Nicolas Zepeda accusé d'avoir assassiné Narumi Kurosaki : 5 points pour comprendre le procès qui s'ouvre à Besançon

Le procès du Chilien Nicolas Zepeda, soupçonné d'avoir tué son ex-petite amie japonaise Narumi Kurosaki entre le 4 et le 5 décembre 2016 à Besançon, s'ouvre le 29 mars. Il doit durer 11 jours. On fait le point sur cette affaire avant un procès hors du commun.

Le procès qui s'ouvre à Besançon dans quelques jours est hors norme à plusieurs titres : par sa dimension internationale entre la France, le Chili et le Japon ; parce que le corps de la victime Narumi Kurosaki n'a jamais été retrouvé et parce que le suspect nie les faits en bloc malgré des éléments accablants qui pointent tous dans sa direction.

1. Rappel des faits 

Le début de l'affaire remonte à décembre 2016. Après plusieurs jours d'absence, le CLA (centre de linguistique appliquée), dans lequel elle suivait des cours de Français depuis trois mois dans le but d'intégrer la faculté de Lettres de Besançon, signale la disparition de Narumi Kurosaki, ressortissante japonaise âgée de 21 ans. 

Pourquoi l'étudiante ne donne plus aucun signe de vie ? Lui est-il arrivé quelque chose dans la nuit du 4 au 5 décembre ? Le mystère demeure plusieurs semaines sans que personne ne retrouve la trace de la jeune étudiante... jusqu'au 30 décembre 2016. Le nom d'un suspect est alors annoncé dans la presse. Les enquêteurs soupçonnent un jeune Chilien du nom de Nicolas Zepeda, présenté comme l'ex-petit ami de Narumi Kurosaki, de l'avoir tuée et d'avoir fait le déplacement à Besançon depuis le Chili dans ce but précis. 

2. Qui est l'accusé Nicolas Zepeda ?

Nicolas Humberto Zepeda Contreras, de son nom complet, est le fils d'un des cadres du géant des télécoms Movistar. Sa mère, Ana Luz, est la secrétaire d’un sénateur chilien. La famille est aisée et dispose de plusieurs propriétés au Chili.

Agé de 31 ans, il est jugé en ce mois d'avril 2022 après avoir été extradé du Chili, à la suite d'une très longue enquête menée par le parquet de Besançon. Il est soupçonné de meurtre avec préméditation, c'est à dire d'assassinat, et dissimulation de corps.

"Très intelligent, sociable, mais possessif'. C'est comme ça que le décrivent des proches interrogés par la justice. Juste après sa relation avec Narumi, il a effectué un séjour en clinique spécialisée dans les troubles du comportement. "J’étais en couple avec Narumi pendant 19 mois et 16 jours, du samedi 21 février 2015 au 6 octobre" a annoncé très précisément Nicolas Zepeda aux policiers chiliens, le 30 décembre 2016. Cette précision prouve à quel point la relation qu'il entretenait avec la victime était importante à ses yeux.

Il est le seul suspect dans cette affaire. Il est le dernier à avoir vu Narumi dans la chambre 106 de la cité universitaire de Besançon, cette même chambre de laquelle ont été entendus des cris le soir de la disparition, selon plusieurs témoins.

Actuellement incarcéré à la prison de Besançon, Nicolas Zepeda sera défendu par Me Jacqueline Laffont, assistée de Me Julie Benedetti. Jacqueline Laffont est une pénaliste de renom. "Avec son mari, Pierre Haïk, elle a fondé l’un des cabinets d’avocats les plus puissants, spécialisé dans les affaires politico-financières (les emplois fictifs de la mairie de Paris, Bettencourt, Elf…)" précisent nos confrères des Jours.fr. Elle a défendu Nicolas Sarkozy, Alfred Sirven dans l’affaire Elf, Charles Pasqua dans l’affaire « pétrole contre nourriture », Jean-Marie Messier dans l’affaire Vivendi ou encore le gestionnaire de fortune Patrice de Maistre dans l’affaire Bettencourt.

"Qui est Nicolas Zepeda ?", revoir le récit vidéo de notre journaliste Emmanuel Rivallain :  

3. Qui était la victime Narumi Kurosaki ?

Née le 23 juillet 1995 à Tokyo, Narumi Kurosaki était une étudiante brillante. Elle et Nicolas Zepeda se sont rencontrés en octobre 2014, au Japon, alors que Nicolas Zepeda effectuait des études là-bas. Ils ne se fréquentent qu’en 2015. 

La jeune japonaise a été vue pour la dernière fois le 4 décembre 2016. Un jeune homme, Arthur Del Piccolo, dont parlent les sms échangés entre les deux ex Narumi et Nicolas, est alors son petit ami depuis octobre 2016.

► À lire aussi : VIDÉO. “Seul Nicolas Zepeda détient les réponses” selon les avocats des proches de Narumi

Cela exaspère terriblement Nicolas Zepeda qui se rend en France, et selon plusieurs témoins, se cache plusieurs jours à Besançon avant d'entrer en contact avec Narumi Kurosaki. À 3h20 du matin, après un repas au restaurant à Ornans, des cris sont entendus provenant de l'étage où habite la jeune victime. "On dirait que quelqu’un est en train de se faire assassiner" écrit une étudiante anglaise qui réside au même étage que Narumi, via un sms transmis à un ami à 3h21 précises. Plusieurs jeunes sortent sur le palier et disent avoir entendu des bruits "étouffés".

Malheureusement, personne ne prévient la police. 

4. Les éléments qui accablent l'accusé

Le procureur de la République Etienne Manteaux s'exprime le jeudi 10 octobre 2020 depuis Besançon pour lever le voile sur les éléments ayant poussé les autorités françaises à réclamer l'extradition de Nicolas Zepeda. Plusieurs éléments accablent le suspect (relire notre article complet).

"Je voulais te marier, je voulais avoir une maison, une famille" écrit Nicolas Zepeda à Narumi Kurosaki, dans l'un des 980 messages échangés entre les deux protagonistes et analysés par les enquêteurs. Ses messages démontrent peu à peu une envie de vengeance de la part du Chilien. "Elle doit payer un petit coup pour ce qu’elle a fait. Assumer cela" dit-t-il dans une vidéo en date du 7 septembre 2016.

Dans l'appartement de Narumi Kurosaki, les enquêteurs retrouvent sur une tasse à café les empreintes digitales de Nicolas Zepeda. Aucune trace de sang, malgré l'utilisation d'un produit réactif qui permet même en cas de lavage de révéler une trace de sang, n'a été dévoilée.

La voiture de location conduite par Nicolas Zepeda le soir de la disparition est rentrée très sale "comme s'il était allé dans les bois". De plus, dans les jours qui suivent son arrivée en France, il fait l’acquisition de cinq litres de produit inflammable, d’allumettes et d’un pulvérisateur de détergent. 

Des sms échangés avec l'un des cousins de l'accusé interpellent également les enquêteurs. Ce cousin recevra un premier appel de Nicolas Zepeda le 6 décembre 2016. Il demande alors au suspect des nouvelles de Narumi Kurosaki. Ce à quoi Zepeda répond qu'il n'a pas vu la jeune femme et qu'il est désormais très amoureux d'une autre, une Allemande. Le Chilien demande également à son cousin de taire sa venue en Europe, prétextant des problèmes familiaux, notamment avec son père. "La famille doit s’entraider en ces moments compliqués" va jusqu'à dire Nicolas Zepeda à son cousin, qui y voit là une forme de menace s'il ose coopérer avec les enquêteurs. "Elle aimait beaucoup la mer" lâche également Nicolas Zepeda, comme le rapporte son cousin, qui a remarqué le temps employé pour cette formule : l'imparfait.

Le téléphone de Narumi reste quelques jours actif, tout comme ses profils sur les réseaux sociaux, bien que personne n'atteste l'avoir vue et qu'elle ne se soit pas rendue en cours après sa disparition. Le téléphone de la jeune fille affiche un sms inquiet d'Arthur, son petit ami, le 5 décembre, lendemain de sa disparition. "Tu me mets trop la pression" reçoit en réponse Arthur, qui ne comprend pas ce revirement de situation. La famille de Narumi reçoit également un sms, dans un japonais parfait. "Une étudiante japonaise, entendue par la police judiciaire japonaise, qui connaissait Nicolas Zepeda mais qui ne connaissait pas Narumi Kurosaki, a expliqué avoir reçu un message de Nicolas lui demandant de traduire deux phrases en japonais : « J’ai un nouveau petit ami » et « Je pars toute seule »." Le 15 décembre, Nicolas Zepeda demande avec beaucoup d'insistance à cette jeune japonaise de supprimer les échanges concernant cette demande de traduction.

5. Comment va se dérouler le procès ?

Le procès qui s'ouvre le 29 mars à Besançon est hors norme. Il sera traduit en trois langues, pour permettre à l'accusé (dont la langue natale est l'espagnol) ainsi qu'aux parties civiles composées de la famille de Narumi Kurosaki (dont la langue est la japonais) de suivre les débats. 

Au total, 5 personnes se sont constituées parties civiles. Koji, Honami et Kurumi Kurosaki ainsi que Taeko Akiyama, les proches de la victime sont représentés par Me Sylvie Gallet. Arthur Del Piccolo, petit ami de la victime au moment de sa disparition, est quant à lui assisté par Me Randall Schwerdorffer.

Les débats seront oraux et publics. Des jurés seront désignés comme dans tout procès d'assises.

Le procès devrait être particulièrement suivi par la presse locale, nationale mais aussi chilienne et japonaise. Plusieurs dizaines de médias seront présents. Un dispositif spécial a donc été mis en place au tribunal judiciaire de Besançon, avec l'ouverture de deux salles de retransmission.

Onze jours de procès sont prévus, rythmés par des interrogatoires d'experts, de témoins, l'étude de personnalité de l'accusé mais aussi plusieurs temps pour que la cour l'interroge.

La vérité éclatera-t-elle enfin, apaisant de ce fait un peu la famille de Narumi Kurosaki ? Nicolas Zepeda, dont le silence puis les brèves explications ont été jugés "peu convaincants" et qui nie toujours avoir assassiné Narumi Kurosaki, encourt la réclusion criminelle à perpétuité aux Assises du Doubs. Malgré d'importantes recherches menées par la police judiciaire, le corps de la victime n'a jamais été retrouvé.

>> Découvrez tous nos articles au sujet de la disparition de Narumi Kurosaki.

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