Les vendanges approchent et la profession s’organise. L’opération réussie l'année dernière du “village des vendangeurs” reprend du service à Morey-Saint-Denis (Côte-d'Or) : elle avait permis de loger à bas coût 60 saisonniers. L'hébergement des travailleurs est un réel problème pour le monde viticole.
Le village des vendangeurs a été créé en 2023 pour répondre à une demande préoccupante des viticulteurs à cette période spécifique de l’année : comment héberger l’ensemble de la main-d’oeuvre occasionnelle qui va travailler sur les vendanges ?
Plus de 40 000 saisonniers pour les vendanges
Les vins de Bourgogne se vendangent à la main, particularité qui fait d’eux des vins de qualité mais aussi des vins plus chers. Et pour ce résultat, il faut des employés saisonniers, en grande quantité pour couper, rassembler et trier le raisin avant les étapes de pressage en cuverie. Ils étaient 44 784 salariés en 2023 en Bourgogne, d'après les chiffres de la CAVB (Confédération des Appellations et des Vignerons de Bourgogne).
La réglementation concernant l’hébergement des saisonniers demeure stricte, et pour pouvoir accueillir la main-d’oeuvre, les domaines sont souvent à la peine.
Comme l’explique Christine Dautin, responsable du service emploi et juriste à la FDSEA 21, l’hébergement des saisonniers est un vaste problème : “une partie des forces vives des équipes est composée de travailleurs saisonniers extérieurs à la région. Parfois venant de l’étranger, des personnels itinérants qui préfèrent se loger sous tente."
L'année dernière, 72% des travailleurs étaient français, 28 % étrangers (soit 12 700 salariés).
"En Bourgogne", reprend Christine Dautin, "l’hébergement se fait dans des logements en dur fixes, des logements type mobil’home, mais cela coûte cher. L’hébergement sous tente dans la propriété du viticulteur est interdit.”
Plus de la moitié des viticulteurs de Bourgogne n'ont pas pu héberger leurs vendangeurs
Le logement collectif chez les viticulteurs est réglementé. Un peu trop au regard des viticulteurs, car près de la moitié d'entre eux n'ont pas pu héberger leurs vendangeurs en 2023. Surtout à cause du manque d'hébergement aux normes en vigueur.
À tel point que la FNSEA a demandé des dérogations. Christine Dautin rappelle que “la DREETS (Direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités) accorde des dérogations temporaires régulièrement pour faciliter l’accueil des saisonniers chez les viticulteurs. Cela permet d’assouplir les règles, on passe par exemple à 7 travailleurs par pièce au lieu de 6. On a diminué la surface habitable par travailleur".
En 2019, les organisations syndicales ont obtenu des compensations face à ces diminutions de surfaces. Des contreparties telles qu'une pièce dédiée pour sécher les affaires, un accès au Wifi, à un lave-linge, des pauses rallongées.
Au bout du compte, "beaucoup de domaines viticoles ne pouvaient plus héberger les travailleurs." Les viticulteurs se sont retrouvés avec un déficit de logements, et par conséquent un problème d’attractivité pour les travailleurs.
Au regard de toutes ces problématiques, "avec la Préfecture, le premier village vendangeurs a donc été crée à Morey-Saint-Denis l’année dernière."
Et le village des vendangeurs va reprendre son activité en 2024 sur la commune de Morey-Saint-Denis, de la même façon que l'année précédente. Samuel Lenoir, propriétaire du centre équestre "Mountain Farm" sur la commune, va mettre à la disposition un terrain pour y installer un camping éphémère, une opération principalement financée par l'Etat.
La mobilité des saisonniers, une expérimentation qui elle aussi reprend du service
Pour répondre aux problèmes de main d'oeuvre et d'hébergement, la FDSEA 21, avec de nombreux partenaires, expérimente également, pour la seconde année, le dispositif "Mobiviti". Le principe est de faciliter le transport des saisonniers présents en Bourgogne depuis leur domicile jusqu'aux domaines, par le biais de 3 minibus pour 3 domaines viticoles. Les navettes iront chercher les travailleurs sur Beaune, Auxonne et Dijon-Fontaine d'Ouche.
Laurence Berteau, chargée de mission emploi-formation à l'Association Nationale pour l'Emploi et la Formation en Agriculture (ANEFA), explique que "c'est extrêmement compliqué car les dates de vendanges ne sont pas encore arrêtées". L'expérimentation permet à des bénéficiaires du RSA, des demandeurs d'emploi, d'aller travailler dans la viticulture. Ce sont des personnels qui sont parfois "sur des parcours compliqués", l'année dernière "il y a eu beaucoup d'abandons."
L'espoir pour Laurence Berteau est également "d'intéresser ces saisonniers aux métiers de la vigne, car le secteur connaît une crise du recrutement, comme sur l'agriculture en général."