L'histoire de Didier Roussel est tragique. Le brasseur a été gravement brûlé alors qu'il travaillait à proximité d'une cuve bouillante. La brasserie de l'Arquebuse à Dijon a dû fermer. Ce week-end, Julie Noirel, la copropriétaire, organisait une vente solidaire des bières artisanales.
C'est la fin de l'histoire. Vendredi et samedi, une vente solidaire organisée à la brasserie de l'Arquebuse à Dijon a permis d'écouler les stocks de bières artisanales restants.
Pour Julie Noirel et Didier Roussel, c'est une page qui se tourne après 7 ans d'existence. Tout avait basculé le 8 octobre dernier, lors d'un grave accident. Didier Roussel, le cofondateur et brasseur attitré était gravement brûlé après que la cuve bouillante se soit renversée sur lui.
Étant dans l'incapacité de reprendre leur activité, le couple avait décidé de mettre fin à l'aventure.
"J’ai entendu un cri strident"
Julie Noirel, co-propriétaire et compagne de Didier Roussel, est encore en proie à l'émotion au moment de repenser à ce qu'il s'est passé. Le jour de l’accident, elle était au téléphone avec Didier.
"J’avais pris l’habitude de lui demander de m’appeler quand il brassait tout seul", se remémore-t-elle. "Ce jour-là, c’est moi qui l’ai appelé, il était en train de brasser de la triple au miel. Il me dit "je vais ajouter le miel, tout va bien, elle va être bonne, je suis content". Et d’un seul coup, j’ai entendu un gros bruit métallique. Je n’ai pas identifié tout de suite le bruit, donc je lui ai demandé ce qu’il se passait. J’ai entendu un cri strident et j’ai mis quelques secondes à réaliser que le cri strident, c’était lui."
Le brasseur s’est renversé la cuve bouillante sur lui. Si les circonstances de l’accident sont encore floues, le malheureux évènement lui a causé des brûlures très graves, en particulier sur les jambes. Le copropriétaire était encore conscient au moment où les pompiers l’ont trouvé sur place. "Il a juste eu le réflexe d’arracher ses vêtements", ajoute Julie Noirel. "Il commençait à s’évanouir au moment où il a été transporté à l’hôpital."
La décision fatidique
À peine arrivé à Dijon, Didier est héliporté à Lyon. "À Dijon, ils n’étaient pas capables de prendre de telles brûlures en charge", commente sa compagne. "Quand j’ai vu l’étendue des blessures, c'était vraiment paniquant."
Les lésions étaient tellement graves que le brasseur a dû subir plusieurs opérations visant à greffer de la peau de ses cuisses sur les pieds, chevilles et mollets. Lui qui est décrit comme une "hyperactif" était cloué au lit, tordu de douleur entre deux doses de morphine.
C’est bien après, au moment de revenir sur les lieux que Julie Noirel s’est rendu compte de la situation du commerce. "Quand j’ai dû venir à la brasserie pour pelleter les céréales avec un ami à lui, je me suis retrouvée propulsée à devoir prendre en charge la brasserie alors que je ne faisais que les étiquetages et les embouteillages. Les commandes arrivaient, on avait toujours nos clients professionnels qui étaient en attente de leur livraison. Il y avait plein de choses à faire (comme) les déclarations d’assurance, d’accidents, etc."
C’était terrible de pousser la porte. J’avais l’impression d’arriver sur une scène de crime.
Julie Noirelcopropriétaire de la brasserie de l'Arquebuse
En revenant à Lyon, la copropriétaire pense à interroger Didier sur la suite si son état s'est amélioré. Elle décrit l'entrevue : "C’est lui qui est venu à me dire "je n’y arriverai pas, je ne pourrai pas rebrasser" On a annoncé qu’on allait se retirer de la société."
Une vente pour dire adieu
L'histoire aurait pu simplement s'achever de cette façon, mais un tel lieu de vie ne pouvait pas disparaître sans un bruit. D'autant plus qu'il restait toutes les fabrications de Didier qui attendaient sagement dans l'arrière-boutique.
"Il restait beaucoup de stocks de bières, car il avait brassé avant en prévision de la fin d’année", décrit Julie Noirel. "Comme on avait fermé le bar depuis l’accident, nos clients n’arrêtaient pas de nous demander des nouvelles de Didier. Il y a un vrai côté lieu de vie avec la brasserie, beaucoup nous demandaient s’ils pouvaient venir acheter des bières, mais vu que j’étais toute seule à gérer, je jonglais entre les allers-retours à Lyon et les livraisons, ce n'était pas possible."
Et finalement, après concertations, le couple a décidé d'organiser une vente solidaire, pour que les clients puissent venir acheter des bières et dans le même temps faire le deuil du lieu.
On n’a pas envie que ces bières finissent à la brasserie avec peut-être un liquidateur ou autre. On voulait que cela parte vers nos clients.
Julie Noirelcopropriétaire de la brasserie de l'Arquebuse
Et les habitués ont été au rendez-vous. Dès l'ouverture, de nombreuses personnes sont venues. Pour acheter des bières artisanales bien-sûr, mais aussi pour demander des nouvelles ou pour adresser un mot à l'égar du brasseur convalescent. "Je pense que cela a fait plaisir aux clients de revenir ici", reconnaît la copropriétaire.
Dans la soirée de ce samedi 30 novembre, Julie Noirel était en mesure de confirmer que la plupart des produits avaient été vendus.
► Avec Alexane Clochet et Zahra Douche.