Journée des droits de la femme : le vin de Bourgogne a-t-il encore un sexe ?

Le documentaire Les héritiéres retrace l'histoire de femmes qui ont dû bousculer habitudes et idées reçues pour faire leur place dans le monde du vin en Bourgogne, Il est diffusé le 9 mars à l'occasion d'une soirée exceptionnelle baptisée Liberté, Egalité, Féminité qui mettra les femmes à l'honneur.

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A l’occasion de la Journée internationale des droits de la femme, les 13 antennes de de France 3 se mobilisent pour une soirée spéciale lundi 9 mars 2020. France 3 Bourgogne-Franche-Comté vous propose quatre documentaires mettant en avant des femmes qui se battent au quotidien pour faire respecter leurs droits.

 ♦ Les héritières : un film qui montre qu’en Bourgogne le vin n’a pas de sexe


Le documentaire Les héritières est le portrait croisé de femmes qui exercent des métiers liés au vin dans une Bourgogne longtemps traditionnaliste et machiste.
En Bourgogne, les femmes ont toujours été présentes dans le monde viticole, mais elles étaient reléguées dans l’ombre de leurs maris, leurs frères ou de leurs patrons. On a du mal à imaginer aujourd’hui, qu’il y a deux générations à peine, au nom de vieilles superstitions, les femmes étaient interdites de caves les jours où elles avaient leurs règles, pour ne pas faire tourner le vin.

Aujourd’hui, qu’elles soient œnologues, commerciales, chefs de cave, vigneronnes, elles sont passées sur le devant de la scène et  les vins de Bourgogne se font aussi avec elles. De plus en plus nombreuses dans le milieu viticole, elles prouvent chaque jour que vins et femmes s’accordent très bien. Désormais, les femmes investissent les caves pour faire des vins reconnus bien au-delà des frontières de la région et de l’Hexagone.

Selon le BIVB (Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne), on estime à 30 % la proportion de femmes chefs d’exploitation viticole en Bourgogne
 

♦ Becky Wasserman, ambassadrice des grands vins de Bourgogne aux Etats-Unis depuis 40 ans


Il y a 50 ans, des pionnières ont ouvert la voie. On se rappelle la célèbre Lalou Bize-Leroy qui a donné ses lettres de noblesse aux vins du domaine de la Romanée-Conti ou encore Anne-Claude Leflaive, une des pionnières de la biodynamie en Bourgogne.

C’est également le cas de Becky Wasserman, une Américaine qui s’est installée en Bourgogne en 1968. Dès son arrivée, elle est séduite par la région et se passionne pour ses vins. En 1979, elle crée sa société et devient la première femme à exporter des vins de propriétaire aux Etats-Unis. A cette époque, ses interlocuteurs sont uniquement des hommes.

Becky Wasserman se rappelle encore avoir dû produire des certificats médicaux prouvant que les œnologues américaines à qui elle faisait visiter les caves n’avaient pas leur règles. C'était un autre temps où il n’y avait que deux femmes vigneronnes en Bourgogne. Depuis, elle a vu les mentalités évoluer et les femmes arriver dans les cuveries dans les années 1980, une période charnière où tout a basculé.

A l’époque, il y avait des femmes qui dirigeaient des entreprises, mais elles n’étaient pas sur les tracteurs et n’allaient pas dans les cuveries. Mais dès que les portes se sont ouvertes, c’est allé très vite grâce à des personnes qui ont lutté pour être respectées. Becky Wasserman

 

 ♦ Les héritières, un documentaire qui retrace le parcours de cinq femmes passionnées


Après un parcours long et difficile, où il a fallu bousculer des siècles de traditions et de préjugés et faire sa place, les femmes ont appris à faire du vin et même de très bons vins.

Vincent Hérissé n’en est pas à son premier film à propos du monde viticole et son envie de le raconter ne s’est pas tarie. Le documentaire Les héritières s’attache au parcours de cinq d’entre elles, des femmes qui n’ont pas grand-chose à voir avec l’image traditionnelle du vigneron moustachu et bourru. Ludivine, Marie-Christine et Marie-Andrée, Alexandrine et Juliette, cinq femmes différentes, des jeunes et des moins jeunes, des "filles de" ou pas, vigneronnes ou œnologues, elles sont représentatives de la Bourgogne d’aujourd’hui, au même titre que les hommes
Leurs témoignages nous montrent comment chacune d’entre elles en est arrivée là et l’énergie qu’elle doit déployer jour après jour pour prouver sa compétence, sa légitimité et lutter contre les préjugés et le machisme.

Ces femmes ont un caractère et une détermination hors du commun pour occuper les places qu'elles ont. Il leur fut s'imposer, convaincre et parfois même dans leur propre famille. C'est grâce à cela qu'elles ont su gagner le soutien des hommes qui sont autour d'elles. Vincent hérissé, réalisateur

 
Ludivine Griveau, régisseuse des Hospices de Beaune
 

 ♦ Ludivine Griveau a bousculé une institution vieille de plusieurs siècles


Dans la Bourgogne viticole, Ludivine Griveau est une pionnière à double titre. En effet, depuis 2015, elle est la première femme régisseuse des Hospices de Beaune depuis 6 siècles. Œnologue, elle a la responsabilité de 60 hectares de grands crus qui sont vendus aux enchères chaque année lors d’une vente de charité réputée dans le monde entier. Un examen, qu’elle passe tous les ans et qui expose son travail au regard du monde viticole international.

Ludivine n’est pas originaire de l'univers du vin. Son arrivée, à moins de 40 ans, a bousculé cette vieille institution de Côte-d'Or, ainsi que le monde viticole et les acheteurs. Pour la majorité d’entre eux, il n’était pas évident de voir arriver une jeune femme à un poste aussi prestigieux, aussi technique et aussi exposé.
Quant à elle, il n’a pas été facile de se faire une place auprès des 23 vignerons sous ses ordres, des hommes tous plus âgés qu’elle. Elle avait tout à prouver et dans un premier temps il a fallu subir le scepticisme.

Cela a été dur ! Il a fallu une phase d’acceptation. Ce qui a été difficile, c’est qu’on a envie de se faire accepter parce qu’on est bon, pas parce qu’on est une femme ou un homme. 

Ludivine préfère le mot "inquiétudes" auquel elle a dû faire face plutôt que celui de "réticences". En tout cas, toutes ces barrières ne l’ont pas empêchée de faire ses preuves pour être sur un pied d’égalité avec les hommes.

Cela a entraîné chez moi l’envie d'en faire plus, de prouver plus et de leur montrer que j’étais capable. 

Son équipe s’est assez vite faite à l’idée d’avoir une femme à sa tête. Cependant, même si aujourd’hui sa compétence n’est plus mise en doute, les relations qu'elle a avec ses vignerons est différente de celle qu’ils ont entretenu avec le précédent régisseur. Par exemple, ils la vouvoient, un moyen pour eux d’exprimer une marque de respect.
 

 ♦ Juliette Joblot, "une fille de…"


A Givry, en Saône-et-Loire, après  trois générations d’hommes, en 2012,  Juliette Joblot a repris les rênes du domaine familial en 2012.  A 25 ans, elle succède à son père Jean-Marc et son oncle Vincent qui avaient mis le domaine au tout premier rang de l’appellation. Juliette est ce qu’on appelle "une fille de", une place pas si facile, car il faut assurer la succession et quand il s’agit d’une fille, il faut faire encore plus d’efforts.

 J’ai eu la crainte du travail en famille dans un milieu d’hommes où le travail qui avait de la valeur était le travail physique. 

Avec son diplôme d’œnologue en poche, il lui a fallu se faire accepter par les siens, prendre ses marques, faire évoluer les mentalités, une démarche délicate. Un challenge difficile à relever !

Au départ, cela a été compliqué avec mon père et mon oncle, car leur éducation paysanne ne laissait pas de place à la sensiblerie, aux sentiments et trop de communication. 

Mais, pour Juliette, la reprise de l’exploitation et son évolution ne signifient pas renier le travail de ceux qui l’ont précédée. Malgré les nombreux changements apportés, elle continue à s’inscrire dans la tradition en gardant la touche des vins de garde apportée par son père.  

Aujourd’hui, c’est elle qui prend toutes les décisions, que ce soit pour le travail dans la vigne, l’élaboration du vin, sa commercialisation. Mais, malgré cela, elle trouve toujours certains clients qui préfèrent traiter avec son père… Femme et jeune, un double handicap !
A ce jour, sur les 40 vignerons que compte l’appellation Givry, Juliette est encore la seule femme vigneronne. Une situation qui devrait rapidement évoluer !
 

♦ Alexandrine Roy et ses vins recherchés dans le monde entier

En 2003, Alexandrine Roy a succédé à son père à la tête d’un petit domaine de 4 hectares, situé sur la commune de Gevrey-Chambertin, en Côte-d'Or.  Aujourd’hui, elle n’a plus rien à prouver, ses vins sont reconnus dans le monde entier. En 2015, elle a été élue "vigneronne de l’année".

Alexandrine appartient à cette catégorie de femmes vigneronnes qui aiment autant travailler dans les vignes que dans la cave.

Moi, c’est quand je suis dans les vignes que je suis heureuse, ce n’est pas dans un bureau à gratter du papier. Je suis quelqu’un du dehors, je n’aime pas être enfermée. 

Ce qui est aujourd’hui une évidence pour Alexandrine ne l’a pas toujours été. Au départ, son père a eu quelques réticences, mais comme il n’y avait pas de garçon pour reprendre l’exploitation, il a fallu  bousculer le schéma classique.

Si j’ai la chance aujourd’hui de faire la partie production, je sais que c’est parce que je suis fille unique.

Le travail de la vigne a toujours intéressé Alexandrine Roy, mais à force d’entendre "C’est dur, c’est dur", elle a longtemps douté d’en avoir les capacités physiques.

Mon père est un homme robuste et quand je le voyais rentrer à plat, je pensais que je n’y arriverais pas. 

Mais quand la force physique lui a manqué, Alexandrine a su trouver des astuces et des techniques pour contourner ses faiblesses. C’est ainsi qu’elle a pu surmonter les idées toutes faites qui assignent hommes et femmes à des rôles précis… Une tendance qui ne concerne pas uniquement le monde viticole.

 

 ♦ Marie-Christine et Marie-Andrée Mugneret, une vigne en héritage


A Vosne-Romanée,  Marie-Christine et Marie-André Mugneret sont aussi "des filles de". En 1988, suite au décès brutal de son père, Marie-Christine, alors âgée de 30 ans, abandonne son métier de pharmacienne pour rejoindre sa mère sur le domaine. En 1992, elle est rejointe par sa sœur Marie-Andrée, âgée de 25 ans.  

Cela a été notre force d’être toutes les trois, on s’est senties investies d’une mission, poursuivre le travail des grands-parents et le faire le plus logiquement possible. Nous l'avons fait naturellement. Marie-Andrée Mugneret

Cependant, cette reprise a été difficile car leur père Georges, à la fois médecin et vigneron reconnu par tous, n’était plus là pour leur transmettre son savoir faire et les encourager.

La première récolte en 1989 a été un millésime difficile, car il a fait très chaud. Nous nous disions souvent : "et lui qu’aurait-il fait ?"  Marie-Andrée Mugneret

En assurant la pérennité du domaine, à une époque où il y avait très peu de femmes à la tête de domaines viticoles, les sœurs Mugneret ont montré à d’autres que le vin était également une affaire de femmes. Cette aventure particulière, un domaine 100% féminin, est amenée à continuer car Lucie, la fille aînée de Marie-Christine, a rejoint le domaine.
 

 ♦ Les femmes font-elles des vins différents ?


Les "vins de femmes" sont devenus un phénomène de mode avec lequel joue le marketing. Parallèlement, les amateurs de vins sont de plus en plus des amatrices. Désormais, de nombreux cavistes et sommeliers les mettent à l’honneur sur leurs cartes. C’est le cas de Fabienne Para Escoffier, sommelière à Beaune, pour qui le vin n’est pas le même s’il est travaillé par une femme ou un homme.

 J’aime beaucoup les vins de femmes. On reconnaît toujours la patte d’une femme avec une finesse, une élégance qu’on ne retrouve pas chez les hommes. Quoiqu’il y ait toujours des exceptions. Fabienne Para Escoffier

Une vision que ne partage pas Alexandrine Roy pour qui  le vin n’est pas une question de genre, mais de ressenti.

C’est une grosse légende de dire ça : "c’est un vin d’homme ou ça c’est un vin de femme". Je connais des femmes qui font des vins durs, tanniques. En fait, c’est une question de style et de préférence. Alexandrine Roy

Alexandrine a fait le choix de reprendre la trame de départ impulsée par son père et l’a travaillée "à sa sauce" :

Ce qui ressort, c’est qu’il y a plus de finesse et d’élégance dans ce que je fais. C’est possible, mais c’est une question de ressenti. Alexandrine Roy

 A Givry, Juliette Joblot partage ce point de vue. Elle dit vouloir faire un vin moins strict, mais se demande si un fils n’aurait pas fait la même chose ?

Que cela soit un fantasme ou une réalité,  en Bourgogne au 21e siècle, les vins faits par des femmes ont trouvé leur place sur les tables du monde entier.

En suivant leur passion pour la vigne et le vin, Ludivine, Juliette, Alexandrine, Marie-Christine et Marie-Andrée ont réussi à faire taire les doutes concernant leur talent. Ces pionnières ont montré le chemin à une nouvelle génération de vigneronnes. Elles sont de plus en plus nombreuses à suivre des formations et à franchir le pas. C’est le cas de Marie-Aimée Bordeaux Montrieux  qui va rejoindre le domaine viticole familial à Givry, pour la plus grande fierté de son père. Juliette Joblot ne sera alors plus la seule vigneronne de  cette appellation de Saône-et-Loire.

Une fois qu’on a les techniques et qu’on sait comment s’y prendre, il n’y a pas de raison qu’une femme y arrive moins bien qu’un homme. Jacques Bordeaux Montrieux 

Des paroles qui prouvent qu'en Bourgogne la place des femmes dans le monde du vin a radicalement changé en 50 ans.
 

 

 ♦ Liberté, Egalité, Féminité : la nuit des droits des femmes, une soirée spéciale présentée par Wendy Bouchard.

 Sur France 3 Bourgogne-Franche-Comté lundi 9 mars 2020 à partir de 23h vous pourrez voir :

1- Les Héritières 
Un documentaire écrit et réalisé par Vincent Herissé
Une coproduction France 3 Bourgogne-Franche-Comté et AMDA Production

2- Révolution roller 
Ce documentaire suit les aventures de deux équipes réunies par la passion pour un sport aux contacts violents et aux chutes spectaculaires : le Roller Derby. Que ce soit à  Marseille ou au Caire, chacune à leur manière, elles refusent de se conformer aux rôles que la société veut leur imposer. En France, on les appelle les « Bloody Skulls », en Egypte, elles se sont baptisées « Cairollers" et vont organiser le premier match officiel de la discipline au Moyen-Orient…

3- Le choix des femmes                 
Le documentaire aborde les grands défis de la santé féminine d'aujourd'hui à partir du témoignage et du ressenti de trois femmes de générations différentes : 75, 49 et 25 ans. A partir des formidables progrès d'hier jusqu'aux enjeux de santé publique d'aujourd'hui, le film retrace l'évolution des conditions d'accompagnement médical des femmes afin d'en tirer une photographie précise et claire.

4- Mères intérieures 
Ce documentaire aborde le rapport des femmes à la maternité et son évolution depuis le début du 20e siècle, suite aux avancées majeures des droits des femmes : le droit à la contraception en 1967, le droit à l'avortement en 1974. Plus récemment, la PMA (procréation médicalement assistée) a modifié les choses et le regard sur les mères célibataires a changé. Et puis,  il y a aussi le droit des femmes qui ne souhaitent pas avoir d'enfants.

A revoir sur bfc.france3.fr


 
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