Témoignage. “Ça explique enfin toutes ces périodes de souffrance” Marie, Franc-Comtoise atteinte de troubles bipolaires

Publié le Écrit par Sarah Rebouh
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Le 30 mars est la journée mondiale des troubles bipolaires. Pour l’occasion, France 3 Franche-Comté donne la parole à une Franc-Comtoise atteinte par ces troubles peu connus du grand public. Pourtant, ils pourraient toucher 1 à 5% de la population française, selon l’OMS.

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“C’est lors de ma seconde phase maniaque, à l’âge de 34 ans, que ma mère m’a emmené à l’hôpital psychiatrique et que le diagnostic est tombé.” Marie*, 37 ans, originaire de Besançon, a découvert qu’elle était bipolaire après une phase maniaque particulièrement intense. Des phases comme celle-là, elle en avait déjà vécu une mais depuis ses 18 ans, elle avait surtout traversé plusieurs épisodes dépressifs. “Une dizaine, je dirais” détaille-t-elle. 

En phase maniaque, on se sent tout puissant, rayonnant, rien n'est impossible. Notre cerveau tourne à mille à l'heure. On ne dort que quelques heures par nuit et on est quand même en forme. C'est un peu comme si le cerveau produisait une puissante drogue en permanence. On dépense plein de sous, on a un succès fou…

Marie*, atteinte de troubles bipolaires

C’est l’une des amies de Marie*, très inquiète, qui finit par prévenir sa mère en mai 2017, voyant que la Bisontine ne donnait plus de nouvelles, rejetait ses amis proches, dépensait beaucoup d’argent et n’était visiblement pas dans son état normal.

“Quand ma mère, prévenue par mes meilleures amies, est venue pour me faire interner à l'hôpital psychiatrique, cela m'a fait rire. Ce qui est caractéristique de la phase maniaque, c'est de fait le manque de lucidité” détaille Marie*, qui nous explique que la bipolarité, ou plus généralement les troubles bipolaires (anciennement appelée maladie maniaco-dépressive), relèvent d’une maladie mentale sévère caractérisée par une alternance exagérée de périodes dépressives (basses) et maniaques (hautes). Ces troubles, qui apparaissent le plus souvent entre 15 et 25 ans, sont favorisés par des facteurs génétiques et biologiques. “Au final, quand ma mère m'a regardé dans les yeux pour me dire "il le faut" je l'ai cru” poursuit-elle.

En phase dépressive, Marie* change littéralement d’énergie. Tout devient lourd à porter et anxiogène. “En phase dépressive, on se sent minable, moche. On pense que notre vie n'a aucun sens. Tout est source d'angoisse. On reste au lit toute la journée à regarder le plafond. La souffrance ressentie est indicible. On est comme écrasé, désespéré. Cela va bien au-delà d'une simple tristesse” précise la native de Franche-Comté, qui ne vit désormais plus dans la région. 

Elle se souvient de son séjour en hôpital psychiatrique comme quelque chose de très difficile mais qui lui aura permis de mettre un mot sur sa maladie. Son internement débute en mai 2017. Marie* est alors prise en charge au Centre Hospitalier Le Vinatier à Lyon. "En phase haute, je n’avais pas le droit de manger avec les autres patients, pas le droit aux visites. Il n’y avait quasi aucune prise en charge, seulement voir le psychiatre deux fois par semaine moins de 30 minutes. Lors de ma seconde hospitalisation en phase basse (3 semaines après ma sortie) qui a duré 2 mois, cela a été bien pire” se rappelle-t-elle.

Et de préciser : “J’ai dormi sur une chauffeuse dans un couloir des urgences. On m’a mis dans un service transitoire pendant 10 jours à 3 femmes dans une chambre sans aucune intimité. J’étais assommée par les anxiolytiques mais les infirmiers me reprochaient mon apathie et ma négligence apparente. Il n’y avait strictement rien à faire, les journées de souffrance étaient interminables.”

Tout se passe comme si le personnel soignant (sauf rares exceptions) n’avait pas de formation, et, même, et j’en suis désolée, pas d’empathie. J’ai vu une mamie rester au sol sans être relevée à plusieurs reprises. J’ai vu des choses qui font vraiment froid dans le dos.

Marie*, atteinte de troubles bipolaires

Malgré le traumatisme, la Franc-Comtoise réussit néanmoins à tirer du positif de son hospitalisation. “Cela a permis mon diagnostic, enfin, et c’est pour moi bénéfique. Cela explique enfin toutes ces périodes de souffrance. Mais le prix en a été très cher” détaille-t-elle. Pour Marie*, l’hôpital psychiatrique a été bénéfique mais elle n’oublie pas que c’est grâce à “une famille et des amis extra, un métier [qu’elle] aime, une bonne situation” qu’elle a pu s’en sortir de la sorte. “Mais quid des autres ? Je pense sincèrement que l’HP les achève au reste” s’interroge-t-elle. 

Désormais, Marie* vit sous traitement (antidépresseurs et thymorégulateur). Elle est suivie par un psychiatre avec lequel elle mène un travail salvateur. Pourtant, sa maladie chronique reste un combat de tous les jours. Elle le sait et demeure déterminée à prendre soin d’elle, se soumettant régulièrement à une batterie d’examens afin de trouver les traitements les plus adaptés. Après avoir d’abord été réticente à témoigner, elle a fini par accepter de manière anonyme, notamment pour “adresser un message d’espoir”

De bons psychiatres existent, des traitements existent. Le seul fait de connaître sa maladie permet d’aller mieux. Je ne cache pas que cela peut parfois être difficile mais on peut avoir une vie normale et même une belle vie en étant bipolaire. Je vais pour ma part très bien depuis 3 ans et demi et je suis confiante pour que cela dure.

Marie*, atteinte de troubles bipolaires

Une association en Franche-Comté

La journée mondiale des troubles bipolaires, qui a lieu chaque année le 30 mars, a pour but de lutter contre la stigmatisation et d’informer la population sur cette maladie.

En Franche-Comté, une association offre une aide et un soutien aux personnes souffrant d'un trouble bipolaire ou à leurs proches. Fondée en 2018, Argos 2001 Franche-Comté propose un espace d’échanges et de réflexion autour de la bipolarité et organise des groupes de parole et des ateliers sur la maladie. “Il y a des représentations de la maladie qui peuvent être erronées en France. Certains pensent que les bipolaires sont un jour gentil, un jour méchant. Ce n’est pas ça du tout. Aux Etats-Unis, c’est beaucoup moins difficile, car des personnalités publiques ont fait leur coming-out bipolaire” explique Gilles Lorimier, créateur de la branche franc-comtoise de l’association Argos 2001.

En effet, de plus en plus de gens osent dire qu’ils sont atteints de troubles bipolaires et cela aide à briser les tabous encore trop nombreux autour de cette maladie. Parmi les bipolaires connus, on peut citer Friedrich Nietzsche, philosophe, Gustave Courbet, peintre franc-comtois, Robert Schumann, compositeur allemand, Nina Simone, chanteuse américaine, Abraham Lincoln, ancien président des USA, ou encore plus récemment : Kurt Cobain, chanteur et musicien du groupe Nirvana, Eminem, rappeur, producteur et acteur américain ou encore Catherine Zeta-Jones, actrice et Robin Williams, acteur et humoriste. 

Parler de ces troubles publiquement et plus librement doit permettre d’aider tous les autres et plus particulièrement les nombreuses personnes isolées, souffrant de manière totalement anonyme de cette maladie extrêmement handicapante. 

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