Les citoyens suisses sont invités ce dimanche 26 septembre à s’exprimer par référendum sur le principe du mariage pour tous. La Suisse est l’un des rares pays en Europe à n’avoir pas encore autorisé ce dernier. Mariés en France, Eric et Emmanuel espèrent voir enfin leur mariage reconnu de l’autre côté de la frontière, où ils résident.
Ils vivent en Suisse. S’aiment en Suisse du côté de Lausanne. Eric et Emmanuel sont en couple depuis plusieurs années. Ils se sont mariés il y a 5 ans en France, mais leur mariage n’est pas reconnu en Suisse. Alors, le référendum prévu ce dimanche en Suisse est un moment qu’ils attendent.
“Il y a une chose qui est très différente aujourd’hui en Suisse par rapport à la France. Civilement, ici, on n’est pas mariés. En France on l’est, mais en Suisse nous sommes en partenariat enregistré (réservé aux homosexuels qui se mettent en couple, ndlr), ce qui veut dire que dès que nous montrons nos papiers à un policier, un officier d’Etat Civil, une commune, tout de suite, il y a marqué “homosexuel”, alors que cela relève du privé” explique Eric 44 ans.
Si le référendum passe, Eric et Emmanuel, 53 ans, comptent entamer les démarches, pour faire reconnaître leur union des deux côtés de la frontière. “On va profiter du mariage pour tous en Suisse pour refaire la fête, et nous changerons nos papiers” lance ravi Emmanuel.
Pour ce couple français, qui s’est d’abord rencontré sur internet avant de vivre son histoire d’amour, le mariage pour tous en Suisse est une évolution sociétale très attendue. “C’est l’insouciance du choix. On a envie de se marier, on se marie. C’est ça le mariage pour tous. C’est cette capacité à se marier, et de divorcer si on le souhaite. C’est cette liberté-là qui est importante” estime Emmanuel qui espère que toute la société suisse se mobilisera sur le sujet.
Reportage Pauline Coiffard, Guillaume Soudat, Guillaume Bessa
Les mêmes relents qu’en France au moment du mariage pour tous
En Suisse, la campagne des anti-mariages pour tous a été assez violente. Les opposants ont utilisé pour leur campagne des affiches chocs, déplorant la marchandisation de l'enfant et jugeant que "le Mariage pour tous tue le père".
Sur une de leurs affiches, on peut voir un bébé en pleurs, avec une étiquette à l'oreille d'habitude réservée au bétail, avec cette question: "Des bébés sur commande?".
Sur une autre, une énorme tête de zombie, censée représenter un père décédé, fixe les passants. Une école primaire en Valais a décidé de la recouvrir car elle effrayait les enfants.
Comme en 2013 en France, la question du mariage pour tous fait tanguer la société helvétique. “On a retrouvé les mêmes relents en 2021 que ceux qu’on a entendus à l'Assemblée nationale ou dans les médias en France il y a 8 ans. Cela fait ressortir des choses nauséabondes, ce que j'arrive à comprendre, car il y a une frange de la société que ça peut embêter, voire plus que ça” analyse calmement Emmanuel.
Le mariage pour tous arrive tardivement en Suisse
Le texte soumis au référendum prévoit que les couples de même sexe puissent adopter un enfant conjointement. Les couples de femmes pourront recourir au don de sperme, un des points les plus controversés. Les sondages estiment que ce texte sera adopté à une large majorité. Pour le Conseil Fédéral, "tous les couples, doivent avoir les mêmes droits".
La Suisse a un passé assez sombre sur l’homosexualité. Le pays a dépénalisé l'homosexualité en 1942, mais diverses polices municipales ou cantonales disposaient - dans certains cas jusqu'au début des années 1990 - de registres recensant les homosexuels. Thierry Delessert, qui a écrit "Sortons du ghetto. Histoire politique des homosexualités en Suisse, 1950-1990", explique que ces registres étaient tenus au nom du "contrôle de la déviance et de la moralité". Des homosexuels se voyaient ainsi refuser un logement, un travail, sans savoir qu’ils étaient inscrits sur ces registres homophobes.