Témoignage. "On m'a souvent dit que j'étais bête" : Clara, atteinte de troubles Dys, raconte son quotidien

Publié le Écrit par Mélanie Philips
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Cette semaine met à l'honneur les troubles Dys, comme la dyslexie, la dysorthographie, la dyscalculie... Clara a six ans quand on lui diagnostique ses premiers troubles. Si son parcours scolaire a été marqué par des humiliations, elle est aujourd'hui fière d'elle. Retrouvez son témoignage.

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Clara a six ans quand on lui pose le premier diagnostic de la dyslexie et de la dysorthographie. Et s'il a été simple à poser, c’est parce que son grand-frère souffre, lui aussi, de troubles dys. Si elle est atteinte de dyslexie, dysorthographie, dyscalculie et dysgraphie, cela ne l’a pas empêché de faire cinq ans d’études. Aujourd’hui, la jeune femme, originaire de Besançon (Doubs) est responsable d’actions culturelles dans un théâtre.

"C'est comme si tout était en brouillard dans ma tête"

Cinq ans d’études supérieures, ce n’est pas forcément commun pour un dys”, commente Clara, âgée de 29 ans. Pourtant, toutes ces années n’ont pas toujours été une partie de plaisir. Pour Clara, l’apprentissage de l’écriture a été très difficile. “Je confondais les consonnes et les voyelles, je mélangeais les ‘b’ et ‘p’ et les ‘m’ et ‘n’. Je ne comprenais pas, j'avais un souci d'apprentissage. Jusqu'à tard, j'ai mal écrit et c'était difficile de me comprendre”, se souvient-elle.

Pour compenser, Clara redoublait d’effort pour avoir une belle écriture. “Comme je ne savais pas écrire, je me concentrais pour avoir une belle écriture”. Mais l’écriture n’était pas son seul combat. La lecture lui faisait bien des misères. “Je n’arrive pas à remettre les lettres dans l'ordre, je n'arrive pas à visualiser les mots… Tout prend plus de temps, je peux buter longtemps sur un mot, explique-t-elle. Du coup, j’ai des problèmes dans l’apprentissage."

Je ne comprends pas ce qui a l'air évident pour tout le monde. C'est comme si tout était en brouillard dans ma tête.

Clara, 29, souffrant de troubles dys

Grâce à dix années d’orthophoniste, Clara estime avoir rattrapé la moyenne concernant la lecture. 

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"J’avais des - 40 en dictée"

Comme on peut s’en douter, ces difficultés sont de réels obstacles dans un parcours scolaire classique. Si aujourd’hui Clara travaille dans la culture, pour y arriver, ça n’a pas été simple. En primaire, elle a toujours eu des institutrices très à l'écoute, qui ne l’ont jamais mise en échec malgré le fait qu’elle n’y arrivait pas.

En revanche, l’arrivée au collège marque le début de “l’humiliation”. “J’avais des - 40 en dictée, les profs me faisaient aller au tableau écrire des mots que je n’étais pas capable d’écrire… C’était très humiliant" raconte-t-elle. "Le système n’était pas adapté, il n’est pas fait pour les élèves différents. Parce que je ne pense pas que ce soit être en échec que d’être dys”, se désole Clara, en remuant ces souvenirs.

Une fois arrivée en licence à l’université de Besançon, rien ne s’améliore. Bien au contraire. “J’avais une prof qui ne lisait même pas mes copies… On me disait que je n'étais pas à ma place."

Ils ont refusé de me donner un diplôme, car ce n'était pas possible de travailler dans la culture avec un tel niveau d'orthographe.

Clara, 29 ans, souffrant de troubles dys

Lorsque Clara revient sur son passé, elle admet que le plus difficile, ce qu’elle a toujours mal vécu, ça a été les autres. “On m’a souvent dit que j’étais bête. Les troubles dys remettent souvent l’intelligence en doute, alors que ça n’a rien à voir. On m'a dit que comme j'aimais bien me coiffer et me maquiller, il fallait que j'aille en CAP coiffure.” Des exemples humiliants, Clara en a plein son sac.

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"On est handicapé toute la vie, on arrive juste à s'adapter"

Heureusement pour elle, aujourd’hui, son quotidien est plus doux. Dans la sphère professionnelle de la jeune femme, tout se passe très bien. Patron, collègues, partenaires, tous sont au courant de son handicap. Mais Clara insiste sur le fait que les troubles neurodéveloppementaux ne disparaissent pas. “On est handicapé toute la vie, on arrive juste à s'adapter”, souligne celle qui a adopté de nombreuses stratégies d’évitement.

Même si son entourage est au courant, elle explique tout faire pour que ses troubles se voient le moins possible. Son employeur lui a acheté un logiciel de correcteur orthographique qui permet de supprimer beaucoup de fautes. “Mais il faut beaucoup me relire, car parfois les fautes sont si grosses qu’il ne comprend pas.” Si pour les mails, Clara ne se fait pas relire, pour les documents importants, ses collègues jettent systématiquement un œil. Le contraste avec les années d’études est grand et elle l’explique par le fait que “le monde de la culture est plus ouvert”. 

"Ce n’est pas parce qu’on ne le voit pas, que le handicap n’existe pas”

Malgré tout, il y a des mots qui mettent encore Clara en difficultés. Par conséquent, elle ne les utilise pas. “Je fais des contours de phrases pour les éviter.” Elle rencontre aussi des problèmes pour écrire les chiffres. “Alors les chèques pour moi, c’est l’enfer”, dit-elle en riant, avant de détailler. “ Comme je ne sais pas les écrire, je regarde sur internet avant, pour ne pas être en difficulté à la banque”. 

À 29 ans, Clara apprend encore à vivre avec ses troubles, mais elle est déjà très fière du chemin qu’elle a parcouru, malgré son handicap. “Ce n’est pas parce qu’on ne le voit pas, que le handicap n’existe pas” conclut-elle. "Et j'espère que mes anciens professeurs tomberont sur cet article".

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