Un volant rectangulaire, dès 2026 sur un modèle Peugeot et petit à petit étendu à tous les véhicules de la marque. L'innovation du groupe Stellantis, qui fonctionnera grâce à des connexions électroniques, inquiète les syndicats.
Oubliez le circulaire. Chez Peugeot, place au rectangulaire. Le vendredi 24 mai, le constructeur automobile a présenté son prototype de volant rectangle sur le salon parisien de la technologie Vivatech. Et cette nouveauté, qui équipera un premier modèle de voiture dès 2026, est amenée à "signer toutes les futures Peugeot développées par la suite" a indiqué Jérôme Micheron, chef de produit Peugeot, à nos confrères de l'AFP.
Un bouleversement puisque cette technologie, déjà testée auprès de plusieurs clients, viendra remplacer la colonne de direction classique. Celle-ci relie mécaniquement le volant aux roues et laissera donc la place, sur les véhicules Peugeot, à des connexions électroniques qui inquiètent les organisations syndicales du secteur.
"Si, dans un premier temps, ça ne va pas changer grand-chose pour les salariés francs-comtois et français de PSA, on redoute des effets sur le long terme" confie Eric Peultier, secrétaire adjoint du syndicat Force Ouvrière dans le Territoire de Belfort.
On va avoir un beau volant rectangulaire, qui sera sans doute très confortable pour la conduite. Mais au niveau de sa production, cela se passera loin de chez nous.
Eric Peultier,secrétaire adjoint du syndicat Force Ouvrière 90
"On a actuellement des postes dédiés à la fabrication des pièces nécessaires à la fixation des colonnes de direction" continue Eric Peultier. "Avec le remplacement progressif de ces systèmes par les volants électroniques, que vont devenir ces postes ? On craint de nouvelles suppressions".
Si pour l'instant, Peugeot n'a pas laissé filtrer l'identité et la nationalité des entreprises chargées de fournir les composants électroniques et de développer cette technologie, le responsable FO, ancien de PSA, en est certain : "ce ne sera pas en Franche-Comté, et vraisemblablement pas en France, ni en Europe".
Ce cas de figure rejoint le défi général de l'électrique dans l'automobile. On annonce des innovations, mais on n'a pas les compétences nécessaires pour les développer chez nous. Donc, on exporte leur production.
Eric Peultier,secrétaire adjoint du syndicat Force Ouvrière 90
"C'est toujours la difficulté de ces nouvelles technologies" précise Benoît Vernier, délégué syndical central CDFT chez Stellantis. "On sait qu'on ne pourra pas y couper, que l'entreprise a besoin de se renouveler. Mais on n'a aucune garantie que ces nouveaux savoir-faire puissent être assurés en interne, et même en France".
"Stellantis essaye de décentraliser au maximum"
Eric Peultier, lui, va plus loin. "De nouveaux emplois seront détruits en France et en Europe" assure-t-il. "Et ces suppressions de postes ne seront pas compensées". "C'est vrai que si on regarde la politique générale de Stellantis, on va dans ce sens" corrobore Benoît Vernier. "L'entreprise travaille de plus en plus avec des pays à la main-d'œuvre low cost, et essaye de décentraliser au maximum".
C'est encore plus vrai pour les nouvelles technologies : dans ce secteur, Stellantis peut tout simplement dire que ses sous-traitants français n'ont pas les compétences nécessaires.
Benoît Vernier,délégué syndical central CDFT chez Stellantis
Si ces craintes se confirmaient, cela viendrait accentuer le constat la dernière étude de l'INSEE sur l'évolution de la filière automobile en Bourgogne-Franche-Comté entre 2018 et 2022. Un emploi sur cinq a disparu dans le secteur de la construction automobile en Bourgogne-Franche-Comté.
Un secteur automobile qui réclame des investissements
Pour expliquer cette tendance, en plus de la baisse des immatriculations, l'institut soulignait également les effets de la montée en puissance des voitures électriques dans le secteur : "les véhicules électriques nécessitent près de quatre fois moins de pièces en acier, mais d'une plus forte proportion de composants électroniques".
Le cas du volant rectangulaire est donc malgré lui le symbole de la situation compliquée de l'automobile en Franche-Comté, voir en France. Une situation qui ne pourra se résoudre "qu'avec de lourds investissements de l'État et de l'Union européenne pour développer et former aux technologies nécessaires, sur tout notre territoire, tout en protégeant nos emplois" résume Eric Peultier.
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Et le syndicaliste de citer en exemple le cas des anciens bâtiments Stellantis du site de Sochaux, "qu'on détruit actuellement pour reconstruire des locaux qui serviront à de la logistique". "Alors qu'on aurait pu en profiter pour faire attirer des entreprises innovantes sur les lieux" regrette Eric Peultier.
Contacté par France 3 Franche-Comté, le groupe Stellantis n'avait pas encore répondu à nos questions au moment de la publication de notre article.