Un cervidé noir, identifié comme un daim mélanique rare, a élu domicile dans un troupeau de génisses du Charolais (Saône-et-Loire) depuis la fin octobre. Mais après étude, la DDT a décidé de faire abattre l’animal.
Depuis la fin octobre, les habitants et les gens de passage dans le Charolais profitent d’un spectacle insolite. Au milieu d’un troupeau de génisses charolaises bien blanches, on trouve un étonnant cervidé noir à petits bois. Et ce n’est ni un chevreuil, ni un cerf.
“Je crois qu'on a vu un lama !”
Premiers à l’avoir aperçu : des chasseurs, mi-octobre, à Vendenesse-les-Charolles. Alors qu’ils étaient en train de retirer la clôture d’un carré de maïs, la bête saute devant eux et prend la fuite. Le maire de Vendenesse, Jean-Louis Petit, raconte : “L’un des chasseurs est venu me voir. Il m’a dit : il faut que je te dise quelque chose, mais il ne faut pas que tu te moques… Je crois qu’on a vu un lama !” Car au départ, l’identité de la bestiole n’est pas claire. “Et justement, un monsieur m’a appelé au même moment pour me dire qu’il avait égaré un de ses lamas. Ça pouvait coller. Sauf qu’en fait, il a fini par le retrouver.” Le mystérieux animal au pelage sombre, lui, court toujours.
Une dizaine de jours plus tard, un habitant de Vendenesse l’aperçoit à nouveau et réussit à le prendre en photo assez nettement. Là, une certitude : ce n’est définitivement pas un lama !
En revanche, difficile de déterminer précisément l’espèce.
On ne sait pas d’où il peut venir, et personne ne sait vraiment ce que c’est : un daim noir, un cerf sika… Personne n’est d’accord là-dessus.
Jean-Louis Petitmaire de Vendenesse-les-Charolles
L’hypothèse la plus probable semble toutefois celle du daim mélanique, comme l’explique le JSL. Le mélanisme est une mutation génétique, comme l’albinisme, mais qui produit des individus noirs et pas blancs. À noter que le daim n’est pas une espèce qui vit à l’état sauvage en France. Le mystérieux visiteur du Charolais est donc certainement échappé d’un parc privé… et était peut-être détenu illégalement, ce qui expliquerait qu’il n’ait pas été réclamé depuis.
En résidence chez un éleveur de la Chapelle-du-Mont-de-France
En attendant, le daim semble s’être bien acclimaté à sa nouvelle vie. Depuis le 27 octobre, il a élu domicile au sein d’un troupeau de génisses à la Chapelle-du-Mont-de-France, non loin de Vendenesse-les-Charolles.
Cette parcelle appartient à Alex Barraud, éleveur. “Depuis le 27, je le vois tous les jours ! Il n’est pas très sauvage, ce matin j’ai pu m’approcher à 10 mètres de lui”, nous relate l’agriculteur, qui a mené quelques recherches pour comprendre cet animal.
“J’ai appris récemment que les daims étaient plus proches génétiquement des vaches que des chèvres. Celui-ci s’est retrouvé seul, et il s’est donc sûrement rapproché de mes bovins car il cherchait une harde de substitution.”
Alex Barraudéleveur
Au départ, le daim noir tente de s’intégrer dans un premier troupeau, “mais c’était un lot de vaches avec de petits veaux”. Les vaches, protectrices, le chassent. Le cervidé se tourne alors vers les génisses, de jeunes vaches de deux ans. “Les deux premiers jours, il y a eu des bagarres. Il n’avait pas peur des vaches ! Il leur mettait de petits coups avec ses bois. C’était le temps d’établir la hiérarchie”, s’amuse l’éleveur. Depuis, l’ambiance s’est calmée et le troupeau vit en bonne intelligence.
Mais la situation ne peut pas durer : Alex Barraud a besoin, d’ici la fin de semaine (mi-novembre), de rentrer ses bêtes en stabulation. “Je crains que, s’il se retrouve esseulé, il aille voir mon autre troupeau de génisses d’un an, plus jeunes et plus agitées. S’il y a de la bagarre, elles pourraient sauter les clôtures.” Or, la RCEA n’est qu’à 150 mètres de cet enclos… L’éleveur redoute ainsi de retrouver ses vaches en divagation sur la “route de la mort” si les choses dérapent.
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Finalement, le daim "peut être abattu" : "c'est dommage"
Alex Barraud nous assure avoir tout fait pour tenter de régler la situation. “J’ai appelé la DDT (direction départementale des territoires) et l’OFB (office français de la biodiversité) qui me balade depuis une semaine, ils se renvoient la balle”, déplore l’agriculteur, joint par téléphone ce 12 novembre. “Ce sont les réponses typiques des administrations, l’un dit que la décision revient à l’autre, l’autre dit qu’il n’a pas reçu la demande…”
Après avoir raccroché avec Alex Barraud, nous tentons de joindre l’OFB et la DDT. Mais quelques minutes plus tard, l’éleveur de Charolaises nous rappelle : “La DDT vient de m’appeler ! Ils disent qu’il peut être abattu, car le daim est une espèce chassable en France. Son sort est jeté.”
Tout ça pour ça ? Contactée, la DDT refuse de confirmer l’information et d’apporter la moindre précision sur cette affaire, et nous renvoie sur la préfecture de Saône-et-Loire, qui ne nous répond pas. Alex Barraud, lui, ne comprend pas. “C’est un animal pas farouche, facile à approcher pour être endormi et capturé. C’est dommage de ne pas en profiter pour le mettre dans un endroit où il aurait sa place, alors qu’il semble exceptionnellement rare.”