Après Mazan et l'histoire de Gisèle Pelicot : comment lutter contre la soumission chimique, une députée relance le débat

Le gouvernement relance la mission sur la soumission chimique à Sandrine Josso, députée MoDem de Loire-Atlantique. Elle-même victime, elle propose plusieurs mesures pour améliorer la prise en charge des victimes. Comme la création d'un "kit de détection" et la formation du personnel médical et judiciaire.

Société
De la vie quotidienne aux grands enjeux, découvrez les sujets qui font la société locale, comme la justice, l’éducation, la santé et la famille.
France Télévisions utilise votre adresse e-mail afin de vous envoyer la newsletter "Société". Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité

“Monsieur le Premier Ministre, le monde nous regarde et la France se doit d’être exemplaire”. Ces mots, ce sont ceux de la députée MoDem de Loire-Atlantique, Sandrine Josso à l’Assemblée nationale, qui a obtenu la reconduction de la mission gouvernementale qu’elle menait sous le gouvernement Attal. Elle-même victime de soumission chimique en novembre 2023, elle accuse le sénateur Joël Guerriau de l’avoir droguée lors d’une soirée, dans l’intention de l’agresser sexuellement. Un sujet d'actualité avec le procès de viols de Mazan qui se déroule actuellement au tribunal d'Avignon. France 3 Provence-Alpes s’est entretenu avec Sandrine Josso.

Observer les axes d'amélioration

Quels moyens ce gouvernement va mettre en place pour rapport ce fléau de société, ce véritable enjeu de santé publique ?”, interroge la députée à l’Assemblée nationale. Avant la dissolution de l’Assemblée, Sandrine Josso, main dans la main avec Véronique Guillotin, sénatrice de la Meurthe-et-Moselle, avait entamé des auditions avec un groupe de “victimes expertes”, dans le but de mettre en lumière les axes d’amélioration.

Une mission qui fait forcément écho au procès historique des viols de Mazan. Gisèle Pelicot, dont le visage devient celui du combat contre la soumission chimique, a été droguée et violée par son mari et des dizaines d’autres hommes, pendant dix ans. La députée de Loire-Atlantique s’est d’ailleurs rendue plusieurs fois au procès en tant qu’”observatrice de tous les axes d'amélioration sur lesquels nous devons faire des progrès”, et aussi apporté son soutien à la victime.

“Porter plainte s’apprête presque un acte révolutionnaire”

Sandrine Josso estime que ce procès révèle beaucoup de choses qui ont été mises sous silence. “D’abord sur le pan de l’intime, avec tout ce qui concerne la sexualité, ses dérives et ses addictions, et tous les dysfonctionnements culturels entendus dans cette salle d’audience. Que ce soit les tentatives d’humiliation et de déstabilisation de Gisèle, la mauvaise foi des avocats de la défense, la maltraitance de la victime”, énumère la députée. Après avoir échangé avec des victimes, Sandrine Josso décrit le fait de porter plainte en France, “s’apprête presque un acte révolutionnaire” alors que c’est un acte “courageux et douloureux”. “

Porter plainte a des conséquences énormes sur la santé des victimes. Entre la confrontation à l’agresseur, le procès… le traumatisme est renforcé. Ces femmes sont, en apparence, fortes et courageuses, mais sont détruites à l’intérieur.

Sandrine Josso, députée MoDem Loire-Atlantique

Après avoir montré une dignité impressionnante lors de son audition à la barre, Gisèle Pelicot avait cédé face à la défense de certains des avocats des coaccusés. “Depuis que je suis arrivée dans cette salle d'audience, je me sens humiliée [...] C'est insultant et je comprends que les victimes de viol ne portent pas plainte parce qu'on passe par un déballage où on essaie d'insulter les victimes”, avait-elle déclaré, mettant son self-control de côté.

Le nombre de victimes par soumission chimique : un "chiffre noir"

Pour Sandrine Josso, il y aura un avant et un après ce procès tentaculaire “révélateur de nos manquements dans la société, où on entend l'horreur des horreurs, des choses difficilement supportables”. “On brise la loi du silence et on fait un état des lieux de ce qui ne va pas…. et on est contraint de constater que les victimes sont maltraitées à plein d’endroits, en France”. En découle alors la question suivante : “Comment peut-on accompagner les victimes ?”. Elle fait référence aux femmes qui portent plainte, mais aussi celles qui n’y arrivent pas, pour des raisons qui leur appartiennent.

Comment on accompagne aussi les femmes qui n’arrivent pas à porter plainte et qui sont quand même ravagées de l’intérieur ? Les deux ont le droit à une réparation.

Sandrine Josso, députée en charge de la mission sur la soumission chimique

C’est là tout l’enjeu de la mission de Sandrine Josso. Pour elle, la “priorité des priorités” est la possible délivrance d’un “kit de détection”, à la suite d’une prescription médicale. Dans ce kit, tout le nécessaire pour une bonne prise en charge : les informations concernant le dépistage, l’accessibilité aux preuves avec des adresses de laboratoires, des numéros utiles… Tout pour “permettre aux victimes qui ne veulent pas porter plainte d’être aussi reconnues”. Car aujourd’hui, “le nombre de victimes est un "chiffre noir". On est capable de recenser uniquement les victimes qui ont porté plainte, mais comme elles sont nombreuses à ne pas le faire”, souligne Sandrine Josso.

"Ce procès soulève la poussière que l’on a mise sous ce tapis"

Pour améliorer la prise en charge des victimes, la formation de tout le personnel médical, paramédical et judiciaire est indispensable. “On est à un niveau de méconnaissance déplorable, assène la députée Loire-Atlantique. Je souhaite que la France soit exemplaire dans ce projet”. Pendant dix ans, Gisèle Pelicot a consulté bon nombre de spécialistes. Des gynécologues pour ses infections à répétition, des neurologues pour ses troubles de la mémoire. Des dizaines de consultations médicales qui se sont soldées par dix ans d’errance de diagnostic, “pour des professionnels pas formés”, ponctue la députée. “Ce procès soulève la poussière que l’on a mise sous ce tapis. Aujourd’hui, on a le droit de se dire ‘plus jamais ça’”. 

Pour y arriver, Sandrine Josso et Véronique Guillotin, soutenues par Guillaume Gouffier-Valente, député de Val-de-Loire et Gada Hatem, fondatrice de La Maison des femmes, veulent mettre en place des formations à la soumission chimique “à tous ceux qui peuvent croiser des victimes”. Elle souhaite proposer un questionnaire qui permettrait d'“investiguer le doute”. Le procès des viols de Mazan joue aussi un rôle dans l’éveil de la conscience collective, et sensibilise à grande échelle sur la soumission chimique. Gisèle Pelicot l’a dit lors de son audition, elle a souhaité la levée du huis clos “pour toutes les femmes qui ne seront peut-être jamais reconnues comme victimes. Pour que plus aucune femme n’ait à subir la soumission chimique”. Elle confie d’ailleurs que si elle avait eu un témoignage comme le sien, elle aurait réagi très vite. 

Sandrine Josso se bat “pour que cesse enfin ce crime parfait qui ravage, anéanti et détruit la vie de milliers de Françaises et de Français”. "Mon combat est plus grand que moi. C'est un combat pour les autres."

Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Veuillez choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité
Je veux en savoir plus sur
le sujet
Veuillez choisir une région
en region
Veuillez choisir une région
sélectionner une région ou un sujet pour confirmer
Toute l'information