Le premier samedi d'ouverture du Salon de l'agriculture 2024 n'a pas été aussi profitable que l'espéraient certains producteurs de Bourgogne-Franche-Comté. Ils déplorent le peu de ventes effectués et l'alcoolisation des visiteurs, qui reste cependant moindre qu'en 2023.
L'an dernier, les stands de vins, bières et liqueurs s'étaient fait prendre d'assaut par des milliers de visiteurs dès l'ouverture matinale du Salon international de l'agriculture, à Paris. À la fin du premier samedi, nombre d'entre eux étaient en colère et dénonçaient un public venu uniquement pour s'enivrer, sans prendre le temps de déguster. Cette année, la direction avait promis des mesures fortes pour ne pas revoir ces images peu glorieuses.
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Que retenir donc de ce premier samedi ? Nous sommes allés poser la question aux producteurs de Bourgogne-Franche-Comté après la fermeture au public, à 19 heures.
"Pas une beuverie" mais "tout le monde demandait des verres"
"On a eu beaucoup de dégustations, mais pas beaucoup de ventes derrière. Ce n'est pas top, j'avais des attentes plus hautes pour le premier jour", regrette Renaud Demenus. Cet agriculteur de Haute-Saône a monté sa société de liqueurs, Aux breuvages du Cambroussard. Toute la journée, il a servi des verres au public, mais sans vendre beaucoup de bouteilles fermées. Il n'est pas le seul à faire ce constat.
"Tout le monde nous demandait des verres", confirment plusieurs producteurs de vins de Bourgogne que nous avons interrogés.
"Les visiteurs ont été gentils, ce n'était pas une beuverie cette année. Mais je regrette que les gens n'aient pas su qu'on ne vendait pas de bouteilles ouvertes", note Vincent Fabrici, du domaine de la Tour à Lignorelles.
C'est vrai que, lors de nos déambulations dans les allées, nous l'avons constaté : de très nombreux visiteurs demandaient des bouteilles aux stands d'alcool. Or il faut noter cette nouveauté de 2024 : les exposants ont interdiction de vendre des bouteilles ouvertes sur le salon, dans le but de limiter l'alcoolisation massive des visiteurs. Mais cela n'a pas suffi.
"On s'est fait défoncer"
"On s'est fait défoncer ! Ca n'a pas désempli, les gens étaient bourrés", confie un exposant de Bourgogne-Franche-Comté. Au bistrot de la région, où l'on servait des verres de vin, près de 150 bouteilles ont été écoulées ce samedi. Si globalement les exposants constatent avoir vu moins de personnes ivres mortes qu'en 2023, ils ont tout de même constaté ce phénomène.
"Certains venaient pour s'enivrer, clairement. Ils ne voulaient pas goûter les vins ; ils voulaient acheter une bouteille et on savait que c'était pour boire tout de suite."
Dany Primotfruitière vinicole d'Arbois
"Ca m'ennuie de vendre des bouteilles dans ces conditions", déplore Dany Primot, de la fruitière vinicole d'Arbois (Jura). "Les vins, on doit les respecter. On doit les boire seulement à des occasions avec des amis, avec quelqu'un... Ca se partage le vin, ça ne se boit pas comme ça. En plus, on m'a piqué des verres !" peste-t-elle.
Pour autant, cette exposante qui vient au Salon de l'agriculture depuis 33 ans a bel et bien vendu ses bouteilles (fermées) : "Oui, je l'ai fait car sinon je ne vendais rien ! Il n'y avait personne d'autre, pas de clients. Je pense qu'une partie des gens savaient qu'il y aurait du grabuge autour d'Emmanuel Macron, et ils ne sont pas venus."
"Il est 15h45 et il y a des gens bien bien lancés... dont nous !"
Qu'en disent les visiteurs ? Nous croisons Tanguy près des vins de Chablis, déçu : "On voulait acheter une bouteille et on nous empêche de l'ouvrir sur place à cause des débordements de l'année dernière, mais ce n'était pas de mon fait en 2023. Est-ce qu'une minorité doit empêcher la majorité de profiter du salon ?" s'interroge-t-il.
Plus loin, Florent, Stanislas, Antonin et Benjamin, la vingtaine, assistent à leur deuxième salon de l'agriculture. Nous les croisons guillerets en train de boire deux bouteilles : un rosé et un mélange cognac-mangue. "Il est 15h45 et il y a beaucoup de gens bien bien lancés... dont nous !" rigolent-ils. "Il y a davantage de sécurité cette année, on voit clairement que des choses ont changé", nuance Benjamin. "Il y a des points d'eau un peu partout, les "désoiffeurs" qui passent avec des camel-backs remplis d'eau... Ca paraît inutile mais en fait, ça marche un peu."
"Après, honnêtement, ça dépend juste de la mentalité des gens", estime Stanislas.
"Si les personnes veulent boire pour finir les quatre fers en l'air, elles le feront, que ce soit cette année, l'année dernière ou l'année prochaine... Je pense que ça dépend des personnes et pas des services de sécurité."
Stanislasvisiteur
Enfin, plusieurs visiteurs confient qu'une partie des exposants ne joue pas le jeu et vend bel et bien des bouteilles ouvertes. "Cette consigne, c'est complètement faux, ce n'est pas du tout la réalité ! Toutes les bouteilles qu'on a eues nous ont été ouvertes", assurent les quatre amis.
Deux autres visiteurs croisés avec une bouteille ouverte à la main le disent également :
"Un stand nous a vendu une bouteille ouverte, un autre nous a filé un tire-bouchon."
deux visiteurs
La veille de l'ouverture, la direction du Salon de l'agriculture a rappelé les consignes : si un exposant est pris sur le fait, il risque un avertissement, puis une fermeture de stand.