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Thomas* et Alexandre* s'aiment. Agressé violemment il y a plusieurs mois à Besançon (Doubs), le couple témoigne à la veille de la journée internationale de lutte contre l'homophobie. L'amour au masculin heurte encore. L'homophobie reste présente dans le quotidien de nombre d'homosexuel(le)s.
nom féminin : Rejet de l'homosexualité, hostilité systématique à l'égard des homosexuels.Homophobie
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Thomas* et Alexandre* ne sont pas leurs vrais prénoms. Vous ne verrez pas le visage de ce jeune couple d'une vingtaine d'années. Pour respecter leur anonymat et leur sécurité.
L'homophobie a fait une entrée inattendue, violente dans leurs vies. Le 15 octobre 2018 à Besançon, les deux hommes se tenaient la main près d'un arrêt de bus à Besançon. Un groupe de jeunes les a encerclé. Il s'en est suivi une pluie de coups et d'insultes homophobes. Puis le sang, le choc, le transport à l'hôpital. Les deux hommes évoquent encore à demi-mot ce traumatisme toujours présent.
Thomas et Alexandre évitent désormais de se déplacer ensemble dans le quartier populaire où s'est déroulée leur agression. Les auteurs présumés des coups, des mineurs ont été identifiés. L'instruction est en cours.
Les gens nous regardent parce qu'on est gays
Pour ce jeune couple de Franche-Comté, les regards, les injures ne sont pas spécifiques à leur petite ville du Doubs. "L’homophobie, c’est quelque chose de quotidien. Il y a de l’homophobie banale comme les insultes. « PD » ou d’autres choses comme ça, on en entend souvent à Besançon ou dans d’autres villes. Quand on marche dans la rue, il y a forcément des gens qui nous regardent. Pour différentes raisons, la manière de s’habiller, le faciès, la démarche. Si on va en centre-ville se tenir la main, il y a des regards plus évocateurs. Les gens nous regardent parce qu’on est gays. Ils nous regardent de façon insistante, ils ne détournent pas le regard. Les gens sont bloqués des fois sur ces choses-là" explique Thomas qui a fini par s'habituer à ces remarques, ces regards.
Parler est une évidence pour Thomas et Alexandre. Parler plutôt que de laisser faire. Parler, témoigner ne serait ce que pour faire prendre conscience à une poignée de personnes que leur amour aussi a droit au respect, a droit au grand jour. Parler pour inciter aussi les victimes à dénoncer ces agressions homophobes.
Quand on est homosexuel, dès qu’on se montre, dès qu’on s’expose, on peut très rapidement avoir des soucis.
Le 17 mai sera partout une nouvelle fois dans le monde journée internationale de lutte contre l'homophobie. Selon une étude publiée en juin 2018 en France 53 % des personnes LGBT ont déjà été confrontés à au moins une forme d’agression homophobe. 49% des homosexuels ont déjà fait l’objet d’insultes ou d’injures homophobes. 17 % des personnes LGTB ont été victimes de violences physiques.
A Besançon, d'autres agressions d'homosexuels ont eu lieu l'été 2018 dans un parc du centre ville. Les auteurs présumés ont été identifiés. Certains étaient mineurs.
Comment faire pour qu'en 2019, les préjugés tombent ? Comment faire pour que l'acceptation d'une sexualité différente de l'héterosexualité se fasse ? Pour Alexandre, tout passe par l'éducation. "Les jeunes générations d'aujourd'hui doivent comprendre que l'homosexualité existe, qu'elle ne doit pas être rejetée. L’homosexualité ça ne date pas d’aujourd’hui, c’est extrêmement vieux. Il faut apprendre aux jeunes générations ce que c’est. Apprendre à respecter l’homosexualité comme on a appris à respecter les ethnies de chacun... Ce n’est pas normal de se faire taper dessus dans la rue juste parce qu’on aime quelqu’un. C’est un crime contre une personne déjà, c’est un crime contre l’amour. Et l’amour c’est fait pour rassembler, pas pour détruire ou pour frapper" estime Alexandre.
A Alexandre, on a souvent dit maladroitement : "changes, tu n'as qu'à essayer avec une fille !". "Quand on me dit tu es différent, je ne suis pas d’accord avec ça. Une orientation sexuelle c’est n’est pas quelque chose qu’on choisit. C’est comme naître noir ou blanc ou jaune. C’est quelque chose qu’on ne peut pas changer" nous confie-t-il sur un banc des bords du Doubs.
Les gens tu leur dis que tu es homosexuel, c’est fini. Tu es homosexuel. Point.
"Il y a de gros stéréotypes sur les homosexuels, comme pour de nombreuses choses, sur les noirs, les Asiatiques, ou les Français. "Quand on dit je suis homosexuel, c’est comme si on avait une « gay box ». Du coup on me dit « tu es comme ça ». Mais non pas du tout. J’aime les garçons ok, mais je suis une personne à part entière. Il n’y a pas que ça" regrette le jeune Bisontin qui évite désormais certains quartiers de sa ville.
L'éducation religieuse, quelle qu'elle soit doit prôner plus que jamais la tolérance estime le couple. "Quand tu dis que tu es homosexuel, on te fait bien comprendre que ce n'est pas tout à fait le droit chemin, et qu'on va t'aimer quand même... "regrette Alexandre qui précise que l'homosexualité existe depuis l'Antiquité.
L'homophobie en hausse depuis les manifs contre "le mariage pour tous"
Stéphanie Barbot, présidente de l'association LGBT Besançon constate que les hommes sont victimes d'actes homophobes, plus que les femmes. Le rejet de l'homosexualité est encore là. Plusieurs explications sont avancées. "On ne fait que constater l'augmentation des agressions depuis les manifs contre le mariage pour tous. D'autre part, la parole s'est libérée avec les réseaux sociaux. Et puis on a les prises de positions ouvertement homophobes et transphobes de certains politiciens aux USA, Brésil, Russie..." estime la jeune femme. "On peut également reprocher aux politiciens de ne pas voter aussi rapidement des lois en faveur des LGBT (mariage, PMA) que des lois sur d'autres sujets" ajoute la Bisontine.
Selon Stéphanie Barbot, l'acceptation de l'homosexualité a du mal à se faire aujourd'hui parmi les plus jeunes. Heureusement, des choses avancent. "La justice commence depuis peu à reconnaître le caractère homophobes des agressions et prévoit de renforcer la prévention" conclut-elle. La Dilcra (Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme) s'appelle depuis l'automne dernier Dilcrah avec un H comme homophobe. L’organisme gouvernemental est désormais chargé de lutter contre la haine anti-LGBT.
A Besançon, le 17 mai, une marche militante partira à 14 heures du parc Micaud, l'un des lieux où des homosexuels ont été agressés ces derniers mois.
Victimes d'homophobie, d'insultes, agressions : comment vous défendre ?
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Sos Homophobie reçoit les appels au 01.48.06.42.41
Violences, délits, et peines plus lourdes pour les auteurs d'agression homophobe
L'homophobie, et au sens plus large, les LGTBphobies sont reconnues commes des facteurs aggravants par la justice française. Les peines encourues en cas d'agressions, violences à caractère homophobes sont beaucoup plus lourdes. Il est nécessaire de porter plainte après une agression.