La baguette de pain en vente à 29 centimes d'euros dans les hypermarchés Leclerc a fait réagir. Pour Simon, boulanger près de Morteau dans le Haut-Doubs, les deux produits sont incomparables.
Le 11 janvier dernier, le patron de Leclerc annonçait la vente dans ses hypermarchés d'une baguette de pain à 29 centimes d'euros. Cela fait réagir les boulangers et notamment Simon Viennet, 32 ans. Avec son frère Rémy, ils dirigent 34 salariés dans ses trois boulangeries dont une à Villers-le-Lac (Doubs), à côté de Morteau. Pourquoi doit-il vendre ses pains plus cher que chez Leclerc ? Simon Viennet nous donne quelques clés pour comprendre comment il fixe son prix de vente.
Le risque, c'est de se retrouver avec une baguette qui n'a pas trop de goût, fade, neutre
Simon Viennet
Prix supérieurs pour une qualité supérieure
L'annonce des hypermarchés Leclerc, "C'est clairement un coup de communication et ça ne me fait ni chaud, ni froid", estime le maître-artisan. Il n'est pas trop préoccupé par leur concurrence : le Leclerc le plus proche est à 35 kilomètres à Pontarlier. Simon Viennet assume de travailler "9 à 10 heures par jour, dès 1h30 du matin" et d'avoir des prix de vente supérieurs à ceux du réseau de magasins. Chez lui, une baguette classique coûte 1 euro et cela peut aller jusqu'à 1,30 euro pour la baguette aux graines.
Pour fabriquer ses produits, ce boulanger a d'abord besoin de farine : "Elle représente 15 à 20 centimes sur chaque baguette". Il faut ensuite payer la trentaine d'employés. C'est pourquoi 50 centimes du prix de vente sont liés à la masse salariale. "Les supermarchés ont beaucoup de machines, donc il y a forcément moins de main d'oeuvre. La production mécanisée leur permet de générer des marges plus élevées", précise le boulanger du Doubs.
Simon Viennet a beau être aidé par son équipe, ses efforts ne seraient rien sans énergie. "Nous utilisons un four à bois pour nos productions, donc la hausse des prix de l'électricité n'a pas eu d'importance pour nous", se réjouit l'artisan. Il n'empêche que cela a un coût. Le chef d'entreprise doit donc affecter "10 à 15 centimes sur la vente de chaque pain" pour payer les dépenses énergétiques.
Il reste enfin la trésorerie. En clair, il s'agit de ce que le boulanger gagne sur chaque pain vendu. Il est compris "entre 10 et 15 centimes d'euro sur chaque produit".
Méfiance sur le pain des grandes surfaces
Si Leclerc pratique ces prix cassés, c'est surtout parce qu'il négocie des contrats avantageux. À en croire Simon, qui durant sa formation a travaillé dans une importante fabrique de farine en région parisienne : "Les contrats portant notamment sur les farines sont négociés dès le début d'année, ce qui leur permet d'avoir des prix qui ne changent pas au cours de la saison".
Selon l'artisan, c'est ce qui fait que "les farines qu'ils utilisent soient entre deux et quatre fois moins chères que celles utilisées dans les boulangeries". D'après le boulanger, le consommateur doit être prudent : "Le risque, c'est de se retrouver avec une baguette qui n'a pas trop de goût, fade, neutre, contenant beaucoup d'adjuvants et d'améliorants pour faciliter la mécanisation".
Pour autant, Simon Viennet ne clame pas avoir la baguette parfaite. Il reste humble : "Avant d'être un artisan, on est d'abord un apprenti. Ce qui veut dire qu'il faut accepter aussi une part d'erreur dans la production". Des erreurs qu'il compense par le bon accueil et les relations humaines : "En venant chez l'artisan, les gens veulent un pain de qualité. Le pain de qualité n'est rien s'il n'y a pas de bon accueil. S'il y a une erreur dans la production, la relation humaine vient en partie à bout de ça".
Au final, le boulanger de 32 ans ne s'estime pas inquiet. Bien au contraire, il est encore plus en forme pour affronter de nouveaux défis. Son père Jean-Luc, lui aussi maître-artisan, était "Meilleur Ouvrier de France" il y a quelques années. Il s'apprête à prendre sa retraite en juillet prochain, à 61 ans. Simon et Rémy Viennet ont donc du pain sur la planche pour tenir leur réputation.