À Gouloux, petit village du Morvan, se trouve une entreprise familiale de sabots qui perdure depuis trois générations. Chaque année, la saboterie Marchand vend près d'un millier de paires.
Le claquement des sabots sur le sol, c'est un bruit qui devient rare. Pourtant, il continue d'accompagner certains habitants de Gouloux, dans la Nièvre. Ces sabots, taillés dans du bois de bouleau, proviennent de la dernière saboterie du Morvan : la saboterie Marchand. Ici, c'est une histoire de famille.
La "chaussure du peuple" dans les années 50
En 1947, Camille Marchand lance son entreprise. À cette époque, la demande est florissante dans les campagnes et l'entreprise emploie jusqu'à 60 salariés. À l'usine ou dans les fermes, les travailleurs portent la "chaussure du peuple". Résistant et confortable, le sabot fait même office de chaussure de sécurité.
En 1980, son fils Alain Marchand reprend l'entreprise. Mais l'âge d'or du sabot est terminé. L'entreprise se tourne alors vers une activité plus rentable. "On gagnait très peu à l’époque, on a dû chercher d’autres débouchés. On a fait des sabots de décoration, et surtout des pieds de sapin."
Passage de flambeau sur trois générations
En 2011, le passage de témoin se fait avec le fils d'Alain, Pierre. De quoi redonner du sang neuf à l'entreprise familiale, qui souffle ses 76 bougies cette année. "Ces gestes, je les connais depuis que je suis petit. Quand mon grand-père faisait des démonstrations, je venais l’admirer en train d’expliquer ses méthodes et son savoir-faire."
Il rejoint l'entreprise, pour la plus grande fierté de son père. "Quand votre père a œuvré, derrière lui vous reprenez ces croyances, cette envie... Et votre fils fait la même chose, c’est énorme", confie-t-il, les larmes aux yeux. "C'était inespéré, mon fils qui reprend c’est génial. C’est beaucoup d’émotions quand on voit le parcours."
Son père lui transmet alors tout son savoir-faire. "J'ai regardé mon papa faire des démonstrations de sabot. Au début, je donnais des explications sans manipuler et puis mon père m’a tout transmis."
Dans son atelier de démonstration, Pierre Marchand découpe, sculpte et creuse le bois. Un savoir-faire qui rappelle à son père Alain de bons souvenirs. "Dans les familles d'artisans, les enfants vivent avec les parents. C’était notre lieu de jeu."
Un millier de paires vendues chaque année
Des gestes qui demandent toutefois beaucoup de précision. "La première partie du travail, c'est la partie mécanique. On prend un morceau de tronc de bouleau, on le dégrossit avec une machine pour arriver à un sabot déjà formé et creusé", explique Pierre.
"La deuxième partie est plus complexe", enchaîne Alain. "Le sabot n'est pas encore prêt, il va falloir finir manuellement pour enlever tout le bois que la machine n’a pas enlevé pour porter le sabot. Forcément c’est précis, sinon on peut casser le sabot. L’esthétique s’en ressent et même l’intérieur, si c’est mal fait on n’est pas bien dedans."
En 1985, un musée est créé. La production de sabots devient anecdotique mais permet d'entretenir un savoir-faire qui appartient au patrimoine culturel morvandiau. Aujourd'hui, plus d'un millier de paires de sabots de toute taille sont façonnées chaque année dans l'entreprise, essentiellement à destination des touristes.