De son vivant, le chef Bernard Loiseau avait fait de son nom une marque. En 20 ans, son épouse Dominique Loiseau l'a transformée en vitrine du terroir et du luxe made in Bourgogne.
Bernard Loiseau. Ce nom mythique suffit à évoquer la gastronomie et la Bourgogne. Vingt ans après la mort du célèbre chef, ce nom flotte au fronton de trois restaurants, deux hôtels, un bistrot, un spa et des dizaines de produits dérivés.
Le groupe Bernard Loiseau est toujours une référence dans l'hôtellerie-restauration. La marque que le fondateur avait lui-même lancée dans les années 1990, a fructifié :"Lorsque l'on observe le groupe Bernard Loiseau aujourd'hui, on s'aperçoit que la marque est construite avec le terroir pour colonne vertébrale. Elle vante le savoir-faire des hommes et revendique la recherche de l'excellence " explique Mihaela Bonescu, enseignante-chercheuse, spécialisée en communication et marketing à la Burgundy School of Business, l'école de commerce de Dijon.
Bernard Loiseau, une marque en soi
La marque Bernard Loiseau a été créée par le chef étoilé lui-même, autour de sa personne. Le succès de son livre "L'envolée des saveurs" publié en 1981 et la situation du restaurant La Côte d'or sur la nationale 6 incite Bernard Loiseau à exploiter son aura médiatique : "En 1995, mon père a lancé sa propre boutique adossée au Relais" explique Bérengère Loiseau, la vice-présidente du groupe. Serviettes, cravates, miroir de poche... Les produits, qui y sont vendus aujourd'hui encore, sont axés sur les arts de la table et le voyage.
Les clients du restaurant voulaient repartir des produits en souvenir de leur expérience. Tout ce qui était brodé Bernard Loiseau leur faisait plaisir.
Bérengère Loiseau, vice-président du groupe Bernard Loiseau
A l'instar d'un autre chef médiatique Joël Robuchon, Bernard Loiseau lance une gamme de douze "plats préparés haut-de-gamme" en 1998, élaborés avec l'entreprise Agis et vendus en grande distribution. "Cette stratégie était une logique d'extension de l'offre vers le bas, vers le grand public. Il s'agissait je suppose de gagner en notoriété explique Mihaela Bonescu, enseignante-chercheuse à la BSB. Pour cela, une petite entreprise doit s'associer à une grande pour bénéficier de sa communication. Le groupe Bernard Loiseau s'est rapidement recentré sur l'épicerie fine avec des partenariats prestigieux, comme la maison de vins Albert Bichot."
Ambassadrice du terroir
Depuis le décès du chef en 2003, sa veuve Dominique Loiseau poursuit le développement de la marque Bernard Loiseau avec un crédo : valoriser la Bourgogne et ses producteurs.
Depuis 2009, les partenariats avec les entreprises labellisées "entreprises du patrimoine vivant", comme la moutarderie Fallot, le pain d'épice Mulot et Petitjean ou le liquoriste Gabriel Boudier, se multiplient. Les produits dérivés estampillés Bernard Loiseau sont nés de recettes élaborées dans les cuisines de Saulieu. "Ma mère a lancé l'idée en 2009 avec l'idée de défendre et faire rayonner les producteurs locaux. Cela a commencé par les vins, puis nous avons diversifié la gamme de produits" se souvient Bérengère Loiseau, vice-présidente du groupe.
Les restaurants affichent eux aussi leur ancrage géographique. Leurs noms (Loiseau des Ducs, Loiseau du temps) et leurs plats, s'inspirent des villes qui les accueillent. "Le terroir est approché avec une grande habileté par le groupe analyse Mihaela Bonescu. Chaque restaurant a une identité forte. Le relais de Saulieu par exemple, est identifié au Morvan, à la nature et à l'authenticité. Loiseau des Sens, adossé au spa, propose une cuisine saine et bio. Loiseau des Ducs, à Dijon, qui propose une cuisine "respectueuse du produit" associée aux valeurs d'élégance. Loiseau du Temps, bientôt à Besançon, évoquera le luxe de l'horlogerie et travaillera les produits franc-comtois."
Une philosophie : la filière courte
Vingt ans après sa mort, les enfants et l'épouse du chef français inscrivent l'entreprise dans la philosophie de Bernard Loiseau : cuisiner des produits au plus près de leur lieu de production. C'était un promoteur des filières courtes avant l'heure. "Mon père était auvergnat. Il s'est retrouvé dans les paysages et les habitants du Morvan. C'est devenu sa terre d'adoption et il a toujours eu à cœur de valoriser le terroir", confirme Bérengère Loiseau. Ambassadrice de la race charolaise, Dominique Loiseau incarne désormais le Morvan en de nombreuses occasions.
Cette philosophie "Loiseau" rencontre une aspiration sociétale forte : "Il y a une volonté de retour vers la naturalité. Les gens veulent manger ce qui est bon pour eux et ce qui est bon pour la Terre. La "slow-food" se développe et le groupe Loiseau s'inscrit vraiment dans cette dynamique de lien avec les agriculteurs et entreprises locales" explique Mihaela Bonescu.
Luxe et international
Le groupe Bernard Loiseau inscrit ses restaurants et ses hôtels dans une vision du luxe expérientielle. "Le luxe n'est plus une question de statut mais une manière de vivre, de cuisiner. Le groupe Bernard Loiseau base sa communication sur les émotions et sur un lexique inspiré de la haute-couture : "Nos collections", "les signatures" détaille Mihaela Bonescu, enseignante-chercheuse à la BSB.
Tous les établissements du groupe sont en Bourgogne Franche-Comté mais la marque est connue dans le monde entier. Un festival Bernard Loiseau est organisé à l'Ile Maurice depuis 2006. Les produits dérivés sont distribués dans les épiceries fines et dans les aéroports.
Pour entretenir le souvenir du chef étoilé, trois repas de gala seront organisés en 2023 à New York, à Sao Polo et au Japon. Entre le 27 février et le 4 mars 2023, une semaine hommage à Bernard Loiseau est organisée à la Cité de la Gastronomie de Dijon. Une allée sera baptisée en son honneur.
"La famille Loiseau fait vraiment un travail très intéressant car, évidemment, dans un premier temps, le groupe, la marque, c'est lui, c'est Bernard Loiseau, sa personnalité, sa manière d'être, de faire. Une fois disparu, il fallait gérer l'héritage physique et symbolique. Le groupe est devenu le gardien du patrimoine gastronomique local du Morvan et de la Bourgogne" conclut Mihaela Bonescu, enseignante-chercheuse à la BSB, à Dijon.