Grand Lyon. Entretien avec le président écologiste Bruno Bernard, après un an à la tête de la Métropole de Lyon

Elu en juillet 2020, l'écologiste Bruno Bernard préside, depuis un an, la Métropole de Lyon, où il a succédé à David Kimelfeld et, avant lui, à Gérard Collomb. L'occasion de passer en revue la politique menée par les Verts, et de répondre aux critiques de l'opposition. Entretien.

"Machine politique calculatrice" pour l'un, "apparatchik" pour l'autre, "manque de compétence" pour certains... Les opposants du président écologiste de la Métropole Bruno Bernard ne manquent jamais de qualificatifs -rarement flatteurs- pour désigner celui, qui, depuis un an, est devenu le patron du Grand Lyon. 

Comment fonctionne la majorité écologiste ? Quels sont les axes majeurs de sa politique ? Quelle est la place de l'opposition ? Quel regard le président écologiste porte-t-il sur le début de son mandat ?

Elu président depuis le 2 juillet 2020, Bruno Bernard a accepté de revenir, autour de chaque compétence, sur la politique qu'il mène avec une équipes de 23 vice-présidents. Expliquer ses choix, préciser ses projets, et, au passage, répondre aux attaques émanant de ses prédécesseurs et de l'opposition.

Les leviers d'une économie plus vertueuse

"Moi, je ne parle pas d'économie circulaire, mais d'économie tout court" précise d'emblée Bruno Bernard, contrairement à sa première vice-présidente Emeline Beaume, en charge de ce secteur. "On est complémentaires", précise-t-il, estimant que cette formule ne résume pas l'ensemble de l'action de la Métropole dans ce domaine.

"Moi, je considère qu'il faut d'abord faire preuve de modestie en matière économique. Globalement, les chefs d'entreprises font leurs choix indépendamment du président de la Métropole de Lyon, quel qu'il soit." rappelle-t-il. "Récemment, dans un article publié par vos confrères de la Tribune de Lyon, énormément d'acteurs de l'économie s'exprimaient sur les Verts et leur action. C'était loin d'être à charge, sur ce que l'on fait." rapporte-t-il, en énumérant les leviers sur lequel il estime pouvoir agir.

"Premièrement, il y a la commande publique. Nous travaillons actuellement sur notre schéma d'achats responsables. Des centaines d'entreprises participent à nos ateliers, pour le définir, et donc influencer l'économie locale. C'est un vrai moyen d'action de la Métropole, qui aura un véritable effet à long terme."

L'élu rappelle au passage que la Métropole est "le plus gros acheteur du territoire. Quand on commande entre 600 millions et 1 milliard d'euros chaque année, et que l'on y met des clauses environnementales, d'insertion ou de RSE, on avantage aussi les entreprises de notre territoire. A être plus vertueuses d'abord, mais aussi à obtenir un meilleur accès à nos marchés. Sans oublier le Sytral, et aussi la participation des communes de l'agglomération. Au final, je pense que, sur 5 ou 10 ans, cette action peut avoir un impact significatif.

Autre levier évoqué, le plan local d'urbanisme et la politique foncière, sur lesquels la majorité agit pour "essayer de préserver nos zones d'activité. On fait face à une pression de propriétaires qui souhaitent faire passer certaines zones d'activités en habitation.. Ce qui inclue parfois des industriels qui souhaitent faire une plus-value pour leur business en faisant du logement. Notre choix est de préserver ce qui est existant. Et, parfois, on achète du foncier provenant d'activité économique, pour offrir de la stabilité, avec des loyers abordables. Donc plusieurs pôles d'activités supplémentaires vont ouvrir dans le mandat, notamment à l'Est", annonce-t-il.

Entreprise et industrie : "la catastrophe absolue", pour Gérard Collomb

Loin des idées reçues, Bruno Bernard affirme son soutien à l'industrie. "On souhaite le maintien de nos industries, en les accompagnant vers la sobriété énergétique. On aidera à l'implantation de nouvelles activités compatibles avec la transition écologique", rappelant qu'un Fond d'amorçage industriel de 80 millions d'euros a été mis en place en ce sens, en partenariat avec la Métropole de Saint-Etienne. "On parle tout de même de montants significatifs! Pas juste de petites subventions" assène-t-il. 

Dans un récent entretien accordé à nos confrères du Progrès, l'un de ses prédécesseurs, Gérard Collomb, estime que "petit à petit, les entreprises ne viendront plus s'implanter dans l'agglomération" et annonce "la catastrophe absolue". Ce qui fait sourire son successeur. "Je ne sais pas, en réalité, comment Gérard Collomb fonctionnait, ni s'il parlait réellement aux entreprises. Allez voir les chefs d'entreprise. Je les rencontre beaucoup, et nous avons de très bonnes relations. Je ne les sens pas du tout inquiets." 

Au contraire, il décrit un climat de confiance et d'échanges : "Il y a des sujets de discussions, comme la ZFE (Zone à faible émission de diesel). Mais sur la compatibilité entre les politiques écologiques et économiques, ils s'y retrouvent! Et d'ailleurs, ils l'avaient anticipé. Pour répondre à la demande de sens de leurs employés, pour pouvoir embaucher. Pour péréniser leur activité, il savent très bien qu'ils doivent être plus sobres. Il est beaucoup plus intéressant d'aller les interroger sur ces sujets, plutôt que Gérard Collomb, pour connaître la réalité du monde économique.", conclut-il.

Transports : le sujet politique le plus commenté de l'année

La problématique des transports dans la Métropole est sans doute le sujet qui provoque le plus de réactions. "J'espère bien !" enchaîne sans attendre l'élu écologiste. "On fait une politique de mobilité extraordinaire. On a doublé le budget d'investissement du Sytral pour le porter à deux milliards et demi. C'est un enjeu essentiel d'offrir de nouvelles mobilités aux habitants, à travers les transports en commun, le développement du vélo ou des solutions d'auto-partage que l'on va développer" s'enthousiasme-t-il.

Avec, trop peu d'effets concrêts, à contrario, pour les utilisateurs de deux-roues, notamment ? "Il y a déjà beaucoup de pistes cybles transitoires. J'aimerais que cela aille plus vite mais on ne peut pas créer des axes structurants sans un minimum de concertation avec les maires, puis faire les travaux. Nous sommes en train de faire un travail assez productif sur cette compétence, avec les maires des 59 communes."

Le président estime que l'ouverture à venir des premiers tronçons du futur "Réseau Express Vélo" permettra une visibilité différente. Mais il prétend aussi que le changement des habitudes de transports est déjà une réalité. "Moi je vois beaucoup plus de vélos à Lyon" assure-t-il. En réalité, on constate une hausse de 35% mesurée par les services du Grand Lyon. Grâce à l'effet "vert" ? "Pas seulement. Il y a beaucoup d'explications autres, comme le confinement." modère-t-il.

Au passage, il répond à l'une des attaques régulières de Gérard Collomb qui dénonce "une hausse des bouchons à Lyon, pas bonne pour la qualité de l'air". Il fait à son tour une référence à son quotidien. "Moi, je me déplace souvent à pied ou dans les transports en commun. donc je suis rarement dans les bouchons. Je suis né ici (à Ste Foy) , et j'ai toujours connu les bouchons à Lyon. Il suffit qu'il y ait un peu de travaux. Il faudrait surtout comparer aux autres villes françaises. Notre objectif est, de toute façon, de faire plus de place pour les modes alternatifs et les piétons. Et donc d'encourager, pour ceux qui le peuvent, à réduire l'usage de la voiture"

La vitesse réduite à 30 km/h dans le Grand Lyon ?

Dans ce domaine, le vice-président aux mobilités Fabien Bagnon a récemment suggéré sur les réseaux sociaux une limitation de la vitesse dans le Grand Lyon à 30 km/h : "A titre personnel, j'y suis plutôt favorable" commente le président Bernard. "Mais c'est au maire qu'il revient de s'exprimer sur cette idée, et de le faire. Et nous accompagnerons toutes les communes qui le souhaitent sur ce projet. C'était, je crois, dans notre campagne électorale." (Après vérification, le programme "Maintenant, l'écologie pour Lyon" n'évoquait que des ralentissements à 20 km/h autour des écoles. NDLR)

Le Métro "Ouest" déjà enterré ?

A nouveau, Bruno Bernard répète que, contrairement à ce qu'affirme l'opposition de droite, l'idée de Métro E (entre l'Ouest de Lyon et le centre-ville) n'est pas abandonnée. "Si j'avais voulu l'enterrer, je l'aurais dit. A ce sujet, je veux juste rappeler que Collomb a été là pendant 20 ans, et qu'il ne l'a pas fait. Il l'avait annoncé mais sans jamais le budgétiser. Il manque juste entre 1,5 et 2,5 milliards d'euros pour le boucler. C'est extraordinaire que l'opposition, dont certains membres ont gouverné pendant 20 ans, me reproche de ne pas tenir les promesses sur ce métro que "eux" ont faites. Mais on est où ?

Le métro E est-il une nécessité ? Sur le fond, Bruno Bernard refuse de se prononcer, et préfère attendre la consultation publique, prévue à la rentrée. "Je peux même vous dire : je ne maîtrise pas totalement le dossier du métro E, à ce jour. Je travaille sur ce métro, comme sur les autres. Mon sujet, c'est de déterminer lequel sera le plus utile, et, ensuite, de voir comment on peut trouver des financements. Est-ce la Région Auvergne-Rhône-Alpes et son président Wauquiez, qui semble soutenir ce métro, qui va apporter les sommes manquantes? Ou bien l'Etat? l'Europe? Qui mettra combien ?" interroge-t-il. 

Au passage, il dénonce un amalgame de communication de la part de ses opposants concernant le projet d'un éventuel transport par câble entre l'Ouest lyonnais et le centre de la ville. "Ils expliquent que nous faisons le câble à la place du métro. J'ai bien dit très clairement que les projets n'étaient pas liés. On peut faire soit les deux, soit l'un des deux, soit aucun." Il ajoute : "L'alternative au métro E sur l'Ouest, ce serait davantage le train, en terme de fréquentation, que le câble." Sa préférence ? "Il faut regarder l'ensemble des alternatives et les coûts."

Je suis parfaitement conscient que, sur une partie du Grand Lyon, la voiture reste le meilleur moyen de déplacement, et va le rester.

Récemment, Bruno Bernard s'est rendu à Marcy l'Etoile. Un site riche en emplois où la voiture est le moyen le plus efficace pour se déplacer. "On est là dans une zone de la métropole où, typiquement, on va continuer à utiliser la voiture" explique-t-il. "Elle est adaptée au territoire à cet endroit. Je suis parfaitement conscient que, sur une partie du Grand Lyon, la voiture reste le meilleur moyen de déplacement, et va le rester. Après on peut évoquer des questions de covoiturage. Et puis Marcy l'Etoile a une gare SNCF. Comment peut-on l'utiliser davantage? Comment augmenter l'utilisation du vélo électrique ? C'est un travail global, et un panel de solutions, plus ou moins adaptées en fonction des territoires." résume-t-il.

Dans ce type de configurations, le Grand Lyon pourrait-il co-financer des vélos électriques pour les salariés ? "Je pense  qu'on aura même pas besoin de le faire. Mes discussions avec les chefs des grandes entreprises me prouvent qu'elles vont s'en occuper elles-même. Ce n'est pas le sujet. Nous, en revanche, on doit assurer la sécurisation des vélos, lors de leur stockage à la gare, par exemple. Il faut que l'on imagine des solutions concrêtes dans ces accompagnements."

Diesel : des panels de citoyens pour mesurer les effets de la ZFE

La ZFE, -Zone à faible émission de diesel- cristallise également beaucoup de critiques. "Et pourtant, on n'a encore rien fait !" ironise le président de l'agglomération lyonnaise. "Je veux vraiment rappeler qu'au départ, une ZFE a été votée à l'unanimité en 2019, ici à Lyon. Elle prévoit d'interdire en centre-ville les poids-lourds et les véhicules "critair 3" depuis le 1er janvier 2021. La seule chose que j'ai ajoutée, ce sont des dérogations supplémentaires pour les entreprises parce que le travail n'avait pas été fait correctement vis-à-vis d'elles (par la précédente majorité) en terme de communication, ou d'accompagnement." se défend-t-il.

Il n'empêche que l'ambition, dans ce domaine, est, aujourdhui, d'aller beaucoup plus loin : "On a initié une délibération-cadre, qui va lancer une concertation, avec un objectif ambitieux : la sortie du diesel au coeur de l'agglomération, sauf dérogations." Une volontée qualifiée d'attaque irresponsable, par ses opposants, contre les revenus des plus modestes.

Ce que réfute le concerné : "On fait 25 kilomètres de tramway dans les quartiers populaires de la ville. Plus de 50 000 habitants bénéficient déjà de la gratuité des transports en commun." énumère-t-il. "Les solutions sont multiples. Une personne qui utilise un véhicule usagé, ça lui coûte environ 300 euros par mois. Si on lui trouve une solution pour s'en passer, elle gagne deux smic dans l'année. C'est une vraie mesure sociale. Pour un certain nombre de citoyens, pour qui la voiture va rester le moyen unique de se déplacer, on va trouver d'autres solutions, comme des dérogations, ou des prêts à taux zéro. A minima, toutes les personnes qui ont besoin de se déplacer pour aller travailler doivent évidemment pourvoir le faire dans les meilleures conditions, c'est l'évidence." 

On compte entre 48 000 et 100 00 morts prématurées par an, à cause de la pollution. Et nous sommes régulièrement condamnés, tout comme l'Etat

Un sujet sur lequel l'élu écologiste rappelle qu'il est guidé par un souci de répondre à un fléau pour notre santé. "Ce n'est pas juste pour sauver la planète. Il s'agit de la santé de la population. On compte entre 48 000 et 100 000 morts prématurées par an, à cause de la pollution. Et nous sommes régulièrement condamnés, tout comme l'Etat. Nous avons régulièrement des actions en justice pour inaction sur la pollution et mise en danger d'autrui. Il faut agir en trouvant le bon curseur. En effet, l'impact peut être fort si l'on si prend mal, et provoquer une vraie rupture territoriale. C'est passionnant. On travaille en concertation avec la commission nationale des débats publics (Cndp) qui a recours à des panels de citoyens. Toutes les entreprises avec lequelles on travaille sur ce thème me disent qu'elles trouvent admirables les échanges qui se déroulent actuellement sur cette problématique."

Démocratie et concertation : les maires en colère contre le PPI

"Ce se sont pas tous les maires qui protestent contre le PPI (Programme pluri-annuel des investissements) mais plutôt les groupes d'opposition. Les mots ont un sens" proteste directement le président EELV. "Quand Gérard Collomb ou David Kimelfeld critiquent notre action, ils ont douze élus chacun.  Pas un maire dedans. Et les maires, c'est moi qui les voit".

Il n'empêche que le groupe d'opposition de droite et du centre est, lui aussi, récemment monté au créneau pour dénoncer, au nom d'un certain nombre de maires, le PPI et réclame une nouvelle négociation. Pas de quoi inquiéter Bruno Bernard : "Il n'y a pas, dans la réalité, 50 maires qui sont déçus. Moi je les vois tous un par un. Pour l'instant, dans les faits, j'ai reçu cinq courriers en tout, de maires mécontents. Il sont d'ailleurs surement un peu plus nombreux car je sais que, quelque-uns ne sont pas contents, quoi que l'on fasse.

C'est qui le patron ?

Sur la gouvernance et les choix stratégiques, Bruno Bernard choisit d'ignorer les communiqués politiques et d'assumer son pouvoir. "La Métropole décide des politiques qu'elle mène, dans le cadre de ses compétences. Les maires font d'ailleurs pareil, dans leurs compétences, aussi. Certains maires souhaitaient des projets venant de la Métropole que l'on ne peut pas faire. Et c'est normal. On a pas toujours les mêmes objectifs politiques et c'est assumé en toute transparence. Quand il y a 10 milliards d'euros de demande et que l'on dispose de 3,6 milliards, on ne peut pas tout accepter. C'est aussi une question de volume."

Il y a eu une époque où le président du Grand Lyon refusait de recevoir des maires de son agglomération

Donc acte ? "Pendant ces 6 mois de discussions avec les maires, on a tout de même bougé sur certaines demandes. J'ai reçu les 59 maires un par un. Je ne connais pas beaucoup de collectivités où il existe autant d'échanges et de respect." Au passage, il tacle Laurent Wauquiez : "J'entends que le président LR d'Auvergne-Rhône-Alpes me demande mon avis quand il applique sa politique sur mon territoire... La réalité c'est que je ne l'ai pas vu, encore. J'espère que ça va venir."

Pas de leçon de démocratie, pour Bruno Bernard

Ses prédécesseurs ne sont pas oubliés. "Il y a eu une époque où le président du Grand Lyon refusait de recevoir des maires de son agglomération. La maire PC de Vénissieux expliquait encore hier que, lorsqu'elle est arrivée à la Métropole, Gérard Collomb refusait de la voir. Et qu'elle devait faire un sitting devant sa porte..." Il sourit : "Vous n'imaginez pas, d'ailleurs, le nombre de maires du Grand Lyon qui découvrent ce bureau, lorsqu'ils viennent me rencontrer. Ils ne l'avaient jamais vu".

Pour compléter cette polémique sur le PPI, le président écologiste assure qu'une clause de "revoyure" est prévue avec les maires sur certains dossiers. Il assure rester à l'écoute : "Il m'est déjà arrivé de revenir sur un financement précis parce que j'ai été convaincu par les arguments d'un maire. Croyez-moi, en réalité, une majorité de maires sont satisfaits des décisions rendues.

Sur le fond, comment les décisions sont-elles tranchées ? Les élus d'opposition sont-ils défavorisés systématiquement? Le président écologiste le réfute. "Nous avons mis en place une règle simple, concernant les projets de voiries. Avant, cela se passait à la tête du client. Désormais, on décide en fonction de la population et du kilomètre carré de chaque commune. Cette règle, connue par les 59 maires, est la même pour tous. Résultat : il est donc logique que Lyon et Villeurbanne bénéficie de 43% des enveloppes territoriales, et pourtant l'opposition me le reproche."

RSJ : le projet "que Kimelfeld avait promis mais pas préparé"

Mis en place en juin 2021, le RSJ (Revenu solidarité Jeunes) est sans doute l'une des décisions de la nouvelle majorité les plus marquantes de cette première année de mandat. La mise en place de ce soutien financier aux jeunes qui échappaient à toutes les autres aides a même bénéficié d'une forte résonnance médiatique dans toute la France. "Je ne l'ai pas fait pour obtenir un quelconque buzz" rétorque Bruno Bernard. "Je suis plutôt fier d'apporter cette aide d'urgence. Nous sommes les seuls à l'avoir fait, et j'espère que l'Etat va y aller. Ce jour là, on l'arrêtera. Je suis favorable à un dispositif national, ce serait logique. Je ne suis pas là pour concurrencer l'Etat"

Un RSJ national ? S'il confirme que des échanges ont eu lieu sur ce sujet notamment avec le Premier ministre Jean Castex et quelques ministres, le président écologiste du Grand Lyon n'a pas le sentiment que cela a concrêtement enclenché un processus national, pour le moment.

Pour la petite histoire, Bruno Bernard nous confirme que ce projet était d'abord celui... de son concurrent et prédecesseur David Kimelfeld, lors de sa campagne électrorale "Il l'avait même lancé un an avant la campagne. Alors que moi, je l'ai ajouté entre les deux tours. En raison de l'impact du covid, qui m'a poussé à agir."

Une fois élu, l'élu vert pense donc pouvoir déclencher rapidement un dossier déjà envisagé par la majorité précédente. "Mais j'étais très surpris, en prenant mes fonctions, de découvrir qu'elle n'avait rien préparé. Je n'ai rien trouvé dans les services sur ce dossier. David Kimelfeld l'avait promis, mais il n'avait rien fait. Zéro. J'étais scié. Ce qui explique qu'on a mis 6 mois pour l'élaborer avec des associations pour trouver le bon dispositif. Les premières aides ont été versées il y a quelques jours." confie-t-il

Revaloriser les acteurs du social

De nombreuses subventions ont été accordées par la Métropole, en un an, à différentes associations oeuvrant dans le social. Récemment encore, le Grand Lyon a voté un total de 1,629 millions d'euros dans ce secteur. Des mesures qui soutiennent notamment la protection de l'enfance, le soutien à l'adoption, ou les centres de planification. "On prend ce type de décisions à chaque commission permanente. Il y a, par exemple, le dispositif "Rebondir" pour mieux accompagner l'insertion, le travail réalisé sur les précarités menstruelles...les besoins sont énormes. Je précise que, depuis 2015, et la récupération des compétences départementales, les executifs précédents avaient un peu mis ces sujets de côté, pour faire des économies."

Manifestement très sensible à cette compétence, Bruno Bernard liste les décisions à venir: "A présent, nous souhaitons assurer la revalorisation de l'aide à domicile. De plus en plus de personnes dépendantes arrivent et nous n'avons pas les salariés nécessaires pour les accompagner. Lorsque le gouvernement, à travers le Ségur de la santé, a revalorisé une partie du personnel hospitalier, certains secteurs ont été mécaniquement affaiblis. Je suis en lien avec l'Etat, par exemple, pour essayer de revaloriser les travailleurs de l'aide sociale à l'enfance, qui n'ont rien obtenu et c'est pas acceptable".

Finances : une métropole trop dépensière ?

C'est l'une des nombreuses critiques de l'ancien président socialiste Gérard Collomb, qui estime que la gestion des Verts est trop dispendieuse : "S'il arrive un coup dur et que les dotations baissent, la Ville et la Métropole sont mortes! "affirme-t-il récemment dans le quotidien le Progrès. Une déclaration qui, à nouveau, fait sourire son successeur. "Redemandez-lui dans deux ans. Il verra que rien n'a disparu... et là, il vous dira que ça se passera dans 3 ans !"rétorque-t-il.

Sur le fond, Bruno Bernard réfute l'idée d'une mauvaise gestion, au contraire : "Pour moi, un sou est un sou. Je suis un gestionnaire, un chef d'entreprise. Je dis (comme récemment Laurent Wauquiez, et avant lui, Emmanuel Macron NDLR) il n'y a pas d'argent magique. L'équilibre financier est essentiel. Je suis très régulièremment l'état de nos ressources et de nos dépenses, et de très près. Actuellement, je suis peu inquiet. Les éléments que j'ai sont plutôt favorables. L'année 2020, marquée par le Covid, a été finalement "meilleure" que prévue. Dans le deuxième semestre, on a moins dépensé. Chez moi, il y a une volonté permanente de voir comment optimiser les dépenses. "

Donc pas de hausse d'impôt prévue. "Non, il n'y en aura pas. Certaines petites taxes peuvent éventuellement être créées en lien avec la gestion de l'eau, mais c'est la loi. En revanche, la taxe foncière et la taxe d'habitation ne seront pas touchées. Si vous cherchez des hausses, vous verrez qu'il y a eu quelques augmentations d'impôts locaux, ces derniers mois, dans certaines communes de droite comme Caluire ou Décines, par exemple. Mais c'est leur droit."

Ecologiste ou de gauche ?

Après un an de pouvoir, quels lieux symbolisent le mieux l'action écologique de la majorité ? "Je pourrais vous citer l'arboretum magnifique de Sathonay-Camp, vous connaissez? Mais, à vrai dire ne raisonne pas en terme de lieux. Nous avons une politique globale pour les habitants de toute l'agglomération. Elle se développe dans le respect de l'environnement, en fonction des enjeux climatiques. Il faut avoir des actions plus vertueuses sur tous les sujets."

Quitte à rendre cette politique moins visible que certaines autres décisions, dites solidaires, ou..."de gauche"? Il corrige : "A chaque fois que l'on parle de nous, on parle bien des écolos, pas de la gauche" argmente Bruno Bernard. "En France, on compte bien une trentaine de départements de gauche. Et où s'est fait le RSJ (Revenu de solidarité jeunes) ? Uniquement dans le Grand Lyon. Pour moi, c'est écologiste, d'aider les jeunes."

Pour lui, les écologistes n'ont pas de leçon de solidarité à recevoir. "Pendant 20 ans, cette agglomération a été gérée par un président socialiste, élu à chaque fois avec cette étiquette. Et aujourd'hui, il me semble que l'on ne fait pas les mêmes choses que lui. Je constate que ce que nous réalisons aujourd'hui, avec nos partenaires de gauche, n'a pas été fait, précédemment, par la majorité socialiste." 

En réalité, je ne vois pas d'autres collectivités, en France qui, depuis an an, qui ont fait autant de choses en matière d'environnement

Quitte à ce que les actions "purement écologistes" soient moins visibles ? "Les mobilités, les plantations d'arbres, etc... sont soumis à une temporalité. On a tout de même lancé un plan nature, avancé sur la gestion de l'eau, des déchets. En réalité, je ne vois pas d'autres collectivités, en France qui, depuis an an, qui ont fait autant de choses en matière d'environnement. Et ce n'est pas uniquement lié à une majorité écologiste."

Il concède une grande vertu à la collectivité qu'il dirige : "C'est d'abord dû à la puissance de la Métropole de Lyon, et sa capacité d'agir, avec les compétence d'une agglomération et d'un département, les transports en commun et le suffrage direct. Là où d'autres agglos additionnent des volontés communales, nous avons une vision globale et la légitimité des élections pour l'appliquer. Notre force de frappe est énorme et on l'utilise pleinement. Mais il est normal que, seulement après une année de mandat, marquée par un Covid, cela ne soit pas encore totalement perçu comme tel par les habitants."

Quel sera, selon lui, le "visage écolo" du Grand Lyon à la fin du mandat ? "Un espace public très modifié, avec + de place pour les piétons, la nature, les vélos, les transports en commun, et donc moins pour la voiture. On va développer les logements sociaux. Notre "plan nature" va apporter de nouveaux boisements. Dans quelques années, je n'aurai pas de souci pour montrer que l'on aura fait beaucoup de choses." assure-t-il.

Un président qui délègue trop ?

Comment fonctionne la gouvernance écologiste du Grand Lyon? Depuis un an, l'opposition fait plusieurs critiques sur ce sujet à l'encontre de Bruno Bernard et son équipe. Pas assez de respect à leur égard, ni d'écoute...

Un "manque d'humilité et une vision très dogmatique de certains vice-présidents, à l'opposé du discours rassurant de leur président", explique par exemple, en substance, son prédecesseur David Kimelfeld. Ce dernier dénonce un mépris: "Quand on les écoute, on a parfois l'impression que rien n'a été fait avant leur arrivée au pouvoir. Qu'ils peuvent donc décider tout ce qu'ils veulent, sous prétexte de sauver la planète"... Des échanges tendus se sont également produits en séance avec le président du groupe de la droite et du centre, Philippe Cochet.

Des remarques auxquelles répond volontiers le président écologiste : "Clairement, la Métropole est dirigée par un executif composé du président et de 23 vice-présidents. Et oui, ce n'est plus le président qui décide de tout, avec deux ou trois personnes de son cabinet." résume-t-il.

Une "fracture territoriale"

Selon Gérard Collomb, les Verts sont des élus qui "archipellisent"... Bruno Bernard est étonné par cette affirmation. "Il y a sans doute un vrai risque de fracture idéologique de vie entre différentes populations en France. On l'a vu notamment avec les gilets jaunes. Cette fracture existe, entre les gens qui se portent bien, et les autres. Il y a la périphérie. Et je suis tout à fait conscient de cet enjeu et des risques. Quand on met le tramway dans les quartiers populaires et qu'on y développe les transports en commun en priorité, c'est déjà une première réponse. C'est un acte politique. A nouveau, il y a ceux qui en parlent et qui n'ont rien fait pendant 20 ans. Et nous qui faisons. Il faut à tout prix réduire cette fracture territoriale, cette impression d'être relégué."

Comment se gère la prise de décision ? "Il existe des feuilles de route. Nous avons un projet politique clair. Les éléments budgétaires ont été cadrés. Les vice-présidents mènent leur politique dans le cadre de ces objectifs et on se voit toutes les semaines. Nous faisons le point sur les sujets. Quand il y a des décisions importantes, tout le monde partage. Et, naturellement, il y a des points d'arbitrage que je fais, aussi. Cela concerne, je dirais, 5% des cas, où il y aura une incompréhension ou une alerte. Dans ces cas-là, des échanges ont lieu à plusieurs, pour confirmer la décision ou l'infléchir. "

Un mode gouvernance participatif, en quelque sorte. Une version écologiste du pouvoir ? "C'est écologiste, et c'est aussi ma façon de fonctionner. Je pense qu'il faut s'entourer et déléguer. Il faut faire confiance et naturellement controler. Et lorsque l'on sécurise les gens avec lesquels on travaille, que tout le monde est mieux, cela se passe bien." Il sourit et fait référence à son expérience personnelle : "Si j'ai réussi dans les affaires, c'est parce que j'ai toujours tiré le meilleur des gens."

je connais la politique et aussi le monde de l'entreprise, depuis longtemps. Et je connais bien la nature humaine. Je suis tourné vers l'efficacité. C'est sans doute pour cela qu'on dit que je suis quelqu'un qui calcule

Ses opposants lui reprochent de ne pas, contrairement à des promesses de campagne, respecter suffisamment la démocratie au sein de l'assemblée métropolitaine.  Bruno Bernard rétorque que, contrairement à ce qu'ils prétendent, il n'aurait jamais évoqué ce sujet durant sa campagne électorale. " Je vous le dis tranquillement. Avec l'opposition, je suis clair : oui, on décide des politiques. Ca ne veut pas dire qu'on ne l'écoute pas. Mais oui, c'est nous qui décidons, et pas eux. Vous savez, pendant 20 ans, les écologistes étaient à peine écoutés, aussi. L'opposition est rarement dans une posture constructive. Et puis, parfois, il y a des choses que j'intègre, dans les remarques. Je note certaines idées, et je regarde. Mais non, il n'y a pas de mépris."

Lorsqu'on lui répète le qualificatif d'apparatchik, il ne laisse pas passer :"Moi, je n'ai jamais vécu de la politique. Mais oui, je la connais bien... et aussi, d'ailleurs, le monde de l'entreprise, depuis longtemps. Je crois surtout que je connais bien la nature humaine. En fait, je suis tourné vers l'efficacité. C'est sans doute pour cela qu'on dit que je suis quelqu'un qui calcule. Y compris budgétairement. David Kimelfeled m'a même qualifié, un jour, de "tableau Excel". La formule n'est pas très élégante, mais c'est vrai, que je calcule. Quand je prends une décision, je sais ce qu'elle coûte. Ce n'est plus comme autrefois. Lancer une idée, puis laisser suivre son cours. Moi, j'essaye d'anticiper les choses." 

Bruno Bernard, un président froid ? " Qui fait preuve de sang-froid, plutôt...".

Par quel mot résumeriez-vous votre état d'esprit après un an ? "La sérenité. Je suis serein."

 

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