveur. "On a en marre de quémander alors que c'est un droit, on passe pour des parents pénibles, mais les gens ne savent pas à quoi ressemble notre vie".

"Frustré et incompris"

Thomas a son mot à dire, mais il redoute l'interview. Le jeune homme préfère mettre par écrit son ressenti : "Quand je n’ai pas l’AESH et les aménagements, je ne peux pas travailler normalement, je ne me sens pas bien, je suis beaucoup plus fatigué et j’ai de mauvaises notes", raconte l'adolescent, qui se dit "frustré et incompris".

Je n’ai pas de vie sociale qui m’épanouisse. J’ai l’impression que ça [l'autisme] me vole une partie de mon adolescence

Thomas*, autiste Asperger

France 3 Provence-Alpes

Sabine raconte comment Thomas a déjà traversé des périodes de phobies scolaires, des crises d'asthme ou des attaques de panique avant d'aller à l’école. "L'enjeu aujourd'hui pour nous, c'est qu'il obtienne le bac, mais on ne sait pas par comment s'y prendre", confie-t-elle, inquiète de sa moyenne qui plafonne en dessous de dix.

Cette mère décrit les failles, lorsqu'en classe le plan d'accompagnement (PPS) n'est pas respecté à la lettre : absence de supports de cours, exigence sur le respect de l'orthographe, punition quand le travail est considéré comme mal fait... "Inclusion ne veut pas dire égalité de traitement, mais plutôt équité", affirme Sabine, "ne pas respecter les aménagements, ne pas intégrer la différence, c'est comme priver une personne handicapée moteur de fauteuil ou de béquille".  

"Il se retrouve facilement en burn-out"

Gérer le capital fatigue de Thomas est l’objectif d'une journée : un autiste Asperger a une très grande fatigabilité et il dépense son énergie différemment d'un autre enfant, explique Sabine. "Le matin, il se lève difficilement, il est très lent, il a toute une série de rituels à respecter, enfermé dans son perfectionnisme ", un début de journée qui consomme beaucoup de son énergie. "Ensuite, je l'accompagne au lycée, parce qu'il ne peut pas prendre le bus à cause du bruit qui le fatigue. Il ne peut pas manger à la cantine, trop de monde, alors il nous arrive par manque de temps de déjeuner tous les deux dans la voiture".

Dès qu'il a atteint son seuil maximal de fatigue, Thomas présente des troubles de la vue, des acouphènes, des maux de tête et la nuit, il ne dort pas sans mélatonine. "Il se retrouve facilement en burn-out". Le soir se pose la question de sa capacité à faire ses devoirs, avec le risque de prendre du retard et d'avoir des mauvaises notes.

L'absence de résultats, malgré les efforts fournis, fait souffrir Thomas : "J’aime comprendre et réussir, comme tout le monde, mais avec ces difficultés, je n’ai pas cette chance. Cette année, je ne vis que pour le travail et pour tenir des notes moyennes, voire des notes basses", écrit-il.

"Pas de tapis rouge, juste une place"

Sabine se dit à bout, déprimée, mais ne peut imaginer abandonner son enfant au milieu de parcours. "Je n'ai pas le choix, il faut que je continue". Par chance, avoue-t-elle, Thomas est issu d'une famille équilibrée et aimante qui le soutient, ce qui n'empêche ni la fratrie, ni le couple de pâtir de son mal-être.  Informer via les réseaux sociaux, faire connaître le handicap de son fils est devenu le dernier espoir de cette maman, qui présente la compréhension et la bienveillance comme les clés de la réussite scolaire des enfants autistes Asperger, qui bénéficient d'un potentiel, "s'ils se sentent motivés, ils arrivent à se dépasser, ce sont des êtres géniaux". 

Certains parlent de troubles du neurodéveloppement, d'autres de pathologie, mais peu importe, c'est un handicap, comment punir un élève qui souffre d'autisme ?

Sabine, maman d'un jeune garçon autiste Asperger

France 3 Provence-Alpes

En guise de conclusion de cet entretien, Sabine insiste : il est indispensable de "prendre en considération la souffrance des parents d'Asperger, de les écouter", sans être "intrusif, bien sûr " dans le travail des enseignants. Elle martèle qu'il existe des solutions pour ces enfants, "je ne veux pas que l'on leur déroule un tapis rouge, juste qu'ils aient leur place autrement qu'au travers d'une chaise dans une salle de classe".

*Thomas est un prénom d'emprunt

Première publication avril 2024

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