Réforme des retraites : "chacun va devoir faire des compromis", Sylvie Vermeillet, sénatrice du Jura, assistera à la commission mixte paritaire

Sylvie Vermeillet, sénatrice du Jura (Parti Radical), assistera aux débats de la Commission mixte paritaire (CMP), en tant que suppléante, ce mercredi 15 mars. A l'issue des discussions, une version finale du texte sur la réforme des retraites sera soumise au vote des deux chambres.

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C'est une réforme des retraites qui suscite des remous aussi bien du côté du Parlement que dans l'opinion publique. D'après un sondage Odoxa, réalisé le 28 février pour Public Sénat, 66% des sondés se disent hostiles à la réforme des retraites. Le mécontentement se fait entendre dans toute la France à travers les manifestations : 1,28 million de personnes sont descendues dans la rue lors de la grève général du 7 mars d'après le ministère de l'Intérieur contre 3,5 millions, d'après les syndicats.

Les enjeux de la commission mixte paritaire

Après ces manifestations records qui ont rassemblé 43 000 personnes en Franche-Comté, d'après les organisations syndicales, puis une journée de mobilisation moins forte le 11 mars, un nouvel appel à la grève a été émis ce mercredi 15 mars. La date n'a pas été choisie au hasard : ce jour-là, la commission mixte paritaire, composée de 7 sénateurs et 7 députés, devra discuter d'une version finale du texte de la réforme des retraites, ouvrant la voie au vote dans les deux chambres dès le 16 mars.

Des échanges qui seront cruciaux donc, car en fonction des compromis établis sur ce texte, certains députés et sénateurs pourront changer leur vote, en faveur ou contre le projet de loi. C'est d'autant plus difficile de prévoir l'issue du scrutin que l'incertitude règne encore du côté des Républicains. Le groupe qui détient la clef du scrutin à l'Assemblée nationale reste divisé sur la question, et en première lecture, les députés n'ont pas pu aller au-delà de l'article 2.

Sylvie Vermeillet, sénatrice du Jura (Parti Radical), siégera à la commission mixte paritaire en tant que suppléante, et assistera donc aux débats qui devront aboutir à une version finale du texte. Rapporteure du projet de loi sur la réforme des retraites pour la commission des finances du Sénat, elle fait partie de l'Union Centriste. Ce groupe s'est positionné en faveur de cette réforme, malgré quelques dissensions au niveau de l'article 7, prévoyant le report de l'âge légal du départ à la retraite.

  • Comment abordez-vous cette journée de débats ?

Tranquillement. Il y a des négociations qui continuent de se poursuivre entre les présidentes des deux commissions et les rapporteurs. Chacun joue sa partition, et chacun va devoir faire des compromis. En tant que suppléante, je pourrai prendre la parole mais je ne pourrai pas voter au sein de cette commission mixte paritaire. Je serai la référence chiffrée, étant donné que je suis vice-présidente de la commission des finances.

  • Aujourd’hui, il faut produire un texte qui sera voté – c’est tout un autre travail ?

Effectivement, quand on vient en CMP, on sait qu’on ne pourra pas s’attarder sur des détails. Là, c’est très difficile puisqu’une réforme des retraites, on sait qu’a priori, on sait qu’on ne reviendra pas là-dessus – en tout cas, je vois difficilement comment on pourrait. Donc certains amendements qui ont pu être adoptés, qui ont reçu le soutien de la majorité au Parlement, devront sauter. C’est parfois très difficile pour un ou une collègue qui aura défendu son amendement, de le voir ainsi enlevé. Malheureusement, on ne se bat pas que pour ce que l’on aimerait défendre, on essaye surtout de produire un texte qui pourrait être voté.

  • Quels sont les points sur lesquels vous ne reviendrez pas ?

Le CDI Séniors. Nous avons beaucoup parlé de l’index seniors (ndlr : indicateur qui permettra de mesurer si une entreprise emploie, forme et maintient des salariés senior dans son entreprise). Nous avons demandé à ce qu’il soit appliqué aux entreprises de 300 salariés minimum, puisqu’elles seules peuvent établir un bilan social. Pour nous, le CDI Senior va au-delà de cet index. C’est comme la plateforme 1 jeune, 1 solution. Disons ici que c’est 1 senior, 1 solution. Ce contrat sera exonéré de cotisations famille pour compenser le coût des salaires - les travailleurs en fin de carrière ayant généralement une rémunération élevée - et l'entreprise pourra y mettre fin sans frais lorsque le senior aura atteint sa retraite à taux plein. C’est pour notre groupe, une des négociations majeures. Le gouvernement a estimé cette mesure entre 800 millions et 2,2 milliards d'euros, un coût qui me paraît élevé. Pour moi, un senior qui travaille est moins coûteux qu’un senior au chômage. Après un arbitrage serait-il possible ? Evidemment, il s’agit des discussions portées par mon groupe politique (union centriste), et d’autres points seront abordés lors de cette commission mixte paritaire.

    • D'autres points, et notamment les 64 ans. Le vote de la réforme des retraites repose sur les Républicains à l’Assemblée nationale : comment abordez-vous cette perspective ?

    Il y a effectivement une partie des Républicains qui sont dans la mouvance de Pradié (ndlr : Aurélien Pradié, député LR, ex-n°2 du parti, s'est opposé publiquement au 64 ans, mettant en exergue les carrières longues. Ainsi, le parlementaire est allé à l'encontre de la ligne de son groupe, ce qui lui a coûté sa place de Vice-Président du parti). Ce sont des parlementaires qui s’opposent au passage à 64 ans, mais qui votent ensuite toutes les mesures de compensation des injustices comme pour les mères de famille, les pompiers etc. Je ne sais pas comment ils peuvent financer ces mesures sans le recul de l'âge de départ à la retraite. D’ailleurs, au final, ils votent contre le texte puisque le passage à 64 ans est l’article phare de cette réforme. Chacun est libre de son vote, mais sans cet article 7, on ne peut pas trouver les 17 milliards d’euros. Et sur ces 17 milliards, 5 milliards sont dédiés à la réparation des injustices donc pour financer toutes les autres mesures, et les 12 milliards restants pour résorber le déficit. Sans cette réforme, à mon sens nécessaire, on aurait 150 milliards de déficit cumulé d’ici 2035.

    • Si le report de l’âge de départ est, pour la majorité, le moyen de financer cette mesure, elle est manifestement le point de crispation de certains groupes politiques, des syndicats et de l'opinion publique. N'êtes-vous pas favorable à un autre mode de financement ?

    Certains parlent de hausses des cotisations sociales, moi je ne suis pas pour enlever du pouvoir d’achat aux Français. D’autres évoquent une taxation des superprofits, et c’est aussi ce pourquoi je me suis battue, mais pour moi, cela n’a pas sa place dans le financement des retraites. Il s’agit avant tout de solidarité intergénérationnelle. Ce n'est pas de gaieté de cœur que l'on choisit de décaler l'âge de départ à la retraite de 62 à 64 ans, mais avec cette réforme, on préserve le système par répartition. Si on trouve une autre manière de le financer, le risque, pour moi, est qu’on explose ce système - certains de mes collègues LR s’empresseraient de déposer des amendements allant dans le sens d’un système par capitalisation à l’anglaise (ndlr : dans un système par capitalisation, la retraite est cotisée individuellement via des assurances privées ou des dispositifs mis en place par son entreprise). Si on inclut une autre source de financement, le danger serait au-delà des retraites et pourrait même mettre fin à l'assurance sociale, plus globalement.

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