"Ici, elle est essentielle" : le combat des usagers pour défendre leur petite gare du Jura

Réunion houleuse, pétition... Depuis plusieurs semaines, l'association Mouchard TGV/TER s'active pour défendre la gare de Mouchard (Jura). Les usagers, appuyés par les élus locaux, réclament une augmentation des arrêts TGV et plus de TER.

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C'est l'histoire d'une petite gare, et de ses usagers mécontents. Depuis 2015, l'association Mouchard TGV/TER regroupe les citoyens prenant le train dans la gare de cette petite ville du Jura (1 130 habitants). Une organisation créée pour porter leurs voix et défendre leurs droits. Et qui depuis quelques mois fait entendre son mécontentement et son inquiétude.

Les interrogations ont débuté au printemps dernier, lorsque, à cause de travaux impactants la ligne de train Paris-Dijon, l'unique TGV qui s'arrête quotidiennement à Mouchard a été supprimé pendant plusieurs jours, mettant en difficulté les Jurassiens utilisant cette liaison pour aller travailler.

Plus de 250 personnes à la dernière AG

"C'était compliqué, car on n'avait aucune visibilité" explique Caroline Dole, installée à Arbois avec sa famille, qui travaille deux jours par semaine à la capitale. "Un jour, l'arrêt à Mouchard était possible à l'aller et pas au retour. Parfois, c'était la même chose pour l'arrêt de Dole". Si les travaux ont cessé pendant l'été, ces aléas handicapants ont provoqué la grogne des usagers et ont fait remonter de nombreuses doléances, matérialisées lors d'une assemblée générale exceptionnelle le 29 avril dernier.

Il y avait plus de 250 personnes, du jamais vu.

Caroline Dole,

membre de l'association Mouchard TGV/TER

"Étaient présents aussi trois sénateurs, deux députés et les responsables des liaisons ferroviaires à Mouchard : Michel Neugnot, vice-président à la Région Bourgogne-Franche-Comté, pour les TER, et Eric Dehlinger, le directeur général du prestataire suisse Lyria, pour les TGV" détaille Carole Dole.

Selon Caroline Dole, les responsables ont été "impressionnés" par la foule réunie. Pourquoi une telle mobilisation ? Réponse de l'association : "la gare de Mouchard est le nœud ferroviaire du Jura, nécessaire à beaucoup d'habitants. Pourtant, nous sommes très mal desservis, ce n'est pas normal". 

Sur la ligne Paris-Lausanne, la ville de Mouchard voit 6 TGV Lyria passer tous les jours dans sa gare. Pourtant, un seul y marque un arrêt. Ce que dénonce l'association. "C'est incompréhensible" reprend Caroline Dole. "On pourrait penser que c'est pour une question de temps. Mais pas du tout. Les TGV qui ne s'arrêtent pas à Mouchard ralentissent quand même au niveau de notre gare, pour des questions de logistique. Résultat, ils sont moins rapides que le seul train qui s'arrête vraiment chez nous. Donc pourquoi ne pas rajouter des arrêts ?".

"Nous sommes dépendants d'un seul train"

Une situation paradoxale, qui pose questions. Interrogé sur ce point lors de l'AG, Eric Dehlinger, directeur général de Lyria, n'a pas su l'expliquer. "C'est dommage" estime Caroline Dole. "Ça a un vrai impact. Nous sommes dépendants d'un seul train. Et si nous avons un imprévu, impossible de revenir à temps et rapidement". 

Même en optant pour un TER reliant Dole (ville jurassienne où s'arrête systématiquement le TGV Lyria) à Mouchard ? "Même pas" explique l'association."Il n'y a pas de relais entre les TER et les TGV à Dole. Il faut attendre plus d'une heure à chaque fois pour rallier directement Mouchard. Autrement, il faut passer par Besançon, ce qui nous augmente encore le trajet".

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En effet, alors que 15 TER relient en moyenne Mouchard à Besançon tous les jours, quatre sont alignés pour le trajet Mouchard-Dole, "alors que la distance entre les deux villes jurassiennes est beaucoup moins grande que celle entre Mouchard et la capitale comtoise". La demande des usagers est donc simple : "ne peut-on pas réaffecter quelques TER Mouchard-Besançon au trajet Mouchard-Dole ? Sans mettre en service de nouveaux TER, car nous savons que cela a un coût ?".

"Mouchard n'est pas le centre du monde"

Réponse cinglante de Michel Neugnot, vice-président de la région Bourgogne-Franche-Comté, notamment en charge des mobilités. "Mouchard n'est pas le centre du monde" assène-t-il. "C'est une gare à laquelle nous portons beaucoup d'intérêts, beaucoup de lignes la traversent, mais c'est une étape et pas un nœud ferroviaire".

Je le dis et le redis : il n'y aura pas de nouvelles liaisons TER Mouchard-Dole. Celles qu'il y a en ce moment sont suffisantes et adaptées aux fréquentations. On ne peut pas échanger les liaisons comme ça, on ne joue pas aux trains électriques.

Michel Neugnot,

vice-président de la région Bourgogne-Franche-Comté, notamment en charge des mobilités

Lors de l'AG de l'association Mouchard TGV/TER, Michel Neugnot a tenu les mêmes propos, déclenchant les huées des usagers. Et le mécontentement des élus locaux, venus nombreux.

Ainsi, Sylvie Vermeillet, sénatrice du Jura, et Jean-François Longeot, sénateur du Doubs, ont écrit un courrier commun le 15 mai dernier, pour se plaindre de la situation à Jean-Pierre Farandou, directeur général de la SCNF. Une semaine après l'avoir interrogé sur la question lors de son audition par la Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable au Sénat.

Des élus locaux mobilisés

"Mouchard est une étoile ferroviaire qui rayonne en Franche-Comté, du Nord au Sud" peut-on y lire. "C'est un outil majeur d'aménagement du territoire, pour tous les Jurassiens. Et aussi pour une partie des habitants du département limitrophe, le Doubs". Ils réclament l'ajout "d'au moins deux dessertes Lyria quotidiennes supplémentaires dans les deux sens à Mouchard".

Une mobilisation qui conforte Caroline Dole dans sa conviction que "le devenir de la gare de Mouchard est essentiel au Jura". "Ce train est essentiel pour attirer de nouveaux habitants, de Paris ou de Suisse, des familles qui indirectement créent des emplois locaux" continue-t-elle. "Peu d'arrêts à Mouchard, ça a aussi un impact écologique : les gens sont obligés de prendre la voiture. Et cela a un coût". 

Le devenir de cette ligne est aussi important pour les étudiants, qui peuvent être attirés par nos centres de formations réputés. Plus de dessertes, c'est une ouverture aux autres qui permet de maintenir l’excellence de nos institutions.

Caroline Dole,

membre de l'association Mouchard TGV/TER

"Ce qui fâche beaucoup d'usagers, c'est cette impression que la région privilégie la gare de Besançon TGV, plus récente, et y fait passer le plus de trains possibles pour la rentabiliser" révèle Caroline Dole. Réponse de Michel Neugnot : "Dire cela, c'est intolérable, un scandale" s'insurge-t-il. "Nous avons beaucoup investi sur la gare de Mouchard. Dire cela, c'est de la mauvaise foi pure. Je ne comprends pas la colère des usagers après les explications logiques que je leur ai données".

"Oui, il y a eu de beaux investissements, que nous saluons" répond l'association. "Mais ça ne sert à rien de faire si personne ne vient. D'autant plus que ces travaux ont été réalisés avec de l'argent public. Avec la situation actuelle, de moins en moins de personnes utilisent notre gare. On ne veut pas la laisser mourir". Le dialogue semble être tendu entre les différentes parties.

Une pétition mise en ligne

"Aucune réponse n'a vraiment été trouvée" regrettent les usagers. "Le directeur de Lyria nous a assuré que notre arrêt TGV quotidien serait maintenu. Mais aucune nouvelle desserte. Et au niveau TER... La région ne veut rien entendre. M.Neugnot a juste dit qu'au cas par cas, des solutions en autocar ou covoiturage peuvent être mises en place".

Devant cette situation qui ne se décante pas, l'association a envoyé deux courriers à Marie-Guite Dufay, présidente de la région Bourgogne-Franche-Comté, et à Emmanuel Ehlinger, directeur général TGV Lyria. Courriers pour l'instant restés sans réponse. Contactée par France 3 Franche-Comté, la SNCF n'avait pas encore répondu au moment de la publication de cet article.

Une pétition a également été mise en ligne le 19 juillet dernier, intitulée "Défendons la desserte TGV-TER en gare de Mouchard". À l'heure où nous écrivons ces lignes, elle compte plus de 600 signatures. "L'objectif est de réunir le plus de personnes possibles pour montrer que cette gare est essentielle pour beaucoup d'entre nous" conclut Caroline Dole. Suffisant pour garantir l'avenir de la gare de Mouchard ? Réponse dans les prochains mois.

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