Une jument de compétition a été tuée par le tir d'un chasseur à Isenay (Nièvre), mercredi 6 novembre. Habitué des concours de saut d'obstacles au niveau national, le cheval était "en vacances" dans un pré privé d'un élevage. Une enquête est en cours pour déterminer les circonstances exactes de l'incident
C'est un tir qui pourrait coûter très cher. L'accident s’est produit à Isenay, une petite commune à quelques kilomètres de Cercy-la-Tour, dans la Nièvre, proche du parc du Morvan.
Mercredi 6 novembre, une jument de compétition a été abattue par un chasseur, alors qu'elle se trouvait dans une propriété privée.
"Ils étaient forcément dans le pré"
Diane de Charmasse est éleveuse de chevaux et conseillère en ergonomie équestre. Ce mercredi, un peu après 14h30, elle reçoit la visite de plusieurs chasseurs. "Ils sont venus pour me dire qu’il y avait eu un accident chez moi et qu’ils avaient tué un de mes chevaux", raconte-t-elle froidement. "Ils ont commencé par me dire qu’ils étaient hors de mon pré. Moi je me suis dit qu’ils s’étaient trompés et que le cheval était blessé, donc je suis partie en courant pour aller soigner mon cheval."
Après une arrivée en trombe sur les lieux, le doute s'efface rapidement : la jument est raide morte, au milieu de la prairie. À ce moment-là, le sang de l'éleveuse ne fait qu'un tour. Elle se rend compte en observant la dépouille qu'elle est largement sur sa propriété. Pire, selon elle, il est impossible qu'elle ait été tuée depuis l'extérieur : "elle a été tuée à un endroit où ils étaient forcément dans le pré, parce que chez nous ça ne tire pas en cloche. C’était vraiment chez moi, au milieu de la prairie. Surtout que la parcelle où ils chassent d’habitude est bien séparée par une voie ferrée. Il y a des panneaux propriété privée partout, il n’y a pas d’erreur possible."
"Il n’avait rien à faire chez moi et encore moins à tirer sur mes chevaux"
Diane de Charmasse rentre alors chez elle pour appeler la gendarmerie. Plus tard, l'auteur du tir est revenu donner son attestation d'assurance. Selon l'éleveuse, il tente même de dédramatiser la situation : "(Il) m’a expliqué qu’il ne fallait pas en faire trop d’histoires, que de toute façon il était assuré. Il m’a expliqué qu’il avait vu le troupeau de chevaux paniqué, mais qu’il avait tiré quand même. Moi il m’a dit qu’il avait abattu un sanglier en même temps, mais dans la version qu’il a donnée aux gendarmes il n’y avait plus de sanglier."
(Je lui ai dit) qu’il n’avait rien à faire chez moi et encore moins à tirer sur mes chevaux.
Diane de Charmasseéleveuse de chevaux
Sur place, l'éleveuse n’a pas pu observer de sanglier ni même de trace d’une présence antérieure. Elle qui se décrit volontiers comme "pro chasse" n’en revient toujours pas. Comment et pourquoi ce tir a-t-il atteint le cheval ? Exit le déni et la tristesse, c’est une colère froide qui émane désormais de Diane de Charmasse.
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Elle en vient même à remettre en question l'intentionnalité du tir : "Il a abattu la jument à 70 mètres en terrain dégagé. Il y avait un peu de relief, donc elle était au-dessus de lui, il n’y a pas de tir fléchant, rien du tout. Cela ne peut pas être un accident. Un accident c’est une balle qui ricoche ou autre, mais là c’est un mec qui est rentré dans une propriété privée, qui a vu un troupeau de chevaux et qui a tiré."
Cet incident ne serait d'ailleurs pas un incident isolé selon la Nivernaise. "Mon propriétaire les a souvent vus en train de chasser sur les terres, et il les a engueulés pour leur dire qu’ils n’avaient pas à chasser là."
Un cheval de niveau national estimé à 30 000 euros
Les gendarmes ont procédé à l'autopsie le jeudi 7 novembre dans l'après-midi. La balle a frappé l'animal au niveau de l'épaule pour aller se loger "juste devant le cœur" comme l'explique Diane de Charmasse. Surnommée Altesse de la Serre, la jument était âgée de 14 ans. Elle mesurait 1m70 et arborait une robe oscillant entre le blanc et le gris. Les plus fervents amateurs d'équitation auront peut-être reconnu ce cheval, habitué des compétitions et notamment des concours de saut d'obstacles de niveau national.
Jean-Marie Bazire, le propriétaire et cavalier de la jument, n'en revient toujours pas."C'était la pouliche d'une autre de mes juments avec qui j'ai fait de bonnes compétitions, raconte-t-il tristement. Je voulais la faire concourir en complet, mais cela aurait été du gâchis car elle était trop douée pour le saut d'obstacles. Ces dernières années j'étais en reconversion professionnelle donc je l'avais laissée en élevage, mais je comptais reprendre la compétition avec elle cet hiver."
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Pour le cavalier, c'est une perte immense qui l'attriste, mais qui l'inquiète aussi : "Dans le Val-d'Oise, j'avais déjà eu affaire avec des chasseurs qui tiraient près des chevaux. Mais là ce que je trouve très inquiétant, c'est que le chasseur ait pu confondre une jument grise d'1 m 70 avec un sanglier marron de 70 cm. Il faut qu'on m'explique parce que c'est quand même quelque chose qui me met en colère."
La jument était valorisée à près de 30 000 euros. Elle avait 8 ans d'entraînement derrière elle. Diane de Charmasse et le propriétaire du pré ont déjà porté plainte. Jean-Marie Bazire va également engager des poursuites.
Contacté, le parquet de la Nièvre a répondu dans la soirée du 8 novembre à nos sollicitations. Anne Lehaitre, la procureure de la République de Nevers a confirmé que la jument avait "été abattue par un chasseur". Elle précise que l'enquête a été confiée à l'Office français de la biodiversité (OFB). "Il convient de vérifier dans quelles conditions ce tir a été effectué", a-t-elle ajouté avant de conclure : "Les infractions pénales correspondantes seront relevées à l'encontre de l'auteur."