TEMOIGNAGE. Il a choisi la vasectomie comme moyen de contraception et nous explique pourquoi

C’est une opération mal connue et peu pratiquée en France. Et pourtant. C'est une méthode efficace et peu invasive. Gionni Cuomo témoigne. Ce samedi 12 novembre 2022, c'est la journée mondiale de la vasectomie (première publication en 2019).

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Au téléphone, la voix de Gionni Cuomo traduit un accent italien, mais surtout un contentement non feint. "Je vais très bien, merci" nous dit-il d’emblée. Et pourtant, il y a quelque temps, la vie de cet habitant de Gambsheim (Bas-Rhin)  a pris un tournant radical. Le 26 mars 2019, il a subi une vasectomie. Une opération chirurgicale qui consiste à bloquer les canaux déférents qui transportent les spermatozoïdes. En d’autres termes, une stérilisation définitive.

Une alternative encore peu commune en France au moment où la parole des femmes se libère autour des souffrances liées à la contraception via le hashtag #payetacontraception sur Twitter. 

"Ça n’a pas été facile de sauter le pas", reconnaît le père de famille de 33 ans, dessinateur industiel. Sa compagne a trois enfants, dont deux qu'ils ont eu ensemble. C’est après la naissance de la petite dernière, Sarah, 1 an, que l’idée d’avoir recours à cette méthode de contraception masculine a commencé à germer dans son esprit et dans celui de sa compagne.

"Après sa dernière grossesse, elle ne supportait plus la pilule. Lors de nos rapports, on a d’abord fait attention, mais en sachant qu’on n’était pas à l’abri. On a ensuite tenté d’explorer d’autres moyens de contraception mais sans être satisfaits. Il y a le problème des hormones et les saignements provoqués par certains. A partir de là, on a pensé à la vasectomie."

Nous avons de plus en plus de demandes
- Pascal Mouracade, urologue -

De ne plus vouloir à ne plus pouvoir procréer, à 33 ans. "C’est le profil courant des patients qui sautent le pas, confirme le docteur Pascal Mouracade. Certains viennent parce que leur partenaire ne supporte plus leur contraceptif, d’autres parce qu’ils ont une vie sexuelle instable et ne veulent prendre aucun risque." 

Cet urologue strasbourgeois réalise, en moyenne, une vasectomie par semaine. "Nous avons de plus en plus de demandes depuis quelques années et des demandes de la part d’hommes de plus en plus jeunes. C’est certainement lié à une meilleure information et aux mentalités qui évoluent. Le contexte socioculturel n’y est pas pour rien non plus."

Un tabou

Davantage pratiqué aux Etats-Unis, au Canada ou en Chine, "l’acte à longtemps était considéré comme tabou en France", rappelle le spécialiste. La stérilisation à visée contraceptive n’a d’ailleurs été légalisée qu’en 2001 et reste très encadrée. La loi n°2001-588 précise que cette stérilisation n'est pratiquée qu'après une décision personnelle de l'homme majeur qui doit "avoir exprimé une volonté libre, motivée et délibérée". En 2017, seuls 3.000 Français ont eu recours à cette méthode.

En pratique, cela signifie qu'à la première consultation, l'urologue doit informer l'homme sur les risques médicaux et les conséquences de l'intervention, et un dossier d'information écrit doit être remis à l'intéressé. L'homme signifiera par écrit son consentement à pratiquer cette opération. Dernier point: un délai de réflexion de quatre mois est obligatoire avant l'intervention.

Aujourd’hui, c’est plus simple de se faire ligaturer les trompes quand on est une femme que d’avoir recours à une vasectomie quand on est un homme, pourtant l’effet est le même
- Pascal Mouracade, urologue -

Ces quatre mois de réflexion, Gionni Cuomo les saluent. "Il y a tout un travail psychologique à faire avant d’y aller. Il faut se préparer à une telle décision. Ce n’est pas rien. Pouvoir donner la vie, c’est sacré quand même." Une préparation presque en solitaire pour le trentenaire, qui a choisi de n’en parler à son entourage et à ses amis qu’après coup "pour éviter les remarques et les moqueries". "Dans l’esprit des gens, la contraception c’est l’affaire de la femme. Mais non !"

Réflexions et plaisanteries

Côté réflexions et plaisanteries, il a été servi. "Ça ne se fait pas", "ce n’est pas naturel", ou encore "attention, ta voix va se modifier"... Un préjugé sur la vasectomie qui subsiste parmi tant d’autres.

"Dans mon cabinet, les gens me disent parfois qu’ils craignent d’avoir des troubles de l’érection, une baisse de sécrétion de testostérone ou encore un retentissement sur la sexualité, mais ça ne change rien du tout", avance Pascal Mouracade.

La vasectomie est à différencier de la castration car elle n'implique ni l'ablation ni la destruction des testicules. Elle n’induit donc aucune modification de l'activité hormonale et du comportement sexuel. En revanche, elle serait "libératrice psychologiquement". "Un jour j’ai rencontré quelqu’un qui m’a dit: "si c’était à refaire, je le referais sans hésiter." Ça m’a convaincu", dit Gionni Cuomo. "C’est vrai que dans le quotidien, les choses sont plus simples, il y a moins de craintes d’une quelconque grossesse. C’est tranquillisant."

Oui mais… reste l’irréversibilité de la chose. Cette sensation vertigineuse de ne pas pouvoir faire marche arrière. "Pour ma part, j’ai quand même fait le choix de faire congeler mes spermatozoïdes." Une démarche qui doit être faite auprès d’un centre d'étude et de conservation du sperme (Cecos) et qui est payante. 180 euros pour le prélèvement, plus 40 euros par an dans le cas de Gionni. "Ça m’a enlevé un poids. Si jamais dans quelques années la vie me met devant le fait accompli, et qu’il est question d’enfant, j’ai la solution."

La conservation ne concerne que deux patients sur dix précise de son côté l’urologue. "Preuve que les hommes qui sautent le pas le font en parfaite connaissance de cause et qu’ils sont véritablement décidés." Et maintenant ? Histoire de lever les tabous, Gionni Cuomo s’est mis en tête de relayer son histoire. Dès la fin de son intervention, qui n’aura duré qu’un quart d’heure sous anesthésie générale, il a publié un message sur les réseaux sociaux :

Amis Facebook, amis et famille, j'ai pris une décision radicale et définitive par rapport à la contraception. Je ne vais pas en faire la pub puisque je suis à la fois effrayé et confiant mais d'ici à fin de semaine je serai stérile suite à une intervention chirurgicale. A l'image des fausses couches (personne n'en parle) j'ai voulu l'annoncer publiquement. Intervention réussie.
- Gionni Cuomo -

"Pour moi c’est important d’en parler pour dire que ça existe et pour dire que même s’il y a encore du jugement et de la plaisanterie autour de la contraception masculine, il y a aussi de l’intérêt" conclut-il. "Le tout est d'être en phase avec soi-même."

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