"On touche le fond" : après le remaniement ministériel, l'Éducation nationale sous le choc en Franche-Comté

Jeudi 11 janvier 2024, le Premier ministre Gabriel Attal a annoncé la composition de son premier gouvernement. Le ministère de l'Éducation nationale disparaît au profit d'un "super-ministère" de l'Éducation nationale, des Sports, de la Jeunesse et des Jeux Olympiques, dirigé par Amélie Oudéa-Castéra. Une décision qui, en Franche-Comté, révolte les professeurs et syndicats de l'Éducation nationale.

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"Le matin, vous avez un ministère à temps plein, doté d'un des plus gros budgets de l'État. Et quelques heures plus tard, vous êtes passés à la trappe". Lorsqu'on évoque avec lui le remaniement ministériel survenu jeudi 11 janvier 2024, Olivier Coulon, professeur de Lettres et d'histoire au lycée Condé (Besançon), et secrétaire académique CGT Educ'Action du Doubs, a le cœur lourd.

Depuis quelques heures, sa nouvelle ministre de tutelle s'appelle Amélie Oudéa-Castéra, ministre des Sports et de la jeunesse depuis 2022, à la tête d'un "super ministère" regroupant l'Éducation nationale, les Sports, la Jeunesse et les Jeux Olympiques et Paralympiques. Un "empilement" des fonctions "gênant" pour Olivier Coulon, qui marque "le mépris du gouvernement" pour "l'Éducation nationale", pourtant censée être "une grande cause nationale" des quinquennats d'Emmanuel Macron.

"On sait qu'on ne va pas être la priorité"

Dans sa voix, de la colère. Et de l'inquiétude. Sentiments partagés par l'ensemble des professionnels interrogés par France 3 Franche-Comté. "L'éducation, qui représente un chantier considérable, en plus des sports en une année olympique... Impossible de tout faire" assène Amélie Lapprand, secrétaire du syndicat d'enseignants SNUIPP-FSU du Doubs. "On craint que les Jeux olympiques prennent le dessus sur l'éducation, évidemment. On sait qu'on ne va pas être la priorité. Et l'école ne peut pas attendre que les JO soient passés : les chantiers sont multiples et les besoins, énormes". 

Il y a eu 102 alertes sociales déposées dans toute la France pour montrer l'urgence en termes d’inclusion des élèves, en termes de recrutement de personnel, sur les conditions de travail, la rémunération, etc. Le signe qui est donné par ce remaniement est loin d'être positif. On est loin d'une écoute et d'une prise de conscience de l'état de l'Education nationale dans le pays.

 Amélie Lapprand,

secrétaire du syndicat d'enseignants SNUIPP-FSU du Doubs

Nathalie Faivre, professeur d'allemand au lycée Victor-Hugo (Besançon) et secrétaire académique du syndicat SNES-FSU dans le Doubs va même plus loin : "une institution en crise ne peut se satisfaire d'une ministre à mi-temps, mobilisée par d'autres missions extérieures". "On ne se rend pas compte du message renvoyé par la suppression de notre ministère à temps plein aux collègues et futurs enseignants" continue-t-elle. "On ne se sent pas considéré, alors que nous sortons déjà les rames".

Ministre ? Premier Ministre ? Président ? Qui sera le réel interlocuteur ?

Exemple dans la salle des professeurs du lycée Jean-Michel, à Lons-le-Saunier (Jura). "Tout le monde était consterné" explique Laure Flamand, professeur d'histoire-géographie dans l'établissement et cosecrétaire départemental SNES-FSU. "On ne s'attendait à rien avec ce remaniement, beaucoup d'entre nous ne l'ont même pas suivi. Mais là, on est quand même déçu. On nous a mis une ministre sans aucune connaissance des dossiers nous concernant. C'est la poupée de chiffon du Président et du Premier ministre".

Voilà une autre inquiétude du corps enseignant. Face à une nouvelle ministre de tutelle, mais également un Président de la République qui a fait de l'éducation "une mission personnelle" et un Premier ministre, Gabriel Attal, qui a annoncé "garder quelques prérogatives sur l'école", qui sera le capitaine d'un bateau qui tangue ? "On ne sait pas. Où devrons-nous faire remonter nos doléances ?" s'interroge Amélie Lapprand. "Rue de Grenelle ? À Matignon ? Ou directement à l'Élysée ? C'est le flou complet".

Macron et Attal vont continuer leur politique de destruction de l'Éducation nationale, de suppression de postes, pour qu'on devienne petit à petit une école libérale. Il n'y aura pas de "politique" Oudéa-Castéra à l'enseignement. C'est une façade.

Nathalie Faivre,

secrétaire académique du syndicat SNES-FSU dans le Doubs

"On en est à notre 4ᵉ ministre" soupire Olivier Coulon, de la CGT Educ'action du Doubs. "On a une instabilité chronique, on fait du "bougisme" pour prouver qu'on agit. Or, en pédagogie, c'est l'inverse, on change les choses de manière lente, en observation, sur le temps long. Après ce remaniement, au contraire, on touche le fond".

Une grève prévue le 1ᵉʳ février

Le mot de la fin pour Laure Flamand, du SNES-FSU. "Le dossier de l'éducation en France est brûlant, il y urgence !" s'inquiète-t-elle. "On nous fait miroiter des discours sur le "choc des savoirs" ou "l'importance de l'école". Mais ce ne sont que des éléments de langages. Résultat, les retraités sont contents de partir et les nouvelles recrues jettent l'éponge au bout de quelques années".

Pour dénoncer une "éducation en danger", de nombreux syndicats enseignants avaient appelé, depuis quelques semaines, à la grève générale le 1ᵉʳ février prochain. "On avait déjà 1 000 sujets d'inquiétudes" conclut Amélie Lapprand. "Je pense que la profession trouvera dans ce remaniement une nouvelle raison de rester mobilisé".

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