Il y a plus d'un an, deux Doubistes, Florent et Sophie Gérard, ont tout quitté pour partir avec leur fils de 6 ans, Maxime, faire le tour de l'Amérique en camping-car. Une manière de voyager qui leur a fait parcourir 17 pays et 60.000 kilomètres. Des aventures qu'ils partagent sur les réseaux sociaux et qu'ils nous ont raconté.
“Là, on se réveille d’une grasse matinée parce qu’on a fait une journée de ski hier et ma femme est en train de faire l’école à mon fils”, décrit Florent Gérard à l’autre bout du fil, depuis la Patagonie, région à l’extrême Sud de l’Argentine, où il se trouve en famille. Pour les "P'tits Loops", comme ils se surnomment, il est 11h. Au programme de la journée : visite du parc national Los Alerces, recherche d’un endroit où garer le camping-car pour la nuit, puis étape de 16 heures de route vers le village d’El Chaltén, afin d’observer la montagne Fitz Roy.
Partis en mai 2022 de Bugny, village du Doubs, Florent, Sophie et leur fils Maxime ont à ce stade parcouru 50.000 kilomètres depuis le Canada. Il leur reste encore environ 10.000 kilomètres à parcourir avant de rentrer en France pour Noël. “Un gros périple de tout en haut, jusqu'en bas”, résume en plaisantant le père de famille, qui énumère les pays traversés en un à trois mois, selon leur taille : Canada, États-Unis, Mexique, Belize, Guatemala, Salvador, Honduras, Nicaragua, Costa Rica, Panama, Colombie, Équateur, Pérou, Bolivie, Argentine, puis, très prochainement, l’Uruguay. Pour finir, ils exploreront le Brésil en sac à dos pendant un mois, le temps que leur camping-car traverse l’océan Atlantique.
17 pays en 1 an et demi
“Chaque pays a son petit truc, mais on les a tous aimés pour certaines choses. Ce qui est bien, c'est de partir d’une page blanche, sans attentes”, conseille Florent, qui retient la générosité des gens en Argentine, la culture très forte du Guatemala, le super accueil du Honduras (contrairement aux idées reçues sur la dangerosité du pays, tient-il à souligner), la faune et les animaux du Costa Rica, les volcans de l’Équateur…
Autant d’aventures qu’ils partagent sur les réseaux sociaux pour donner des nouvelles à leurs proches. Leur pseudo ? “Les P’tits Loops aux Amériques”, un nom de voyage trouvé par Sophie, 35 ans, et inspiré de l’expression “les petits loups”, souvent utilisée par Florent, à laquelle s’ajoute l’onomatopée anglaise “Oops”, “parce qu’on est un peu des boulets et des gaffeurs”, confesse-t-il en riant.
La prochaine étape en ce mois de septembre ? Arriver à Ushuaïa, probablement dans une semaine. Mais aucune certitude sur la date d’arrivée puisque le voyage se prévoit au jour le jour, au gré de leurs envies. “On s’arrête au feeling, on fait les incontournables. Je suis un friand du Routard et on repère avec internet les endroits qui seraient sympas !”, explique Florent, 33 ans, heureux d’avoir délaissé les agences de voyage que lui et sa femme, en couple depuis 14 ans, sollicitaient à leurs débuts. “On s’est rendu compte que ça ne nous convenait pas du tout, car on nous montrait seulement ce qu’on avait envie de nous montrer”, déplore-t-il.
"On a réalisé qu’on vivait à un rythme fou et qu’on ne se voyait pas. On s’est demandé si on ne pourrait pas s’arranger pour mettre des sous de côté et réaliser ce rêve de voyage."
Florent Gérard
Ils se sont donc mis en quête de plus “d’aventures” et “d’authenticité”, d’abord avec des voyages en sac à dos, notamment dans le Transsibérien, puis en camping-car - le même qu’actuellement. La période de la crise sanitaire a ensuite fait office de déclic pour sauter le pas, comme l’explique ce passionné de voyage et de sport automobile : “On a réalisé qu’on vivait à un rythme fou et qu’on ne se voyait pas. On s’est demandé si on ne pourrait pas s’arranger pour mettre des sous de côté et réaliser ce rêve de voyage.” Leur première volonté était de partir sur la route de la soie, mais pour des raisons politiques, le choix s’est finalement porté sur l’Amérique.
Laisser emploi et maison
Une fois ce plan en tête, Florent et Sophie ont quitté leur emploi, lui dans un garage et elle dans une horlogerie en Suisse, se sont organisés avec leur banque et ont mis leur maison en location. “Le plus dur, c'est d’avoir le cran de se lancer, de faire en sorte que le château de carte s’empile”, reconnaît le père de famille. Mais une fois que le saut est fait, même le chauffage qui lâche à 4.500 mètres d’altitude et transforme leur camping-car en glacière à -3°C ne suffit pas à gâcher leur plaisir. “C’est éprouvant, mais ce n’est rien à côté de ce que l’on vit”, glisse-t-il, heureux des aventures qu’ils vivent au quotidien.
"Le plus dur c’est d’avoir le cran de se lancer, de faire en sorte que le château de carte s’empile."
Florent Gérard
À l’image de cette fois au Panama où plusieurs personnes qui peignaient une maison ont fini par laisser exprimer leur art sur le camping-car de la famille, d’où les nombreuses fleurs géantes et colorées sur ses murs blancs. “Ils étaient tellement heureux, on les a laissés faire. Il est bariolé, mais ça nous ressemble bien”, rit Florent avec fierté, qui explique que chaque pays apporte son élément de décoration à cette “maison roulante” qui, dans certains pays, en étonne plus d’un : la table est ainsi en provenance de la Bolivie et la tapisserie aux couleurs de la Colombie.
Mariage à Las Vegas
Et peu importe que ce “petit cocon à l’autre bout du monde” ne fasse que 8 mètres carrés : “On a une petite maison, mais un grand jardin qui change tous les jours !”, s’exclame Florent. La plupart du temps, ils vivent en effet en extérieur et se contentent de rentrer pour les trajets ou pour dormir, quand et où ils veulent. Dans tous les cas, la proximité ne leur fait pas peur. Au contraire, puisqu’ils étaient désireux de partager cette opportunité avec leurs proches en les invitant à se joindre au voyage : “Mes parents ont toujours rêvé d’aller au Canada, donc on a fait le premier mois ensemble à 5, ils sont revenus il y a trois semaines en Argentine, les parents de ma femme nous ont rendu visite 15 jours au Costa Rica et des amis ont fait une boucle de trois semaines avec nous aux Etats-Unis”, raconte-t-il.
Ce sont d’ailleurs ces mêmes amis qui ont été les témoins de leur deuxième mariage, où ils ont renouvelé leurs vœux dans l’originalité, à Las Vegas, huit ans après le premier. Un souvenir marquant qui s’ajoute aux nombreuses expériences vécues lors de ce voyage d’un an et demi : invitations à manger chez l’habitant, expédition dans les dunes en 4x4 avec des locaux, auto-stoppeurs pris en chemin ou semaine d’école au Guatemala pour apprendre l’espagnol…
"C’est marrant parce que Maxime est assez ouvert et va beaucoup vers les gens. Il ne parlait pas du tout anglais mais depuis le Mexique il baragouine en espagnol."
raconte son père
Depuis leur départ, les parents du petit garçon de 6 ans lui font l’école à la maison, à hauteur d’une heure et demie par jour environ. “Au début, c’était sympa parce qu’il était en maternelle. Là, il aurait dû rentrer en CP, donc on essaie de lui apprendre à écrire et à lire de manière ludique”, explique Florent.
L’objectif pour eux étant qu’il rejoigne une classe en janvier sans être perdu, mais fort de tous les apprentissages réalisés lors du voyage. “On en parlait justement ce matin, réagit Florent. Il a eu ses petits coups de cafard pour les copains, mais il aime bouger, se balader, tout ça lui plaît”.
Un "vrai rêve"
Même bonheur pour ses parents : “On est bien ici, souffle Florent. Au Pérou et en Bolivie, il fait -10°C la nuit, les habitants n’ont pas de chauffage ni d’isolation, mais ils sont quand même heureux alors qu’ils vivent dans des conditions qui pourraient nous paraître obscènes”, tient-il à souligner. Un constat qui s’accompagne d’une remise en question : “On se dit que ce n’est peut-être pas une fatalité de travailler comme des malades pour se payer une belle voiture et une maison. Peut-être qu’on peut être bien plus heureux en vivant simplement."
Avec un budget de dépense entre 1.500 et 3.000 euros par mois, ils ont réussi à faire durer le plaisir plus longtemps que prévu, mais le départ et le retour à une vie jugée normale approchent toutefois. S’ils ne se disent pas prêts pour le moment à entamer une vie de nomade, les P’tits Loops reconnaissent cependant que cette expérience leur ouvre des perspectives pour l’avenir. Malgré la joie de retrouver leurs proches, il se pourrait même qu’ils aient déjà en tête deux ou trois idées de voyage. Et ils l’espèrent, avec ce camping-car qu’ils considèrent comme une maison à part entière.