Le canton suisse de Vaud autorise l'abattage du loup géniteur M351 de la meute du Mont Tendre, jugé "particulièrement nuisible", entre le 1er décembre 2023 et le 31 janvier 2024. Cette décision fait suite à une ordonnance fédérale autorisant les tirs de loup à titre préventif, avant même les attaques sur les troupeaux.
Cela fait des mois qu'il est dans le collimateur du canton de Vaud, limitrophe des départements français du Doubs et du Jura en France-Comté. De l'autre côté de la vallée de Joux, en Suisse, le mâle reproducteur de la meute du Mont Tendre – de son doux nom M351 – est lupus non grata.
Dans un communiqué publié mercredi 28 novembre 2023, le département de la Jeunesse, de l’Environnement et de la Sécurité (DJES) du canton de Vaud a autorisé l'abattage de M351, ayant reçu l'aval de l’Office fédéral de l’environnement (Ofev). Le loup, arrivé d'Europe centrale, serait un animal "particulièrement nuisible", qui tourmente les éleveurs et s'est rendu coupable de plusieurs attaques sur du bétail, ainsi que de "comportements indésirables dans des localités du pied du Jura en mars 2023". Le tir pourra se faire entre le 1er décembre 2023 et le 31 janvier 2024.
Une nouvelle ordonnance pour abattre certains mâles reproducteurs
Déjà, en juin dernier, le DJES avait demandé à l'Ofev l'autorisation de "réguler" M351, mais le service fédéral avait refusé. Pour cause : à l'époque, la législation protégeait les couples lupins reproducteurs. Le DJES avait néanmoins pu "prélever" deux de ses cinq rejetons, début septembre – la meute du Mont Tendre étant à "l’origine de la majorité des dégâts occasionnés dans [le) canton" de Vaud, selon les propos du conseiller d'État vaudois Vassilis Venizelos (Les Verts), tenus devant le parlement cantonal.
Qu'a donc fait changer l'avis de l'Ofev concernant M351 ? Une nouvelle ordonnance fédérale sur la chasse en vigueur sur la période du 1ᵉʳ décembre 2023 au 31 janvier 2024, qui permet la régulation "proactive" des meutes de loup avant une attaque et qui fixe des seuils minimaux de meutes selon la taille des régions – certaines meutes pourront donc être totalement décimées, tant que le seuil minimal régional sera respecté. Cette nouvelle ordonnance prévoit par ailleurs "à titre exceptionnel", l'abattage d'un mâle géniteur "particulièrement nuisible". M351 ne sera donc pas épargné.
À noter que seules les autorités suisses compétentes peuvent se charger de "réguler" des loups, contrairement à la France où, sous certaines conditions strictes, les éleveurs peuvent procéder à des tirs "de défense".
Les meutes transfrontalières épargnées
S'il est difficile d'estimer le nombre précis de loups dans le Jura, il est attesté que deux meutes évoluent d'un flanc à l'autre du massif jurassien : la meute du Risoux et celle du Marchairuz, d'où est issue la louve qui s'est accouplée avec M351. Pour l'heure, on ne sait pas si la meute du Mont Tendre, formée cette année à peine, a franchi le versant français de la vallée du Joux.
Cette proximité avec la France a peut-être sauvé la peau des loups jurassiens : le canton de Vaud n'a reçu l'autorisation que de tirer M351. Aucune autre meute n'est concernée. La nouvelle ordonnance de chasse prévoit en effet, comme le décrypte le quotidien suisse 24 heures, l'éradication préventive de meutes à condition que le seuil minimal régional soit dépassé.
Or, les meutes transfrontalières ne comptent que de moitié dans la population des loups, et les deux autres meutes "indigènes" au canton suisse ne représentent pas de menace pour le bétail. Exaspération chez les éleveurs suisses, qui ne s'estiment pas écoutés ; soulagement relatif pour les défenseurs des loups, qui, dans une lettre ouverte signée par 158 organisations de défense de l'environnement, dénoncent la nouvelle ordonnance fédérale sur la chasse.
"Ces mesures radicales et unilatérales ne menacent pas seulement la fragile population de loups de Suisse, elles ont un impact négatif sur l’ensemble de la population de loups des Alpes occidentales centrales et du Jura. [...]", estiment les signataires dans la lettre ouverte. "Il existe de meilleurs moyens de coexister avec cette espèce clé que l’abattage aléatoire et à grande échelle."
Une centaine d'attaques en Bourgogne-Franche-Comté
En France comme en Suisse, le loup reste une espèce protégée. En Bourgogne-Franche-Comté en 2023, selon les derniers chiffres disponibles de la Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) qui datent du 31 août, 146 attaques de loup ont été constatées. La plupart sont survenues en Saône-et-Loire (96). En Franche-Comté, on en dénombre sept dans le Doubs, six dans le Jura, une dans le Territoire-de-Belfort et aucune en Haute-Saône.