Au procès pour "traite d'êtres humains" dans les vignes, l'épineuse question du logement des vendangeurs : "On n'avait pas d'autre choix"

Le procureur de la République de Dijon a requis 24, 18 et 15 mois avec sursis pour Farid K., Laetitita B. et Robert K, poursuivis pour avoir logé des vendangeurs roumains dans des conditions indignes en septembre 2023. La décision est mise en délibéré au 20 novembre.

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"Personne ne se pose la question de savoir si les conditions de résidence constatées par les gendarmes sont indignes de la personne humaine. Tout le monde est d’accord. La question est de savoir qui est responsable." Dans ses réquisitions, le procureur de la République de Dijon, Olivier Caracotch, pose une question centrale qui animera, une dizaine de minutes plus tard, les plaidoiries.

Ce mercredi 16 octobre, il a requis 24 et 18 mois de prison avec sursis, ainsi que 20 000 euros d'amende pour Laetitia B. et Farid K., les gérants d'une entreprise de prestations de service. Dans le même temps, il a requis 15 mois avec sursis pour Robert K. Le jugement a été mis en délibéré pour le 20 novembre prochain à 13h30.

Tous les trois sont mis en cause dans une affaire de traite d'êtres humains, de soumission à des conditions indignes et de travail dissimulé aggravé. Olivier Caracotch demande la relaxe pour ce dernier motif, n'étant "pas convaincu par cette accusation." En revanche, le procureur retient les deux autres accusations.

Il estime notamment que, dans le dossier, il y a "tous les éléments de la traite des êtres humains. Tous disent : on nous a promis 60 euros par jour, un repas, de l’eau, et quand on arrive, rien de tout ça." Il accuse également les gérants de cette entreprise d'avoir soumis des vendangeurs à des conditions indignes. "Ils sont au mieux désintéressés. Ils doivent donc être coupables", plaide-t-il devant le jury.

Une impossibilité de trouver un logement

Lors des auditions, Laetitia B. et Farid K. précisent qu'ils n'étaient, dans un premier temps, pas au courant des conditions de vie des vendangeurs roumains présents à Meursault et à Tailly (Côte-d'Or) en ce mois de septembre 2023. "On apprend la situation au moment où les gendarmes arrivent," lance, émue, la femme d'une quarantaine d'années.

Elle s'occupe du recrutement des vendangeurs et de toute la partie administrative de l'entreprise. Lors de l'audience, elle précise d'ailleurs que les vendangeurs ont été relogés quelques jours plus tard dans un camping. Une chose inhabituelle, pour deux raisons : déjà, ce prestataire de services ne fournit pas d'hébergements aux saisonniers. Mais surtout, "personne ne veut les héberger".

D'après Laetitia B. et Farid K., les campings et les hôtels situés près des grandes maisons ne veulent pas accueillir de vendangeurs. Robert K., lui-même saisonnier et considéré comme le "chef" des vendangeurs roumains lors de l'enquête, précise qu'ils "ont galéré pour trouver une place".

On n'avait pas d'autres choix ou d'endroits.

Robert K.

mis en cause, "chef" des saisonniers

Les avocats de la défense ont donc demandé la relaxe pour leurs clients. Ils ont aussi évoqué cette fameuse question de la responsabilité concernant ces hébergements, surtout Bruno Nicolle. Dans sa plaidoirie, il se demande notamment : "Pourquoi les domaines viticoles ne sont pas présents à la barre ? Pourquoi ont-ils besoin, au 21e siècle, de prestataires de services et refusent-ils d’héberger ?"

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Il n'a donc pas été surpris par ces réquisitions. "Le parquet est en service commandé par des collectivités et par l'État. Le sujet est : qui paie l'hébergement ? Personne ne veut le faire, car personne n'est obligé de le faire, et cela coûte très cher. Donc il fallait frapper fort et trouver un maillon faible."

Le rappel des faits

Tout commence en septembre 2023. Les mairies de Meursault et de Tailly (Côte-d'Or) signalent au tribunal un campement de fortune situé dans une zone protégée : le parc éco-loisirs des Étangs d'Or. Des tentes y sont installées, et au fur et à mesure de la journée, les gendarmes découvrent que 60 personnes y vivent.

Toutes sont roumaines. Elles sont venues en France pour venir faire les vendanges. Mais, problème : elles vivent dans des conditions indignes. Auditionnées par les enquêteurs, une demi-douzaine de personnes décrivent les mêmes soucis : pas d'eau potable, pas de sanitaire et aucun endroit de collecte pour les ordures ménagères.

Personne n'arrive à fournir aux enquêteurs un contrat de travail. D'après les gendarmes, ces vendangeurs seraient rémunérés par "l'entremise du 'chef', un autre ressortissant roumain." En conséquence, certains expliquent qu'ils ne peuvent s'alimenter, ce qui les contraints "à sillonner les villages aux alentours en quête de charité."

Les gendarmes retrouvent rapidement la trace de l'entreprise française responsable de cette situation. Il s'agit d'un prestataire de service viticole, basé à Beaune depuis 2011. Son gérant était d'ailleurs "bien connu dans le monde du vin," et est secondé par sa femme. Depuis le 29 mai 2024, ils sont placés sous contrôle judiciaire. Le montant de la fraude sociale est évalué à 76 000 €.

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