Près de 700 personnes sont mortes en 2022, tuées par des conducteurs sous l'emprise de stupéfiants. Faut-il créer une qualification "d'homicide routier" ? Qu'en pense Gautier, renversé par un motard à 17 ans ?
Depuis qu'il a été renversé par un motard en juillet 1995, Gautier Pataille a perdu l'usage de la parole et, en partie, celui de ses jambes. Le sourire vissé aux lèvres en permanence, il lève désormais le doigt avant de parler, comme pour intimer le silence, pianote quelques lignes sur son smartphone et l'assistant vocal retranscrit ses pensées. Pour lui, durcir la loi contre les responsables d'accidents de la route pourrait aider d'autres victimes : "Il est certain qu'une mesure ne suffit pas mais il faudrait déjà, je trouve, sanctionner plus sévèrement les personnes sous l’emprise d’alcool, de drogues. "
C'est justement l'idée du gouvernement avec ce délit d'"homicide routier" qui concernerait les conducteurs ayant consommé alcools et stupéfiants avant de prendre le volant. Selon les chiffres officiels, environ 700 personnes ont été tuées en 2022, victimes de conducteurs sous l'emprise de stupéfiants. A l'heure actuelle, l’auteur d’un accident mortel est coupable d’homicide involontaire, il peut encourir jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende. L’alcool et les stupéfiants sont des circonstances aggravantes qui peuvent alourdir la peine jusqu'à trois ans.
Se reconstruire et prévenir
Gautier ne s'apesantit pas sur le responsable de son accident. Il nous confie seulement qu'il a été fauché sur le trottoir par un conducteur sans doute alcoolisé qui a été condamné à une peine avec du sursis. A 46 ans, comme beaucoup de victimes, il ne s'est pas reconstruit grâce à la lourdeur ou l'exemplarité de la peine mais grâce aux études, à l'handisport et à sa famille : "Vous savez, si je m’étais posé des questions sur ce que devenait le motard, je n’aurai pas progressé, donc le motard, je n’ai pas besoin de savoir ce qu’il est devenu. Je m’en fous royalement !"
Gautier s'implique désormais dans la prévention au sein de l'association des paralysés de France en intervenant pendant des stages de sensibilisation devant des personnes condamnées à des travaux d'intérêt général par exemple. Pour ces militants, le plan du gouvernement doit s'accompagner d'un volet prévention : "Le fait d'en parler, de sensibiliser, ça devrait être plus utile que la répression " ajoute Martine Cuenot, bénévole elle aussi à l'APF de Côte d'or.
En juillet, Elisabeth Borne réunira un comité interministériel pour décider quelles nouvelles sanctions seront mises en place contre les conducteurs sous l'emprise de stupéfiants.