"Si vous ne le prenez pas, on le tue" : chantage, surcharge d'animaux et abandons en hausse, les refuges SPA en souffrance

Refuges pleins, hausse des abandons et des maltraitances, chantage et agressivité des personnes voulant laisser leurs animaux... Depuis plusieurs semaines, les SPA sont dans le rouge et tirent la sonnette d'alarme sur leur quotidien. Exemple en Franche-Comté.

Un message, comme un cri d'alerte. "Nous ne pouvons plus accueillir de nouveaux chats, chatons ou chiens. Nos chatteries sont saturées, nos boxes sont pleins et nos familles d'accueil (que nous remercions chaleureusement) sont surchargées. Merci de votre compréhension". Vendredi 9 août 2024, peu avant 16h, voilà le post Facebook publié par l'équipe de la SPA de Dole (Jura).

Des SPA surchargés alors que l'été bat son plein, cela ressemble, malheureusement, à une triste habitude. Tous les ans, quand les beaux jours arrivent, les refuges voient de plus en plus d'animaux abandonnés par leur propriétaire. "C'est vrai que c'est courant. Mais là, on est dans le rouge complet" souffle Angélique, secrétaire de la SPA de Dole. "Si on a posté ce message, c'est que la situation est terrible".

"Je n'ai jamais connu ça"

Terrible ? C'est-à-dire ? "On n'arrive plus à suivre" reprend Angélique. "Je n'ai jamais connu ça en huit ans de service. Plus de 130 chats, presque 50 chiens... On est en sur-effectif. Et le téléphone qui sonne presque 40 fois par jour depuis le mois de juin". 

Pas mal d'employés et de bénévoles sont en vacances. Je dois refuser des animaux tous les jours. Je recense un cahier avec les demandes de dépôt d'animaux depuis le début de l'été, il est déjà plein.

Angélique,

secrétaire de la SPA de Dole

"Nos locaux ne sont pas extensibles" complète Philippe Maire, "responsables chat" à la SPA de Dole. "On rentre, comme tous les étés, dans un cercle vicieux. Avec les beaux jours, les abandons augmentent, car des personnes voient leurs animaux comme des boulets. Mais nos bénévoles sont aussi en vacances, tous comme la plupart des gens. Donc, tout en ayant plus d'animaux à charge, on a moins de bras pour s'en occuper, et moins de personnes qui les adoptent".

Cette situation est-elle isolée au refuge de Dole ? Non, bien au contraire. À Gray (Haute-Saône), si on n'en est pas à refuser des animaux, la situation "est à flux tendu" avoue Maëlle Jacquin, présidente du refuge local de la SPA. "Au niveau des chats, ça coince. On a établi des conventions avec des communes, qui nous apportent des chats errants. Ce sont des animaux en plus. Parfois, ça nous agace, car on sait qu'on pourrait en avoir moins avec des campagnes de stérilisation plus sérieuses".

Des animaux chez les bénévoles par manque de place en SPA

Pour le refuge haut-saônois, "ce genre d'été est malheureusement devenu une habitude. Les abandons augmentent tous les ans" continue Maëlle Jacquin. "Si ça continue, on imitera nos collègues et on refusera les nouveaux animaux". Une décision déjà prise par la SPA de Besançon (Doubs) depuis "mi-juillet" révèle Eponine Ducrot, soigneuse animalière. "On est même plein depuis le mois de février".

On a même plus de place pour rentrer des petits chatons. Toutes nos familles d'accueil sont pleines, et nous, l'équipe de la SPA, on a tous dû prendre avec nous des animaux qui demandaient des soins. Mais ça ne suffit toujours pas.

Eponine Ducrot,

soigneure animalière à la SPA de Besançon

Et à chaque refus, les travailleurs de la SPA se heurtent aux réactions souvent houleuses des particuliers. "Si on leur dit non, ils grognent, ne comprennent pas" témoigne la jeune femme. "On se fait disputer, carrément crier dessus. Ce genre de comportement est en augmentation, voilà le réel changement ces dernières années".

Même constat chez Philippe Maire, "responsable chat" au refuge SPA de Dole. "Je suis à la SPA depuis plus de 10 ans et c'est vrai qu'on voit de plus en plus de personnes désagréables" explique-t-il. "Maintenant, au moindre refus, c'est compliqué". Les membres de la SPA sont toujours obligés de s'expliquer, de parlementer. Et parfois, ça ne suffit pas.

"Les relations sont de plus en plus dures"

"J'ai carrément dû aller montrer à un monsieur ce qu'était notre réalité, en l'emmenant voir que nos box étaient pleins" s'insurge Eponine Ducrot. "Et parfois, ça va plus loin, on nous fait carrément du chantage. On nous dit "si vous ne les prenez pas, on les lâche dans votre cour", "mon chat se fera bouffer par un chien" ou "je l'abandonnerai".

On a même des bêtes qu'on découvre devant notre portail. Nous, nous aimons les animaux. Donc tout ça, ça nous atteint.

Eponine Ducrot,

soigneure animalier à la SPA de Besançon

Philippe Maire, de Dole, confirme. "On a déjà eu des "si vous ne les prenez pas, on va les tuer". Et puis ce qu'il y a de nouveau, c'est que les cas de maltraitance sur animaux, qu'on nous confie ensuite, explosent aussi. C'est difficile à vivre". Car oui, toutes ces situations ont des conséquences sur ceux qui les subissent. "Personnellement, les animaux que je ne peux pas prendre, j'y pense tous les soirs. On sait qu'il y en a qu'on ne pourra pas sauver et qui mourrons. Parfois, je n'en dors pas les nuits". 

Et la soigneuse pointe aussi du doigt "l'épuisement psychologique et physique". "On travaille toute la journée, encore plus vu qu'on est moins l'été" nous dit-elle. "Et arrivé à la maison, on s'occupe des animaux qu'on a recueillis chez nous faute de place à la SPA. On ne coupe jamais et ça joue sur le moral".

Des sanctions durcies ?

Comment améliorer cet état des choses, qui semblent se détériorer d'années en années ? "La vision des animaux dans la société est au cœur du problème, même s'il y a aussi le coût économique" estime Angélique, de la SPA de Dole. "Ils les prennent pour des jouets : ils vieillissent, on les jette. On doit s'en occuper en vacances, on les jette. On hérite d'un animal qu'on ne souhaite pas à la mort d'un proche, on le jette".

"L'animal est toujours considéré comme un objet de consommation" reprend Eponine Ducrot. "Et cela ne changera pas tant que l'État ne durcira pas les sanctions en cas d'abandon". Pour rappel, un mauvais traitement sur un animal est sanctionné d'une amende de 750 €. L'abandon, lui, peut être sanctionné d'une peine allant jusqu'à cinq ans de prison et 75 000 € d'amende.

Pas assez, selon Maëlle Jacquin, de la SPA de Gray. "Il faut faire plus" assure-t-elle. "Ou en tout cas, il faut le compléter avec une politique qui oblige à faire enregistrer son animal. Les communes doivent aussi faire leur part, en augmentant les campagnes de stérilisation afin de ne pas tout nous laisser".

"L'été prochain, on aura le même scénario"

Quid du "certificat d’engagement et de connaissance", document à remplir obligatoirement depuis octobre 2022, sept jours avant toute adoption, pour éviter les achats d'animaux "coup de cœur" pouvant terminer en abandon ?

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"C'est une très bonne chose" juge Eponine Ducrot, de la SPA de Besançon. "Cela a eu son effet. Mais regardez, il y a toujours des salons aux animaux où on propose ces certificats préremplis. Je l'ai vu moi-même. C'est de la fraude, et les autorités ont autorisé cela".

Il faut une volonté politique pour améliorer le quotidien des animaux et des SPA.

Eponine Ducrot,

soigneure animalière

Il n'y aura donc pas de changements avant la fin de l'été. Les SPA continueront à souffrir, et à refuser des animaux en détresse.

"Les choses vont tout doucement s'arranger" conclut Maëlle Jacquin, de Gray. "À partir du 15 août, les gens vont revenir, on aura plus de bénévoles et d'adoption. Mais au prochain été, on aura le même scénario". Le retour du cercle vicieux. Pour le malheur de nos amis à quatre pattes. Jusqu'à quand ?

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