Comment comprendre ce qui se joue dans les quartiers prioritaires, théâtres de fusillades et de deux homicides ces derniers jours à Dijon ? Le sociologue Hervé Marchal répond à toutes nos questions.
Quatre fusillades, deux morts en moins de 15 jours, et l'arrivée de l'opération "place nette XXL" : la Fontaine d'Ouche et les Grésilles, quartiers prioritaires de Dijon (Côte-d'Or) connus pour le trafic de drogue, sont au centre de l'actualité. Comment expliquer les récents faits et ce qui se joue réellement dans ces quartiers ? Hervé Marchal est sociologue à l'université de Bourgogne, il a travaillé sur ces territoires et la population qui y réside.
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Comment explique-t-on la montée récente des tensions dans ces quartiers?
Hervé Marchal : "Déjà, il faut prendre en compte la place du numérique. Avec le numérique, tout va très vite. Des groupes peuvent s'organiser, le sentiment d'appartenance peut s'accentuer. Avec ça, les rapports de force et les confrontations peuvent aller très vite. On voit aussi qu'avec le temps, il y a eu beaucoup de changement dans les rapports. On peut le voir dans le rapport aux forces de l'ordre. Aujourd'hui, la répression est devenue dominante par rapport à la prévention. Ce qui entraîne le fait que la communication est devenue difficile. Après, pour ce qui est de l'opération "place nette XXL", il faudrait aller voir sur place pour pouvoir porter une analyse."
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Grandir en quartier prioritaire, ça veut dire quoi ?
Hervé Marchal : "Dans notre société, la notion de projet est importante. La particularité dans les quartiers prioritaires, c'est qu'on a un rapport à l'avenir qui est compliqué, alors on investit fortement dans le présent. Il faut dire que quand on n'a pas grand-chose à quoi se référer, que l'on sort hors des institutions et que le rapport avec les forces de l'ordre est compliqué, alors le quartier devient un support de définition de soi..."
Pour un certain nombre de jeunes personnes, c'est difficile de sortir de ces quartiers.
Hervé Marchalsociologue
"On a mené beaucoup de recherches sur cela. Il faut dire que dans une société où l'on a envie d'être reconnu en tant que personne, il y a une idée de revendication. Pour eux c'est : je fais mon business parce que moi aussi j'ai le droit d'avoir une belle voiture, de montrer que je possède de belles choses..."
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Y'a-t-il des spécificités aux quartiers prioritaires de Dijon ?
Hervé Marchal : "Ces quartiers prioritaires sont le théâtre d'inégalités sociales marquées, mais aussi de logique territoriale. Parfois il suffit d'une route, d'une rocade, d'une départementale qui peuvent devenir des frontières symboliques. Ces frontières, on ne les franchit pas facilement et elles incarnent des ruptures spatiales et sociales. Au niveau géographique, certains quartiers peuvent se situer en périphérie des villes, ce qui amène à un repli au niveau de l'emploi et au niveau socioculturel."