Témoignage. "Le trafic de drogue est devenu incontrôlable" : à Besançon, la détresse des gardiens de prisons après le décès de deux détenus

Publié le Écrit par Antoine Comte
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Vendredi 29 décembre 2023, deux codétenus étaient retrouvés morts dans leur cellule, à la maison d'arrêt de Besançon (Doubs). Selon les premières constatations, une overdose serait la cause de leur décès. Un drame qui vient rappeler le "fléau" que représentent les stupéfiants pour le personnel pénitentiaire, qui, à Besançon, s'estime "impuissant".

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Depuis quatre jours, ils sont "sous le choc". Vendredi 29 décembre 2023, le personnel pénitentiaire de la maison d'arrêt de Besançon retrouvait le corps de deux codétenus dans leur cellule, sans vie. Après plusieurs tentatives de réanimation, les deux hommes étaient déclarés décédés dans la matinée. "C'était deux trentenaires" rappelle Christophe Hautefaille, délégué Force Ouvrière et responsable de la sécurité de la maison d'arrêt. "Tout le monde est touché, forcément". 

L'émotion est d'autant plus grande au vu des circonstances probables du décès. Selon les premiers éléments de l'enquête, les deux codétenus seraient morts d'une overdose. "Entre les tentatives de suicide et les violences, malheureusement, on a déjà eu des drames" explique Christophe Vernerey, représentant du syndicat UFAP UNSA Justice à la maison d'arrêt de Besançon. "Mais là, des morts à cause de la drogue, ce n'est quand même pas souvent. C'est très inquiétant, car à Besançon, les stupéfiants gangrènent la prison".

Du trafic de stupéfiants, il y en a dans toutes les prisons. Mais chez nous, le trafic est même plus important à l'intérieur des murs qu'à l'extérieur. On a des saisies tous les jours. Au parloir, sur les chemins de rondes, dans les cellules.

Christophe Vernerey,

représentant du syndicat UFAP UNSA Justice à la maison d'arrêt de Besançon.

Et si le trafic de drogue n'est pas apparu récemment dans les murs des maisons d'arrêts, il a connu une "croissance majeure depuis deux-trois ans" continue Christophe Vernerey. "On a aujourd'hui beaucoup de drogues dures : ecstasy, héroïne, cocaïne... On n'est plus sur de la simple résine de cannabis".

Preuve de l'explosion de ce trafic, que Christophe Hautefaille juge même "incontrôlable", quelques chiffres saisissants. "Chaque année, on saisit entre 10 et 13 kg de substances illicites" reprend le chef de la sécurité. "Dans ce total, on a maintenant des sachets de drogues dures pesant 200 ou 250g, qui sont jetés depuis l'extérieur de la prison jusqu'à la cour" continue Christophe Vernerey. "C'est impressionnant. Les pires journées, on reçoit jusqu'à 45 colis de drogues à l'intérieur, depuis le ciel, via des drones ou des catapultes".

"La drogue arrive de partout"

Des faits possibles en raison d'une particularité propre à la maison d'arrêt de Besançon. En effet, cette dernière est située dans le quartier de la Butte, à proximité d'habitations. "Et ça nous pose pas mal de soucis" reprend Christophe Hautefaille, de FO. "Nous ne pouvons pas mettre de brouilleurs de téléphone, car cela impacterait les Bisontins qui habitent aux abords de la prison. Les caïds continuent leur trafic comme avant, et, comme beaucoup de nos détenus sont toxicomanes, la demande est aussi importante".

Comment inverser la tendance ? À entendre le personnel de la maison d'arrêt, des mesures ont été mises en place pour lutter contre le trafic de stupéfiants. Mais celles-ci se heurtent à un manque de moyens, à une population carcérale en explosion, et, à l'opposé, à un nombre de surveillants trop faibles.

Tous les jours, nous organisons des fouilles et des rondes extérieures et intérieures. Mais que voulez-vous faire ? Il y a 434 détenus, pour 272 places, et seulement 91 surveillants. Sans compter l'absentéisme important. On est impuissants, c'est tout.

Christophe Hautefaille,

responsable FO et responsable de la sécurité à la maison d'arrêt de Besançon

"On effectue des palpations tous les jours, mais la drogue est facilement dissimulable" rajoute Christophe Hautefaille. "Et les fouilles au corps complètes, où le détenu se déshabille complètement, nous prennent du temps, et beaucoup de personnel, que l'on n'a pas. Résultat, la drogue circule, et ce qu'on intercepte représente une goutte d'eau".

170 g de cannabis saisis au parloir, sur un visiteur

À cela s'ajoute un besoin d'investissement grandissant. "La drogue arrive de partout. Les filets anti-projections de colis ne sont aujourd'hui plus efficaces" confie Christophe Vernerey. "Et cela coûterait cher de les changer. La même chose au parloir, où les portiques de sécurité ne détectent pas la drogue. La dernière fois, on a quand même trouvé 170 g de résine de cannabis sur un visiteur". Une saisie possible grâce à la présence exceptionnelle d'un chien policier. Or, aucun animal n'est présent en temps normal à la maison d'arrêt. 

Pour Christophe Hautefaille, c'est simple, "la maison d'arrêt n'est plus adaptée à la réalité carcérale actuelle". Le bâtiment date en effet du XIXe siècle et "sa réorganisation coûterait un budget colossal". "On a déjà pensé à modifier la cour de promenade. Il faudrait des salles de cours, de sport, pour la réinsertion. Et puis des addictologues, des psychologues pour les détenus" estime le représentant Force ouvrière. "Sinon, on sera toujours dans la réaction, et jamais dans l'action". 

Un véritable cri d'alarme. Avec le risque, s'il n'est pas entendu, que d'autres drames similaires surviennent. "Dans l'incident du 30 décembre, nos collègues ont fait tout ce qu'ils ont pu. On ne peut pas les accuser de négligence" conclut Christophe Hautefaille. "Mais on se heurte à nos limites actuelles". Pour que le personnel "arrête d'être spectateur", il y a urgence. Contactée, la direction interrégionale des services pénitentiaires Grand-Centre - Dijon, dont dépend la maison d'arrêt de Besançon, n'était pas joignable.

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