Le Rassemblement national sort gagnant de ce premier tour des élections législatives en Franche-Comté. Doubs, Haute-Saône, Jura, Territoire de Belfort. Dans tous les départements, les candidats RN sont au 2ᵉ tour ou déjà élu, avec des scores plus que doublés. Découvrez en infographies cette augmentation entre les législatives 2022 et 2024, et les raisons qui l'expliquent.
Les élections passent, mais le constat reste le même en Franche-Comté : le Rassemblement national est le parti dominant sur notre territoire. Aux élections législatives 2024, le parti présidé par Marine Le Pen est en tête dans 8 des 12 circonscriptions comtoises après le 1ᵉʳ tour. Exemple criant de cette domination : le seul député élu directement au soir du 30 juin, Emeric Salmon (2ᵉ circonscription de Haute-Saône) était candidat RN.
Il est intéressant, pour illustrer la montée en puissance du RN, de se pencher sur les résultats du premier tour des dernières législatives, en 2022. Au soir du premier tour, il y a deux ans, le RN était arrivé en tête dans quatre circonscriptions comtoises. Contre 8 cette année. Un score doublé.
Dans le Doubs, la percée RN
Autre chiffre plus que parlant : alors que les candidats RN n'étaient présents au 2ᵉ tour que dans 6 circonscriptions sur 12 en 2022, ils se sont cette année qualifiés dans toutes les circonscriptions. Là aussi, un score doublé. Dans le détail, c'est ainsi tous les candidats RN qui ont augmenté leur score en deux ans. Aussi bien dans des bastions déjà conquis, comme en Haute-Saône, que dans le Doubs et le Jura, des territoires dans lesquels les votes RN étaient moins ancrés.
Le Doubs fait partie des départements où le RN a opéré une véritable percée. Dans les quatre premières circonscriptions doubistes, les candidats du Rassemblement national ont obtenu entre 9 000 et 11 000 voix supplémentaires par rapport à 2022.
► À LIRE AUSSI : CARTE. Législatives 2024 dans le Doubs. Quatre triangulaires possibles, un duel, les résultats définitifs
Thomas Lutz (25-1, + 9 667) et Eric Fusis (25-2, + 9 840), déjà présents il y a deux ans, mais éliminés au 1ᵉʳ tour, sont cette fois-ci qualifiés dans les circonscriptions urbaines de Besançon, en effectuant à chaque fois plus du double de leur score de 2022.
La situation est un peu différente dans la 25-3, où Matthieu Bloch représentait le RN mais aussi Les Républicains. Dans une circonscription où le parti de Marine Le Pen était déjà arrivé en tête au 1ᵉʳ tour de 2022, le candidat de l'Union de l'extrême droite réalise la même performance, en augmentant le score du RN de plus de 10 000 voix.
Du côté de la 25-4, c'est la confirmation pour Géraldine Grangier. La seule députée RN du Doubs depuis 2022 reste en tête, en augmentant son score du premier tour de 11 153 voix, et échouant à trois points de l'élection au 1er tour (47,63%).
Enfin, le score le plus impressionnant vient de la 5ᵉ circonscription, fief de l'implantée Annie Genevard (LR), vice-présidente de son parti. Là-bas, le RN, 4e en 2022 avec 5 869 voix, se qualifie au 2e tour en 2024 avec 19 505 voix. Une augmentation de 13 636 voix et un score plus que doublé.
Dans le Jura, un résultat record pour le RN
Le RN a également fait sauter les digues dans le Jura. Alors qu'aucun candidat d'extrême droite ne s'était qualifié pour le 2e tour en 2022, ils sont présents partout deux ans plus tard. Avec leur lot de surprises pour les députées sortantes.
Dans la 1ʳᵉ circonscription, la totémique Danielle Brulebois (Ensemble !) arrive derrière le RN. Au niveau des scores, + 10 270 voix pour Valérie Graby qui est arrivée première. Même scénario dans la 3e circonscription, où la LR Justine Gruet arrive, elle aussi, derrière la RN Aurore Vuillemin-Plançon, qui augmente son score de 11 090 voix.
Le bilan est un peu moins lourd pour la dernière députée sortante, Marie-Christine Dalloz (LR). Dans la 2ᵉ circonscription, elle reste en tête, mais fera face au RN et à son candidat Thierry Mosca le 7 juillet (+ 7 687 voix en deux ans).
En Haute-Saône, l'hégémonie RN
Déjà conquise aux dernières législatives, la Haute-Saône reste dans l'escarcelle du Rassemblement national, qui y renforce son emprise.
Dans la 1ʳᵉ circonscription, le sortant Antoine Villedieu (RN) a plus que doublé son score. Il avait recueilli 13 441 voix en 2022, il en récolte 29 457 en 2024 (+16 016). Avec 48,82 % des suffrages en sa faveur, il frise de peu l'élection dès le premier tour.
► À LIRE AUSSI : CARTE. Législatives 2024 en Haute-Saône : Émeric Salmon (RN) réélu, découvrez tous les résultats du premier tour
Élection qu'a déjà remportée son collègue Emeric Salmon (RN), lui aussi sortant dans la 2ᵉ circonscription de Haute-Saône. Avec 30 316 voix et 50,11 % des suffrages récoltés, le Breton d'origine a écrasé la concurrence et est le seul député de Franche-Comté élu au 1er tour. En 2022, 14 574 Haut-Saônois avaient voté pour lui (+ 15 742, plus du double).
Dans le Territoire de Belfort, le RN passe en tête
Déjà présent au 2e tour dans les deux circonscriptions du Territoire de Belfort en 2022, le RN est cette fois-ci en tête, deux ans plus tard. Et fait trembler les députés sortants.
C'est d'abord Carine Manck, dans la 90-1, qui augmente le score du RN de 7 850 voix pour passer devant le sortant Ian Boucard (LR), et de loin. Cas de figure similaire dans la 2e circonscription, où le seul député de gauche élu en 2022, Florian Chauche, arrivé en tête au 1er tour en 2022, est deux ans plus tard derrière Guillaume Bigot. Le polémiste de Cnews, avec 11 888 voix recueillies, augmente le score de son parti de 7 581 voix.
Pourquoi une telle augmentation du vote RN ?
La première chose à prendre en compte pour analyser cette augmentation est le taux de participation très élevé de ce 1ᵉʳ tour des législatives. En Franche-Comté, comme dans tout le pays, il est en moyenne en hausse de 20 points.
► À LIRE AUSSI : Législatives 2024. Une participation historique, près de 60% à 17 heures en Bourgogne-Franche-Comté
La plupart des candidats ont ainsi tous gagné des voix, comme l'Insoumis Florian Chauche, dans la 2ᵉ circonscription du Territoire de Belfort. Mais même en tenant compte de cette hausse de participation, nous nous rendons compte que les plus fortes augmentations sont à mettre du côté du Rassemblement national.
Pourquoi ? Qu'est-ce-qui explique ce vote ? Selon le politologue Dominique Andolfatto, la première raison est le laps de temps très court entre des Européennes déjà dominées par le RN. "Quand deux élections se suivent de si près, la deuxième élection est toujours une élection de confirmation" assure-t-il. "Comme la présidentielle et les législatives". La dissolution de l'Assemblée nationale le 30 juin dernier n'a donc pas éloigné le RN du pouvoir, bien au contraire.
Est-ce que c'est un vote sanction ou un vote d'adhésion ? C'est encore difficile à trancher. Il y a une volonté de changement, une détestation du président de la République.
Dominique Andolfatto,politologue
La personne même d'Emmanuel Macron aurait donc participé à faire monter l'extrême droite, "qui se présente comme un parti antisystème" nous expliquait le politologue Vincent Lebrou, qui agrège les votes de "beaucoup d'électeurs" qui "veulent éprouver une nouvelle coalition" avec "le RN en parti de gouvernement" selon Dominique Andolfatto.
Au niveau sociologique, si les campagnes (Haute-Saône) et les milieux ouvriers (nord du Doubs, Territoire de Belfort) votent massivement Rassemblement national depuis plusieurs scrutins, la percée RN à Besançon est à noter et peut s'expliquer par la nouvelle envergure du parti, qui, "en envoyant un nombre important de députés ou de conseillers régionaux et départementaux" a rassuré les urbains. "Les classes plus aisées des villes, désormais "habituées" à des membres du RN aux postes de responsabilité, ne les voient plus comme des "intouchables" nous disait Dominique Andolfatto, il y a quelques semaines.
► À LIRE AUSSI : DATA. Élections européennes : comment le Rassemblement national a progressivement conquis la Bourgogne-Franche-Comté
Cette augmentation pour le RN peut aussi s'expliquer par l'éclatement des Républicains. Les frontières avec le Rassemblement national sont devenues plus floues, comme dans la 3e circonscription du Doubs avec un candidat unique, et il y a pu avoir un vrai report.
Cet élan restera-t-il en place le 7 juillet prochain, lors du 2ᵉ tour des élections législatives ? Le Rassemblement national arrivera-t-il à affirmer ses scores du 30 juin ? Réponse dans moins d'une semaine.