Dans le Dijonnais, le vin se boit, mais sert aussi à faire des photos. En période de vendanges, c'est l'idée inattendue d'un photographe local qui a décidé de tirer le portrait des vendangeurs, avant de développer les clichés dans un vin du domaine. On vous explique ce tour de magie.
Faire développer les négatifs d'un appareil photo argentique dans du vin, mais aussi de la bière, du café ou encore du thé, c'est possible ! C'est le projet original de Jacques Revon. Ancien journaliste de France 3 Bourgogne, il se dédie à sa passion depuis sa retraite : la photographie à l'argentique.
Café, infusion de plantes, bière ...
Depuis mai dernier, il joue les alchimistes dans son petit laboratoire, pour trouver de nouveaux révélateurs, le liquide qui permet de développer une bobine photo. "Je n'ai rien inventé. En 1995, le Docteur Scott Williams, professeur de chimie aux États-Unis, a découvert le développement au caffénol", tient à préciser le photographe en préambule.
Développer les photos dans le café : une idée venue des États-Unis, que le photographe dijonnais a décidé de creuser. Il a testé des infusions de plantes de son jardin, sauge, thym, romarin, menthe, mais aussi la bière et le vin, tous ces liquides fonctionnent.
Pour garantir le circuit court, c'est dans un Bourgogne passsetoutgrain récolté en 2020 qu'il a développé les photos prises dans le vignoble de Daix. Ce même vignoble où ont poussé les raisins du vin qui a servi de révélateur à ces clichés. "La boucle est bouclée", sourit le photographe.
"De la chimie naturelle"
Mais alors, comment cela fonctionne-t-il ? "C'est de la chimie naturelle. Le vin et les autres contiennent du phénol et des polyphénols. Il faut ensuite ajouter du carbonate de sodium, de la vitamine C et du sel iodé", résume simplement Jacques Revon.
Détail amusant : l'ajout de carbonate de sodium rend le vin vert foncé. Mais le mélange fait le même travail qu'un révélateur chimique pour développer les négatifs des appareils argentiques.
Consigne supplémentaire : à la différence des révélateurs chimiques, il faut prémouiller la pellicule dans l'eau avant de la mettre dans un révélateur naturel. "Avec le vin blanc, ça ne marche pas, il n'y a pas assez de phénol", prévient le photographe chimiste. "Par contre, les vins de Bourgogne en ont beaucoup !"
"Le vin n'est pas forcément l'odeur la plus agréable pour développer les négatifs. Au contraire, l'odeur des décoctions de plantes embaument le labo !"
Jacques Revon, photographe
De nombreux avantages
On peut tout de même se demander si le rouge tache les photos. "Le café donne une coloration un peu brune, le thé un côté un peu jaunasse, mais je constate que pour le vin il y a peu de coloration sur les négatifs, il faut bien rincer", assure Jacques Revon.
Cette méthode de développement naturelle présente plusieurs avantages. "Ce révélateur alternatif écologique peut être jeté dans l'évier", met en avant le photographe. "On est aussi plus souple sur le temps de développement et sur la température : pour un développement normal, c'est entre 18 et 21 degrés, là, on peut monter jusqu'à 29."
La recette révélée
Il y a tout de même un inconvénient, "le révélateur ne se conserve pas, il s'oxyde en 24 ou 48 heures, il faut donc être sûr de développer avant de le fabriquer". Mais le photographe l'assure, la qualité est au rendez-vous.
Pour les plus curieux et "pour motiver les passionnés", Jacques Revon a décidé de transmettre ses découvertes et les recettes sur le site web " L'Œil de la Photographie".