Dimanche 18 juin, un tilleul centenaire s'est en partie effondré au parc Chamars à Besançon (Doubs). Victime d'un champignon, favorisé par la sécheresse. Le réchauffement climatique fragilise diverses essences d'arbres en les soumettant à des stress répétés. Explications.
Alors même qu'ils sont nos meilleurs alliés pour lutter contre le réchauffement climatique, en absorbant le CO2 et en transpirant l'eau qu'ils contiennent, les arbres de nos forêts et de nos villes sont victimes de cette hausse des températures et des sécheresses à répétition.
"Un arbre qui est soumis à des stress à répétition, comme les fortes chaleurs et le manque d'eau, va s'affaiblir, explique Eike Wilmsmeier, directeur d'Agence Office National des Forêts Nord Franche Comté. À la fin de l'été, il n'aura pas assez produit de sucre par la photosynthèse pour vivre l'hiver et le printemps suivant. Il va donc aborder de nouveaux épisodes de sécheresse, déjà affaibli. Et, comme tout organisme vivant, comme les humains, il aura moins de force pour se défendre contre les parasites, insectes, champignons ou maladies, qui sont naturellement présents. Ceux-ci vont donc en profiter pour proliférer."
Les feuilles, premiers signes de souffrance de l'arbre
Dans un premier temps, pour faire face au manque d'eau, les conifères vont fermer les stomates, les petites ouvertures sur les aiguilles, et les feuillus vont se défendre en "sacrifiant" leurs feuilles. L'élément vital, la sève, devant avant tout circuler dans le tronc et les branches, l'arbre lui épargne des allers-retours jusqu'aux feuilles et se met en mode automnal. Mais, cela ne suffit pas toujours, des "embolies" peuvent se produire dans le tronc. La colonne d'eau se rompt, l'air pénètre dans ces interstices. Les dégâts sont irréversibles. Les champignons, parasites ou insectes, comme les scolytes, s'installent et colonisent.
"Il existe environ 150 espèces de scolytes, poursuit Eike Wilmsmeier, chacune inféodée à une essence d'arbres. Et, tout se passe bien tant que les arbres sont en bonne santé. Ils se multiplient si l'arbre ne se défend plus. Pour les épicéas, le scolyte est particulièrement virulent, d'où les ravages terribles depuis plusieurs années. C'est le seul capable de tuer un arbre en bonne santé. Et, avec les fortes chaleurs, il fait une à deux pontes de plus que d'ordinaire, sa reproduction est donc exponentielle."
Revoir la vigilance à la hausse
Au parc Chamars de Besançon, le champignon lignivore (qui se nourrit du bois) phéllin avait été repéré par les équipes de l'ONF l'été 2022 sur le tilleul centenaire qui s'effondré dans le parc urbain dimanche 18 juin. Les agents avaient en effet détecté à l'extérieur du tronc une masse, signe d'une fructification du champignon et témoin d'une présence interne. S'en était suivie une expertise par le prestataire PG Inventaire. À l'aide d'un résistographe, une sorte de perceuse, ces agents mesurent la capacité de résistance du bois. S'il est dur, c'est qu'il est en bonne santé, s'il est mou et n'offre que peu de résistance, c'est qu'il est malade. Le niveau de résistance du tilleul en question était de 33 % à l'automne dernier, un résultat considéré comme bon jusqu'à présent.
"Nous sommes désormais remplis d'incertitudes, se désole Samuel Lelièvre, directeur de la biodiversité et des espaces verts à la ville de Besançon. Nous ne savons plus comment interpréter les résultats des études. Peut-être qu'au lieu de 33% de résistance, nous allons devoir exiger au moins 50 % et revoir notre niveau de vigilance et notre coefficient de prudence à la hausse dans les commandes que nous passons aux prestataires."
Les arbres de Chamars sont situés au-dessus normalement d'une nappe phréatique et souffrent moins que d'autres. "Ce n'est pas là que le stress hydrique se manifeste le plus à Besançon, constate Samuel Lelièvre, cependant l'absence de pluviométrie et le réchauffement climatique complexifient les défenses de ces essences. Il semble que plus aucun endroit ne soit épargné."
Bien qu'un sixième seulement du tilleul centenaire soit tombé ce dimanche, l'arbre en entier va être tronçonné à titre préventif, car les plaies générées seraient de nouvelles entrées pour le champignon, et aussi pour rassurer les promeneurs. Il va assurément laisser un grand vide au milieu des platanes dans le paysage de la promenade Chamars.