Il est en passe de devenir l'un des artistes incontournables du street-art : Saype a marqué 2018, notamment par ses performances artistiques aux Eurockéennes de Belfort ou à Genève. Et l'année à venir sera (sans doute) celle de sa reconnaissance internationale.
Alors qu'il était encore élève infirmier, Guillaume écumait déjà les galeries d'art de Belfort. Quelques années plus tard, ses toiles tapissent aujourd'hui les murs de plusieurs d'entre elles.
Même quand le street-artiste en devenir n'était pas encore Saype, ses proches croyaient déjà en son talent. Patrick Cheloudiakoff, galeriste spécialiste d'art urbain, a été le premier soutien de celui qui est maintenant convoité à Genève, Paris ou Marseille.
"Pour une galerie, c'est très rare d'avoir un artiste de cette puissance. J'ai une trentaine d'artistes à la galerie, il y en a de très bons, mais lui, il a un truc", explique le galeriste de "La cour des Arts" à Belfort.
Ses toiles représentent l'intérieur d'un métro ou des fenêtres embuées. Elles mélangent peinture à l'aérographe et pinceaux, comme des moments volés qui consacrent l'obsession de l'artiste : sommes-nous libres ?
"Je me demande de quel champ d'action on dispose et, plus profondément, si on a un libre arbitre. Quand on fait un choix, est-ce qu'on choisit vraiment de le faire ou est-ce qu'on est conditionné par ce qu'il s'est passé avant, se demande Saype. C'est pour ça que je me suis mis à peindre des gens en noir et blanc, entassés dans le métro. Ca reflète l'ensemble de la société actuelle."
Juste un fond musical, et Saype attrape ses tubes de peinture pour se plonger dans une nouvelle oeuvre. Artiste autodidacte venu du graffiti, il explore, fabrique sa palette de couleurs et superpose du plexiglas sur de la toile. Il invente la buée sur la vitre, le jeu des gouttes sur le verre et imagine le doigt qui glisse pour faire un dessin.
"C'est bête à dire, mais sous la douche, je suis toujours en train d'étudier comment c'est fichu... Je suis obsédé par la buée, confesse-t-il. En plus il y a le côté madeleine de Proust. Qui ne s'est pas amusé à faire des dessins ? Qui ne s'est pas fait engueuler par ses parents parce que ça fait des marques ? On a tous fait ça."
De la pelouse familiale aux rives du lac Léman
L'artiste de 29 ans est maintenant établi en Suisse, mais c'est bien en Franche-Comté que tout a commencé. Au grenier et sur la pelouse familiale où Saype continue de faire des tests de peinture à chaque fois qu'il projette de réaliser une oeuvre de land-art. Et il a une complice de toujours : sa maman Lydia.
L'entreprise familiale a été rattrapée par la notoriété grandissante de l'ex-ado rebelle devenu infirmier, puis artiste au grand coeur. Dans les Alpes, en Russie, aux Eurockéennes de Belfort et plus récemment à Genève, sur les rives du lac Léman : il a donné naissance à des oeuvres monumentales et éphémères.
La particularité de ces oeuvres à ciel ouvert : elles sont réalisées à partir de peinture composée par ses soins avec des produits naturels et biodégradables.
Un mélange d'onirisme et de messages humanistes. Une même histoire racontée par ses tableaux qui resteront ou ses peintures éphémères. "Dans le fond, j'essaye d'avoir tout le temps un côté humain, éthiquement responsable et une logique de réalité de l'art, explique Saype. C'est là que ça devient intéressant : l'art devient une sorte de réalité."
La révolte des débuts a pris la forme de messages plus pacifistes. Et si l'artiste n'a pas trouvé toutes les réponses à ses questions, son art le guide assurément vers une forme de sagesse.
Le vocabulaire du street-art
Street-art (ou art urbain) : mouvement artistique utilisant l'espace public comme champ d'intervention. Le terme peut inclure les graffiti traditionnels, des sculptures, des graffitis au pochoir...Land-art : forme d'art consistant en interventions de grande ampleur sur la nature, les paysages. Cette tendance artistique se base sur l'utilisation de matériaux trouvés dans la nature, comme les roches, le sable ou le bois. Les oeuvres s'exposent à l'extérieur jusqu'à leur érosion naturelle.