En septembre, le groupe LVMH, propriété du milliardaire Bernard Arnault, a racheté 1,3 hectare de vignes d'un domaine à Aloxe-Corton (Côte-d'Or), pour 15 millions d'euros. La famille Poisot a cédé ses terres, dans l'incapacité de payer les frais de succession.
Il y a deux mois, une page se tournait à Aloxe-Corton, l’une des plus belles appellations de la Côte de Beaune. La famille Poisot annonçait vendre plusieurs parcelles de grands crus au groupe LVMH, propriétaire du milliardaire Bernard Arnault, 5ème fortune mondiale.
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Tout commence lorsque Rémi Poisot apprend le décès de sa tante. Il hérite alors d'un vaste domaine viticole avec ses frères et sœurs. "Elle n'avait pas d’héritier direct, donc nous sommes devenus les héritiers. Notre notaire fait appel au service de l'État pour l’évaluation des terres. Et là le couperet tombe."
Confrontée à des frais insurmontables à hauteur de plusieurs millions d'euros, la famille Poisot doit prendre une décision : vendre une partie du patrimoine. "Elle n’a pas été facile à prendre. Les vignes que j’exploite sont dans la famille depuis plus de 100 ans, depuis le début du 20ème siècle. Et juste pour une affaire de succession, on est obligés de s’en séparer. Forcément, c'est difficile parce que moi, je ne pourrais pas retransmettre à mes enfants ce que j’ai reçu de mes parents et de ma tante."
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Et c'est donc le groupe LVMH qui remporte la mise. Il rachète 1,3 hectare de parcelles de vignes pour 15 millions d'euros. "Ils ont accepté de ne pas interférer dans l'exploitation, la vinification et la commercialisation. Dans les différents prétendants, c’est le seul qui ait accepté d’être uniquement propriétaire, et pour ça je le remercie."
Une somme "déconnectée de la réalité"
C'est la deuxième acquisition du groupe LVMH sur la route des grands crus, après le rachat du domaine des Lambrays, à Morey-Saint-Denis. De quoi inquiéter Thiébault Huber, président de la confédération des appellations et des vignerons de Bourgogne (CAVB). "C’est encore un domaine familial qui s’en va et c’est un modèle économique des vins de Bourgogne qui s'échappe. La Bourgogne fait rêver et ça attire des investisseurs qui viennent mettre des prix qui sont complètement déconnectés de la réalité. C’est surcoté, c’est plus un outil de travail, c'est une œuvre d’art", déplore-t-il.
Lorsque le propriétaire des vignes décède, les héritiers sont taxés sur la valeur des biens à la date de la succession. Taxe déterminée en fonction du lien de parenté entre la personne décédée et ses héritiers. Cela varie entre 20% et 40% entre un père et un fils, mais peut monter jusqu'à 60% pour les frères et sœurs du défunt, ou ses neveux et nièces.
Je suis en colère et inquiet.
Thiébault HuberPrésident de la confédération des appellations et des vignerons de Bourgogne (CAVB)
"Il faut que la loi en matière fiscale évolue si on veut préserver ce modèle économique qui fait la richesse de la Bourgogne", insiste Thiébaut Huber. "Il faut absolument qu’on ait cet outil fiscal de transmission. Il existe cet outil pour les usines, les ateliers qu’on n’a pas sur l’agricole. Il faut élargir le pacte Dutreil qui permet d'exonérer 75% et de ne payer les taxes que sur les 25% qui restent." Un dispositif qui aurait peut-être pu permettre à la famille Poisot de faire face aux droits de transmission, et ainsi rester propriétaire du domaine.