Touchés par la crue centennale de Pâques, les agriculteurs doivent maintenant se pencher sur leur indemnisation. Plusieurs assurances existent, mais selon certains, elles ne permettent pas de répondre aux problèmes d'aménagement du territoire, réclamés par la profession.
"Le colza, il tient plus, il bouge, il est en train de se casser." Les bottes plongées dans l'eau, Simon Gauffinet, agriculteur à Trouhans (Côte-d’Or), constate les dégâts. Ses parcelles n'ont pas été épargnées par les inondations. Colza, orge, blé. Sur plus de 300 hectares de cultures, les trois quarts sont sous l’eau...
La scène se déroule le jeudi 4 avril. Depuis le week-end de Pâques, la Bourgogne est frappée par une vague de crues. Comme le cultivateur, nombre d'exploitants ont vu une partie de leurs terres inondées. Une semaine après la décrue, la question de leur indemnisation par les assureurs se pose.
Une couverture variable
"L'aide versée aux agriculteurs dépend du type de contrat souscrit", explique Jacques de Loisy, assureur et président de la Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles (FDSEA) de Côte-d'Or. La plupart d'entre eux disposent d'une assurance couvrant les bâtiments, "qu'ils soient un lieu de résidence ou de stockage des cultures".
Moins répandue, l'assurance récolte, protège de différents sinistres : sécheresse, inondation, tempête de grêle, pluies violentes, pluies torrentielles, humidité excessive...
"À peine la moitié des agriculteurs de la Côte-d'Or, et à l'échelle nationale, en ont une. Et tous les clients ne seront pas couverts : il faut que les dégâts touchent une large partie de leurs cultures."
Jacques de Loisyassureur et président de la FDSEA 21
Enfin, l'assurance prairie, calculée selon les niveaux de production de l'exploitant. Il faudra donc attendre encore quelques mois avant de pouvoir en bénéficier, "la récolte ne débutant que dans plusieurs mois", précise Jacques de Loisy.
"Qu'est-ce qu'on va faire ?"
De son côté, Simon Gauffinet hésite encore. “Qu’est-ce qu'on va faire ? Est-ce qu'on va devoir resemer ? Qu’est-ce qu’on va semer ? Est-ce que ça vaudra le coup ? Il va falloir rengager des frais pour ça, ce n'est pas dit que la trésorerie va suivre aussi."
Déjà, en 2013, l'exploitant a subi les conséquences de la crue. Il a perdu 50 % de son chiffre d'affaires. Aujourd'hui, l'agriculteur ne connaît ni le délai, ni le montant de son indemnisation. Il espère que sa commune bénéficiera de la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle pour l'aider à compenser, au mieux, le manque à gagner.
Selon Jacques de Loisy, la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle est une piste à envisager pour soulager les agriculteurs. "Mais la prise en charge est très longue : il faut d'abord que les maires déposent un dossier en préfecture, que la demande soit examinée par élus et validée et transmise aux assureurs. Eux-mêmes doivent ensuite mandater des cabinets d'expertise." La procédure s'étend souvent sur plusieurs mois, même si en l'occurrence, une procédure accélérée a été engagée après la crue centennale de ce week-end de Pâques.
"Beaucoup de dégâts ne sont pas pris en compte"
Le coût des catastrophes climatiques n'a jamais été aussi élevé pour les assurances : elles ont déboursé 6,5 milliards d'euros pour couvrir ces sinistres l'an passé. 2023 a été "la troisième année la plus grave en termes de sinistres climatiques, après 1999 et 2022", d'après France assureurs.
De quoi faire craindre une baisse de la prise en charge de ces sinistres.
"Plutôt que de se demander combien ça coûte, il faudrait réfléchir à se prémunir de tous ces épisodes. Ça permettrait d'atténuer les phénomènes et servirait à toute la population, pas qu'aux agriculteurs."
Jacques de Loisyassureur et président de la FDSEA 21
Le professionnel estime que "beaucoup de dégâts ne sont pas pris en compte par les assurances". Des revendications portées par les exploitants lors des manifestations de ce début d'année 2024. "À croire qu'il aura encore fallu un épisode d'inondations pour prouver la nécessité de ces changements..."
Avec Éloïse Gerenton, Christophe Gaillard et Pierre Chamussy