Dégâts liés aux sécheresses : "on essaie de se battre contre l'inertie des décideurs", indique une association

La Côte-d'Or fait partie des départements fortement impactés par les sécheresses de 2018, 2019 et 2020. À Semur-en-Auxois, Yves Moalic, lui-même touché par la catastrophe naturelle, se bat avec l'association "Les oubliés de la canicule" pour que la législation évolue en faveur des victimes.

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"10 ans d'épargne, 20 ans d'endettement, 30 ans de sa vie et pas de prise en charge." Voilà le triste constat réalisé par Yves Moalic, référent en Côte-d'Or de l'association " Les oubliés de la canicule".

En 2018, la maison de cet habitant de Semur-en-Auxois subit la sécheresse liée à la canicule de plein fouet. La catastrophe naturelle entraîne un phénomène de "retrait-gonflement" du sol argileux sur lequel est construit le bâtiment.

"Avec la sécheresse, l'argile se rétracte, et les fondations des maisons descendent, explique Yves Moalic. Par la suite, les pluies viennent regonfler le sol et les maisons remontent. Ce phénomène crée des tensions sur les fondations, qui peuvent être amenées à se fracturer. À terme, ça peut entraîner l'éboulement des maisons."

D'autres parties de la maison ont également subi des dégâts. Le crépi a été endommagé, tout comme les huisseries et les cloisons intérieures. Par endroit, les carrelages se sont fissurés. La charpente a elle-aussi été impactée par les mouvements de terrain, et requiert une remise en état.

L'estimation haute des réparations, c'est de l'ordre de 150 000 euros.

Yves Moalic, victime de la sécheresse de 2018

La reprise des fondations en sous-œuvre est estimée à 61 000 euros. Du côté de la réfection des dallages, la somme nécessaire se compte là aussi en dizaines de milliers d'euros.

"L'estimation haute des réparations, c'est de l'ordre de 150 000 euros, précise-t-il. Au-delà de la question de l'argent, les travaux prennent du temps. Le sous-œuvre commence, près de quatre ans après les dégâts. Et un an après la fin de cette phase, si tout se passe bien, le second-œuvre pourra enfin commencer."

En Côte-d'Or, l'association "Les oubliés de la canicule" compte environ 150 adhérents, surtout touchés par les sécheresses de 2018 et 2019. " Mais on suspecte qu'il y en ait plus qui ne se déclarent pas", déplore le référent.

Une législation modifiée en 2021, en faveur des assureurs

La loi stipule que les victimes peuvent être indemnisées uniquement si la préfecture prend un arrêté reconnaissant la catastrophe naturelle. Une condition remplie pour la sécheresse de 2018 à Semur-en-Auxois, qui permet aux sinistrés de toucher les indemnités de la part de leurs assureurs.

"Heureusement, j'ai une mutuelle sérieuse qui défend les intérêts de ses sociétaires", indique d'emblée Yves Moalic. "Mais tous les assureurs ne sont pas aussi engageants. Grâce à l'association, je suis en contact avec d'autres sinistrés, qui doivent eux partir en justice. Et le ticket d'entrée judiciaire coûte 15 000 euros."

Une double peine donc, d'autant que la loi relative à l'indemnisation des catastrophes naturelles a été modifiée fin 2021... mais pas nécessairement pour avantager les victimes. Seul point positif : l'accélération du versement des aides, avancée saluée par le collectif.

Avec les sécheresses de plus en plus fréquentes, une maison impactée une année a des chances de l'être à nouveau.

Yves Moalic

Au cœur du conflit, l'amendement 70, qui précise que l'indemnisation doit permettre au bâtiment de revenir à l'état dans lequel il se trouvait avant le sinistre.

"Mais ça ne signifie pas que les maisons doivent être consolidées", regrette Yves Moalic. "Avec les sécheresses de plus en plus fréquentes, une maison impactée une année a des chances de l'être à nouveau. Il faudrait financer une réparation pérenne, qui améliore les constructions pour résister aux futurs sinistres."

Certains vont devoir payer des sommes équivalentes au double ou triple du prix auquel ils ont acheté leur maison.

Yves Moalic

L'autre axe développé dans l'amendement indique que l'indemnisation doit correspondre à la valeur du bien au moment des dégâts. Une mesure qui semble de "bon sens, mais qui est très inégalitaire. Depuis, 2018, le prix de l'immobilier et des matériaux a fortement augmenté, donc dans des territoires où les gens ont moins de moyens, ils vont devoir payer des sommes équivalentes au double ou triple du prix auquel ils ont acheté leur maison."

La loi n'étant pas rétroactive, les sinistrés des sécheresses de 2018, 2019 et 2020 restent sous le régime d'indemnisation de l'époque. L'association entend pourtant continuer de se battre, pour les futures victimes de catastrophes naturelles.

Un phénomène qui traduit un problème de fond ?

L'une des premières sécheresses d'importance en France s'est produite entre l'automne 1975 et l'été 1976. Un épisode qui avait causé de lourdes pertes, avec 6 000 décès supplémentaire par rapport à la normalité moyenne et près de 90 000 hectares de forêts partis en fumée. Dès lors, ces épisodes de canicules sont devenus de plus en plus fréquents, avec un point culminant en 2003. À l'époque, plus de 138 000 sinistres avaient été dénombrés.

"À partir de 2015, on a assisté à un épisode de canicule tous les deux ans environ", raconte Yves Moalic. "Maintenant, c'est plutôt tous les ans."

En cause, le dérèglement climatique face auquel les décideurs ne se mobilisent pas suffisamment. "On essaie de se bagarrer contre leur inertie. Mais on ne fait pas le poids face aux compagnies d'assurance", conclut-il.

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