Soelis (Jura) est une des rares entreprises à avoir adopté le congé menstruel. La direction et les salariés se disent satisfaits du dispositif, bien qu'il ne suffise pas, selon certaines associations féministes, à accompagner pleinement les femmes qui souffrent de règles douloureuses.
"Crampes, envies de vomir, vertiges"… La liste de symptômes suffit à le comprendre : Camille Dessoly n'est pas en capacité de travailler quand elle a ses règles. Comme une femme menstruée sur dix, cette conseillère est atteinte d’endométriose, une maladie gynécologique qui entraîne des douleurs aiguës dans le bassin, en particulier pendant les règles, ainsi que des risques d’infertilité.
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Elle le vit un peu mieux grâce à la PME associative qui l’emploie. Soleis est une des rares entreprises du Jura à avoir adopté le congé menstruel depuis 2022. Le principe ? Un jour de congé payé par mois proposé à toutes les employées. Deux ans après, la direction et les employées évoquent un pari réussi.
"Plus productive"
L'entreprise a fait le choix de ne pas demander de justificatif médical.
On est pas médecin, ce n’est pas à nous de juger. On leur fait confiance, on part du principe que si elles le prennent, c’est qu’elles en ont besoin.
Angélique Collombat, présidente de Soléis emplois partagés
Pour Camille Dessoly, c’est le moyen de “se reposer un jour” et d’être “plus productive” quand elle retourne au travail le lendemain. De son côté, la direction parle d'un dispositif de "bon sens", qu'elle se dit prête à pérenniser.
“Aucun dérapage” en deux ans, se félicite Romain Mary. “Au contraire” : le directeur adjoint de l’entreprise pense “que des personnes ne l’utilisent pas et se freinent elles-mêmes”. Camille Dessoly confirme : elle s'est déjà sentie "coupable" de poser son jour de congé.
Sept femmes sur 268
Guichet unique de l’emploi en milieu rural, Soléis met l'offre et la demande d'emploi agricole en relation. La PME associative propose le congé menstruel à 268 femmes : ses propres employées, ainsi que l’ensemble des salariées agricoles accompagnées, dont beaucoup sont des saisonnières.
Seules sept d’entre elles ont demandé à bénéficier du dispositif en 2024. Or, en France, 53% des salariées déclarent souffrir de dysménorrhée (règles douloureuses) à l’IFOP, en 2022. Le dispositif n’est donc pas la panacée : il ne suffit pas de l'installer pour que les femmes s'estiment légitimes de le demander.
Risque de banalisation
Selon certaines associations féministes, il présente aussi certains risques, comme la discrimination à l'embauche des candidates qui déclarent vouloir en bénéficier.
Autre externalité négative : la banalisation des douleurs liées aux règles. En d’autres termes, si le congé menstruel a le mérite d'introduire le débat dans le secteur du travail, il ne doit encourager à penser que souffrir ses règles est une normalité. Car cela pourrait, à terme, dissuader des femmes de se faire dépister et donc de se soigner.
L'Espagne et le seul pays d'Europe à avoir instauré un arrêt de travail pour règles douloureuses. En France, le projet de loi sur le congé menstruel a été rejeté en commission à l'Assemblée nationale cette année.
Avec Norbert Evangelista et Hugues Perret