Témoignage. Bébé secoué : “Ma fille était allongée, blanche, le regard vide”, l'émouvante histoire de Rose sauvée in extremis

Publié le Mis à jour le Écrit par Sophie Courageot

Plusieurs centaines d’enfants sont victimes chaque année en France du syndrome du bébé secoué. 10% ne survivent pas, 75% portent des séquelles graves selon Santé Publique France. À l'occasion de la journée mondiale de prévention du syndrome du bébé secoué (SBS), Manon, jeune mère de famille, livre le récit de ce jour de garde chez la nounou, où la vie de toute une famille a basculé.

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“Viens vite ! Rose* ça ne va pas, viens vite, appelle les pompiers !”. Manon* n’oubliera jamais cet appel téléphonique. Novembre 2022, il est midi. L'assistante maternelle vient de la joindre, tout affolée. Le cœur de la maman s’emballe. Quand elle arrive sur place, sa petite puce de 7,5 mois est allongée sur une table. Les minutes qui suivent vont durer une éternité. 

Elle était là sur la table, déshabillée, toute blanche, toute molle, le regard vide. Elle respirait toutes les 30 secondes. Alors, on prie tout ce qu’on peut pour qu’elle respire.

Manon, maman de Rose



Les pompiers arrivent rapidement, et prennent en charge le bébé dans leur camion. Manon est dehors, suspendue à un fil, à la vie, à l’espoir, à la crainte du pire.

Un pompier finit par venir donner des nouvelles. “Rose est dans le coma, mais elle réagit aux simulations”. Elle revient même à elle juste avant que l’hélicoptère de secours ne se pose dans cette commune de Franche-Comté. Accompagnée de son doudou, et du papa arrivé entre-temps sur les lieux, Rose est transportée par les airs au CHU de Besançon dans le Doubs.

Que s’est-il passé ce matin-là? La nounou explique que la journée s’était bien déroulée, et que pour une fois, Rose n’avait pas pleuré. 

Pour moi, c’était impensable à ce moment-là que la nounou ait pu lui faire du mal.

Manon, maman de Rose

Le scanner confirme une double hémorragie cérébrale 


À l'hôpital, Rose est très vite prise en charge. Les mots des médecins font mal. Double hémorragie liée à un choc violent ou très certainement à un secouement. L’ophtalmologue confirme les craintes. Rose souffre d’une hémorragie rétinienne, l’un des syndromes du bébé secoué. "On a tellement de questions dans la tête à ce moment-là, on nous dit qu’elle a été secouée, et qu’il faut l’accepter" se souvient Manon. 


Derrière les murs de cette petite chambre d'hôpital, un autre ballet se met en route. Judiciaire. 24 heures après, les parents de Rose sont entendus pendant de longues heures. La nounou est placée le lendemain suivant en garde à vue. “Elle parle d’un trou noir, elle n’explique pas ce qui s’est passé, elle dit juste qu’elle a pris violemment Rose de la chaise haute” rapporte Manon.

Au vu de l'enquête et des conclusions médicales, l’assistante maternelle sera mise en examen pour "violence suivie d’incapacité supérieure à 8 jours sur mineur". Elle sera jugée prochainement. Son agrément pour garder des enfants lui a été retiré.

Rose est en vie, petit Tom lui, est mort dans les bras de son papa


Le syndrome du bébé secoué endeuille chaque année des familles. Si Rose grandit de jour en jour, le petit Tom âgé de 3 mois et demi est mort en 2014 dans le Doubs. Il a été secoué lui aussi par l’assistante maternelle qui en avait la garde. Elle n’a pas donné l’alerte. L'état du bébé s’est dégradé en quelques jours jusqu’à la mort cérébrale.

Bertrand Gimonet, son papa se bat inlassablement depuis, pour faire connaître ce syndrome du bébé secoué et faire avancer la prévention. Dans cette vidéo, il montre comment les séquelles chez un bébé secoué vont se produire en une fraction de seconde.

Quand on tient un enfant à 30 cm de soi, qu’on le secoue, l’enfant est KO immédiatement. C’est comme lui donner un coup de poing très fort. C’est un choc à 90 km/h. C’est une chute. C’est un accident à 200 km/h pour un adulte.

Bertrand Gimonet, papa de Tom et président de l’association France bébé secoué

Le syndrome du bébé secoué (SBS) provoque un traumatisme crânio-cérébral. “Les secousses en cause sont toujours violentes, produites le plus souvent par une saisie manuelle du thorax du bébé sous les aisselles. Les décélérations brutales de la tête sont responsables d’un ballottement du cerveau dans la boîte crânienne et de l’arrachement des veines ponts” détaille la Haute autorité de Santé.


Ce geste d’une violence inouïe se répète parfois sur des petites victimes.“Un bébé secoué l’est en moyenne 10 fois, 30 fois dans certains cas. Dans 55% des cas établis, il y a eu répétition du geste” explique Bertrand Gimonet. 

Le nombre de cas de bébés secoués en France est difficile à recenser. 500 cas probablement par an, selon une étude datant de 2015-2017.

Mieux former les professionnels de la petite enfance, mieux entourer les parents


Pour le papa de Tom, l'espoir de voir diminuer le nombre de cas en France passe par plusieurs axes. La prévention, parfois insuffisante selon lui, des assistantes maternelles. Mais également, une meilleure connaissance de la gestion des pleurs d’un bébé qui va déclencher le geste malheureux d’un père, d’une mère, d’un proche ou d’une nounou.

Chez un nourrisson, le pic des pleurs a lieu à l’âge de 4 à 6 semaines. Vers quatre mois, il va diminuer. Deux bébés secoués sur trois, le sont avant l’âge de six mois, précise Bertrand Gimonet.  

Si vous êtes exaspéré, vous n'en pouvez plus, posez votre bébé sur le dos dans son lit et quittez la pièce pour retrouver votre calme.

Bertrand Gimonet, papa de Tom et président de l’association France bébé secoué


Un appel au médecin au centre de PMI (protection maternelle infantile), ou au numéro vert gratuit 0 800 00 34 56 peut aussi aider un adulte en difficulté avec un tout-petit.

"Un jour, il nous faudra expliquer à Rose qu’elle a été un bébé secoué"


Manon a accepté de raconter l'histoire de sa fille pour sensibiliser à ce syndrome mal connu, inconnu de nombreux Français encore. Elle ne pardonnera jamais le geste qui aurait pu être fatal à son bébé. Ni le mensonge, dit-elle, sur ce qui s’est passé ce jour-là au domicile de la nounou.

J'ai eu ma fille inconsciente, dans le coma, dans les bras, c'est la pire image, la pire sensation de toute ma vie. Une image que j'aurai tout le temps.

Manon, maman de Rose

Rose a aujourd'hui deux ans. Elle va plutôt bien, mais garde de légères séquelles. Rose voit bien moins d’un œil. Le nerf optique a été endommagé, et elle a un petit retard de langage.

La famille entière a vu son quotidien bouleversé. La petite fille qui commence à parler enchaîne les rendez-vous médicaux de kiné, orthophoniste, psychomotricien. “Ce n'est pas la vie d’une enfant de deux ans” déplore sa maman.

Manon n’espère qu’une chose du procès à venir. “Je voudrais qu’elle soit reconnue coupable pour Rose. Elle va grandir, il faudra un jour lui expliquer ce qui s’est passé, et lui dire que cette dame a été punie par la justice”.

Le syndrome du bébé secoué tue et handicape chaque année encore des bébés. Il laisse aussi des blessures douloureuses parmi les parents. “On ne se le pardonnera jamais d’avoir laissé Rose là-bas, de ne pas avoir compris avant.”

*Les prénoms ont été modifiés pour préserver l'anonymat de la petite fille et de sa famille.

► Pour en savoir plus sur le syndrome du bébé secoué

-Selon une étude de la revue Pediatrics en 2020, 98,5% des cas ont lieu dans un domicile privé (domicile familial ou domicile d’une nourrice).

Bébé secoué, une maltraitance qui peut être mortelle

Association France Bébé Secoué

Les recommandations de la Haute Autorité de santé sur le diagnostic du syndrome du bébé secoué

Prévention du syndrome bébé secoué : le site internet de Bertrand Gimonet, papa de Tom 

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