Comment la cité du Dr Ayme à Cavaillon est devenue un des plus gros points de vente de drogue de Paca

Les deux hommes abattus lundi soir dans ce quartier de Cavaillon étaient connus pour leur implication dans les trafics de drogue qui gangrènent la cité depuis plusieurs années.

La cité du Docteur Ayme a acquis depuis deux ans une notoriété dont ses 2 500 habitants se seraient bien passés. Lundi soir, un nouveau réglement de comptes a fait deux morts et un blessé. Un autre de ces épisodes de violence qui rythment désormais la vie de ce quartier prioritaire de Cavaillon (Vaucluse). Les trafics de drogue n'y sont pourtant pas nouveaux. La cité est réputée pour être l’une des plaques tournantes du trafic de drogue dans le Sud de la France depuis des années, mais jamais les tirs des fusils d'assaut et de semi-atimatiques n'ont résonné autant entre les barres d'immeubles. France 3 Provence-Alpes vous explique comment on en est arrivé là. 

  • Un point stratégique entre Avignon et Carpentras

Si ces dernières décennies le narcobanditisme marseillais a monopolisé la Une des médias, les villes moyennes comme Avignon, Carpentras et Cavaillon n'ont pas échappé à la prolifération des points de vente de drogue très lucratifs. Idéalement située à quasi égale distance de la cité des Papes et de la capitale du Comtat Venaissin, Cavaillon s'est imposée comme un point stratégique, au coeur des trafics de stupéfidants. La cité est devenue l'une des plaques tournantes connues du trafic de drogue dans le Sud de la France

En 2021, les points de deal de la cité cavaillonnaise rapportent entre 30 000 et 60 000 euros par jour selon les syndicats de police. Plus d'un million d'euros par mois. De quoi aiguiser les appétits. 

  • La chute des frères de la cité Ayme

Tout semble basculer dans le quartier du docteur Ayme en 2021. De fait, cette année là, les deux frères qui tiennent les points de deal tombent. L'un est interpellé pour un règlement de compte mortel. L'autre âgé de 32 ans est abattu le 25 avril, d’une rafale d’arme automatique de calibre 9 mm. Une vingtaine de douilles sont ramassées sur place. La victime a été exécutée au volant de sa Golf, qui finit sa course en tonneau sur un rond-point de son quartier natal.

C'est le début d'une escalade fulgurante de la violence dans ce secteur de la ville. La place laissée vacante attise les convoitises et entraîne des guerres de territoires sanglantes, impliquant dans le même temps une recomposition des alliances entre bandes rivales de Cavaillon, de Montclar et Reine Jeanne à Avignon, ou encore des Amandiers à Carpentras. "Ça entraîne un repositionnement qui est donc la conséquence directe de notre action car ayant vu le clan affaibli, certains en ont profité pour lancer une offensive", a analysé Jérémie Bosse Platière, commissaire de la police judiciaire d'Avignon dans La Provence le 15 septembre 2022.

  • Un déferlement ininterrompu de violence 

A partir de l'été, la violence va crescendo. Des dizaines de fusillades et de coups de feu en six mois. La vie se transforme en enfer pour les habitants de la résidence du docteur Ayme. 

Les trafiquants ne craignent pas d'opérer en plein jour, ils installent même des dos-d'âne pour ralentir les descentes de police et mener leurs affaires en toute tranquillité.

Des commandos surgissent armés jusqu'aux dents pour s'en prendre à d'autres groupes d'individus dans la cité. Des coups de feu sont tirés. Des armes saisies. Kalach, Glock. Le ministre de l'Intérieur vient en personne prendre la mesure de la situation. Et promet des moyens. 

Cela n'empêche pas le mois suivant, une nouvelle fusillade qui oblige les élèves d'une école à rester confinés ni l'assassinat d'un homme de 22 ans le 28 septembre. Toujours au coeur de la cité du docteur Ayme.

Les habitants sont à bout, ils font une marche de la colère. Surtout ils se sentent abandonnés.

  • Une guerre sans merci

Le 3 janvier dernier, c'est à Montpellier, où il gérait un bar à chicha, qu'un homme de 36 ans décrit comme un chef de réseau de la cité Ayme est froidement abattu. Criblé de balles au moment de prendre sa voiture. 15 impacts dans le corps. Une exécution. 

"La frarie dont il fait partie a vraiment été la reine des stups à une époque sur le quartier du Dr Ayme", a  expliqué une source policière au quotidien local. Il avait été interpellé en 2016 pour une affaire de drogue.

  • Un quartier repoussoir à réhabiliter

La résidence du docteur Ayme, composée de 860 logements répartis dans des petites barres et trois tours de 14 étages, a été construite dans les années 70 pour accueillir des rapatriés d'Algérie et des travailleurs agricoles.

Mal entretenu, l'ensemble s'est peu à peu paupérisé se laissant progressivement gangréner par les trafics. Une première réhabilitation a été menée de 2010 à 2016. Une nouvelle phase prévoit d'ici 2025  la réhabilation des appartments et la démolition de 49 logements dont les tours où prospèrent les trafics. Avec l'espoir de transformer l'image d'un quartier aujourd'hui totalement passé aux mains des trafiquants.

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