Quatre jours après l'incendie qui s'est propagé à huit maisons dans un lotissement de Torcy, près du Creusot (Saône-et-Loire), nous sommes retournés voir les sinistrés. Voici le témoignage d'Evelyne, qui vivait ici depuis 35 ans.
Nous l'avions rencontrée lundi, devant les décombres de sa maison ravagée par un incendie dans la nuit. Evelyne Frau est une habitante du lotissement qui s'est embrasé, dimanche 11 décembre, à Torcy près de Cluny. Trois jours plus tard, nous la retrouvons sur place. Elle nous raconte ses "35 ans de vie partis en fumée", et le début de la vie d'après.
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Dans quel état est votre maison ?
Evelyne Frau : "Tout a brûlé. C'est un tas de cendres, il n'y a plus rien. C'est un jeune qui est venu me prévenir dimanche. Je suis sortie, le toit de ma voisine Virginie fumait de partout, mais on ne voyait pas encore les flammes. Ça s'est propagé très vite."
"Les pompiers ont tout fait pour que ma maison ne brûle pas. Je vois encore ces deux pompiers sur leur échelle et sur mon toit, avec la lance, à mouiller le toit de ma maison. Mais les pauvres, ils étaient totalement impuissants."
"Vous prenez une meule de foin, vous mettez une allumette dedans, et voilà : ça cramait aussi vite que ça."
Dans quelle situation êtes-vous aujourd'hui ?
Evelyne Frau : "Je vais être relogée dans le week-end, avec les charges que je payais pour ma petite maison. J'ai déjà récupéré pas mal de meubles. D'ailleurs, j'en profite pour remercier toutes les personnes qui sont en train de remplir le gymnase (la mairie y a organisé un point de collecte pour les sinistrés), ainsi que l'équipe de rugby de Saint-Firmin, du fond du cœur (le club a lancé une cagnotte en ligne pour Evelyne). Je remercie aussi les pompiers, ils ont fait un boulot de dingue. On les a vus, ils n'ont rien lâché jusqu'au bout."
Lundi, lorsque nous vous avons rencontrée, vous étiez en colère car vous disiez que ce drame aurait pu être évité. La maison d'où est partie le feu était squattée depuis longtemps.
Evelyne Frau : "Bien sûr, je suis en colère. Cette maison est vide depuis deux ans et demi, et depuis deux ans et demi on prévient qu'elle est squattée. Quand la police était prévenue, elle venait mais dès que les policiers rentraient dans la cité, les autres avaient le temps de fuir et ils ne trouvaient personne dans la maison. La mairie envoyait aussi la police municipale qui faisait remonter que c'était squatté, mais elle ne trouvait personne non plus. La mairie relayait tout ça à l'OPAC (le bailleur social en charge du lotissement), mais rien n'a été fait."
Pour vous, cette maison aurait dû être condamnée ?
Evelyne Frau : "Elle aurait dû être murée, totalement inaccessible ! Maintenant, il y a huit familles qui ont tout perdu. Moi, j'ai perdu 35 ans de ma vie. Mes souvenirs sont dans mon cœur, le reste, on va les reconstruire... Mais pour le moment, il n'y a plus rien."
Au lendemain de l'incendie, le conseil municipal de Torcy a voté à l'unanimité une motion qui réclame en en urgence :
- un plan d'action pour sécuriser la résidence du Lac et ses habitants,
- un renfort de police "sans délai" pour lutter contre les trafics et les occupations illégales,
- la sécurisation des habitations vacantes du parc locatif de l'OPAC,
- une "meilleure gestion locative" du parc immobilier, notamment que les logements en bon état soient reloués rapidement "afin d'éviter les intrusions, vols et dégradations",
- un audit de sécurité pour l'ensemble des logements du quartier qui présentent "des caractéristiques de construction similaires" à celles du lotissement qui a pris feu.
Après l'incendie, les pompiers expliquaient en effet avoir été débordés du fait de la méthode de construction des maisons. "Les fumées se sont propagées en-dessous des toitures, et les flammes au-dessus. On a eu beaucoup de difficultés à stopper cette propagation", relatait le chef de la compagnie des sapeurs-pompiers du Creusot Sébastien Deroche. Cet ensemble de maisons en préfabriqué a été construit en 1969. Les toitures ont été refaites en 1985.