Entre le 15 septembre 2017 et le 26 janvier 2018, un jeune homme agresse aux marteau 6 personnes à Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire) et Dijon (Côte-d’Or). Plus de 3 ans après sa reddition, l'auteur présumé des faits sera jugé par la cour d’Assises des mineurs de Chalon à partir du 3 mai.
Aujourd’hui âgé de 20 ans, le mis en cause a 17 ans au moment des faits. Le 29 janvier 2018, il se rend de lui-même au commissariat de Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire), avant d’être mis en examen pour "tentative d'homicide, vol à main armée, dégradation par incendie, violence avec arme, menaces de mort, provocation à des atteintes en raison de l'ethnie ou la confession", puis écroué le 31 janvier suivant.
Le soupçon d'actes terroristes
La vague d'attaques commence le 15 septembre 2017 par les agressions au marteau de deux femmes à Chalon-sur-Saône, en plein centre-ville. Des actes commis à 15 minutes d'intervalle sur une pharmacienne et une assistante maternelle. L'une des deux victimes, légèrement blessée reçoit 4 points de suture.
Depuis le début de l'année 2017, de multiples attaques à caractère terroriste ont eu lieu en France, notamment contre des forces de l'ordre. Le plan Vigipirate est alors activé et des forces militaires sont déployées dans la commune pour traquer l'agresseur. "On était dans un acte qui avait tout l’air d’être terroriste. Des témoins avaient entendu l’auteur crier ‘Allah Akbar’. On était dans une période spéciale. Ça a été une affaire sensible. Puis il y a d’autres faits similaires ensuite", se souvient une source policière.
Dix jours plus tard, 3 autres personnes sont en effet blessées de la même manière près du campus universitaire de Dijon. Le visage caché, un homme attaque au marteau le mardi 26 septembre 2017 en plein après-midi deux étudiants puis un membre du personnel de l'université de Bourgogne avant de prendre la fuite. Le lendemain, le 27 septembre, une quatrième personne est frappée, cette fois-ci avec un bocal en verre mais toujours dans la capitale de la Côte-d'Or.
Le 2 novembre , un mystérieux "commando de défense du peuple et de la patrie française” (CDPP) revendique ces gestes et contacte la presse locale par mails ou messages audio avec une voix trafiquée.
Le campus de Dijon cible de plusieurs incendies
Le supposé groupe d'extrême droite affirme vouloir lutter "contre l’islamisation" de la France et explique que les agressions “sur le site de l’université de Bourgogne, au cœur de l’un des symboles du multiculturalisme, marquent l’acte de naissance de [notre mouvement]”.
Durant le mois de novembre, le campus de Dijon est par ailleurs la cible de plusieurs incendies volontaires. "On était dans un climat particulier à l'époque avec plusieurs attentats au niveau national. On était très attentif à ce qui se déroulait", se souvient Cyril Gomet, actuel directeur du cabinet du président de l'université de Bourgogne. À cette période, les rondes de surveillance sont notamment renforcées autour de la faculté.
Malgré le contexte ambiant, le directeur de cabinet l'affirme, "Il n'y a pas eu de vent de panique. Les attaques physiques étaient inquiétantes, mais il n'y a pas eu de mouvement d'ampleur. Heureusement, on n'a tout de même pas connu de faits similaires depuis". Au moment des faits, l'université de Bourgogne se constitue partie civile. Elle sera alors représentée par un avocat lors du procès à venir.
Des enquêteurs dans l'impasse
Près de deux mois après les premières agressions, le ou les auteurs des faits profèrent des menaces de "frapper" en marge du match de Ligue 1 entre Dijon et Troyes, prévu le 18 novembre.
Le 8 novembre 2017, les enquêtes de Dijon et Chalon-sur-Saône sont finalement fusionnées. Le parquet de Dijon se dessaisit de l’enquête au profit de celui de Chalon-sur-Saône. Une manière de maximiser les moyens dans cette affaire particulièrement complexe pour les forces de l'ordre. "On était dans l’urgence. On ne savait pas à qui on avait à faire. Toutes les hypothèses étaient sur le tapis. C’était une affaire majeure, avec plusieurs actes. L’auteur était totalement inconnu, il ne correspondait pas du tout au profil classique", commente la source policière.
Il avait échappé aux vidéos surveillances. Est-ce que c’était fait exprès ou pas ? On ne sait pas, mais nous, on n’avait qu’une silhouette
Les enquêteurs mettent finalement de côté la piste terroriste. "Le but terroriste en lui-même a été mis à l’écart au bout d’un moment. Car la manière de revendiquer les actes, cela n’avait rien à voir avec la méthode habituelle. Mais ça a eu un impact. Il voulait montrer qu’il était le plus fort. Il l’a été, on n’arrivait pas à le trouver".
Les forces de l’ordre font également appel à deux profilers pour tenter de cerner la personnalité de l’auteur des faits. Ils évoquent un jeune homme isolé, immature et en souffrance. Le portrait ainsi dessiné ne permet pas d'identifier l'agresseur. À posteriori, les éléments glanés dans la vie privée du mis en cause permettront de confirmer certaines de ces analyses.
Un étudiant en histoire se cache derrière le commando
Derrière le commando, qui se renomme une fois dans un mail “OAS 26 septembre”, se cache un étudiant en histoire qui commet son dernier délit le 26 janvier 2018 en volant 200 euros à l'aide d'une arme dans une pharmacie de la rue de Belfort à Chalon-sur-Saône.
Le jeune homme de 17 ans se rend finalement le lundi 29 janvier 2018 à 10h30 du matin expliquant en avoir marre de "tout ce cirque". "S’il ne s’était pas arrêté de lui-même, jamais on ne l’aurait retrouvé selon moi. C’était quelqu’un d’inconnu des services de police", rappelle un membre des forces de l’ordre.
L'épilogue s'est progressivement mis en place. La reddition est organisée en lien avec le procureur de la République de Chalon. Celui-ci discute avec le suspect présumé par mail pendant plusieurs jours. "J’ai eu plusieurs échanges par courriel destinés à conforter sa décision de se livrer. Il s’est montré très coopérant. Et pour faciliter les opérations de perquisition, il avait rassemblé dans sa chambre les effets et objets susceptibles d’intéresser l’enquête", explique Damien Savarzeix lors d’une conférence de presse en 2018.
Un jeune homme lettré et intelligent
Le suspect principal vit à l’époque seul avec sa mère sans jamais avoir connu son père. Après un court passage en fac de droit, il suit un cursus universitaire en histoire. Un policier ayant participé aux investigations se souvient d’un jeune homme très malin. "Il était d’une grande intelligence. À 17 ans, il était en fac d’histoire. Il avait de l’avance dans son cursus scolaire".
Quant à ses motivations, elles paraissent aujourd'hui encore floues. Très vite, il confirme en garde-à-vue avoir agi seul, et sans aucune raison xénophobe ou raciste. Les mobiles qu’il avançait dans la presse n’avaient qu’un seul but : brouiller les pistes selon lui. Une fois interrogé, il explique notamment ne pas se sentir le courage de mener plusieurs années d’études et vouloir aller en prison pour ne pas avoir à les accomplir. Passionné par les faits divers et la police, il affirme également avoir commis ces actes pour accéder à la gloire et monter de toute pièce sa propre affaire.
Ses avocats affirment que le suspect a mûri
"À l'époque des faits, c'était un jeune homme de 17 ans immature. Les motivations étaient teintées d'immaturité", affirme Maître Pierre-Vincent Connault qui représentera le suspect présumé avec Maître Pamela Lepine lors de son procès. En 3 ans, celui qui maintient ses aveux aurait changé selon son avocat. Il a en effet poursuivi ses études, étant aujourd'hui en Licence 3, et aurait obtenu un poste d'auxiliaire au sein de son centre pénitentiaire.
Il regrette aujourd'hui. Il s’aperçoit qu’il est allé loin. Il se sent mal avec ça. Ce recul est manifeste.
"C'est un garçon qui a beaucoup mûri. Aujourd'hui, on défend un adulte", estime l'avocat de la défense. Le jeune homme se présentera à son procès avec l'envie de communiquer et dans une logique de repentance. "Il demande pardon aux victimes qu’il a blessées, à la population qu’il a inquiétée et également aux innocents qui ont été interpellés à sa place pendant l’enquête", expose Me Connault.
L'auteur présumé des attaques sera entendu par la cour d’Assises des mineurs de Chalon-sur-Saône du 3 au 21 mai. "On s’attend à une justice de qualité avec des débats bien menés. Il se présente dans une volonté de communiquer et avec une bonne confiance de la justice", assure son avocat.
Incarcéré depuis sa reddition et ses aveux, le jeune homme de 20 ans aujourd’hui encourt une peine de 30 ans d’emprisonnement, qui peut-être rabaissée à 15 ans si l'excuse de minorité est retenue.