Une clinique pour soigner les soignants en burn-out : "J’ai l’impression d’abandonner mon équipe en pleine catastrophe"

A Louhans (Saône-et-Loire), les soignants épuisés professionnellement ou en burn out deviennent les soignés. A la clinique Le Gouz, médecins, infirmères, aide-soignants ou cadres de santé sont accueillis pour retrouver le calme et repos dont ils ont besoin, après une année marquée par le Covid.

À Louhans, en Saône-et-Loire, la clinique Le Gouz est le seul établissement de santé mentale en France à s'adresser aux personnels de santé. Un centre qui accueille les médecins, infirmiers et autres aides soignantes, loin de la ville et du rythme harassant de leur vie professionnelle. Le but : leur offrir du repos, les écouter, les soigner, et leur permettre de retrouver une activité plus sereine.

C’était physique, j’ai dit je suis à bout je n‘ai plus de jus. Comme si tout avait sauté. C’était une tension à l’intérieur.

Marie, cadre de santé

Marie, cadre de santé, est présente depuis le début de la semaine, après un séjour aux urgences psychiatriques. Elle a senti physiquement qu’elle devait s’éloigner de son travail. "La semaine avant les vacances, chaque chose que l’on me rajoutait devenait comme une agression et je me suis dit qu’il y avait un souci. Avant de reprendre, je me suis dit ‘non je ne peux pas y retourner, je ne vais pas supporter et je ne vais pas faire mon travail correctement’".

80% des patients traités actuellement par la clinique sont des femmes. Claire, aide-soignante depuis 5 ans, vient d’achever un séjour de 3 semaines. "J’avais des idées suicidaires. Je ne voyais pas le bout du tunnel. J’étais devenue incompétente à mes yeux. Ici, j’ai commencé par me reposer" confie-t-elle.

 

Des maux apparus pendant la crise pour un tiers des patients

Comme pour un tiers des patients reçus par la clinique, les troubles des deux soignantes sont apparus pendant la crise sanitaire. La période a surchargé des planning serrés. Pour Marie, la difficulté a résidé dans le fait de remplir des missions répétitives mais aussi de faire face aux demandes des proches des patients souhaitant être rassurés.

"Les familles qui ne peuvent plus voir leurs proches appellent beaucoup plus souvent. Il y a une inquiétude. Il faut prendre le temps de répondre, de rassurer tout le monde", détaille celle qui travaille dans le milieu de la santé depuis 17 ans.

©France 3 Bourgogne

Une augmentation des missions à réaliser, qui accentue souvent des problématiques déjà présentes avant l’épidémie. "Le Covid a mis en lumière le mal-être qu’on a depuis des années à l’hôpital. Ca fait des années qu’on manque de personnel, qu’on crie qu’on veut plus de moyens ou des organisations différentes. L’hôpital public va mal depuis des années", affirme la cadre de santé.

Je me dis que je coute cher à la société aujourd’hui même si je sais que j’ai besoin de prendre du recul par rapport à ce qu’on a vécu cette année.

Marie, cadre de santé

Les soignants viennent donc trouver du repos, et une oreille attentive. Des psychologues accompagnent les professionnels de santé pour les aider à se reconstruire. Une reconstruction parfois associée à un sentiment de culpabilité. "Je me sens coupable parce que c’est comme si je n’avais pas une vraie maladie, affirme Marie. Mon rôle c’est de soigner des gens. J’ai l’impression de prendre la place de quelqu’un qui serait plus malade que moi, qui en aurait plus besoin. Et j’ai l’impression d’abandonner mon équipe en plein rush, en plein catastrophe".

Pour la psychiatre Agnès Oeslner, la difficulté de passer de soignant à soigné est un schéma habituel. "C’est un classique du burn out chez les gens qui travaillent en équipe. Ce qui l’a épuisé, c’est de chaque jour devoir changer les plannings, annuler les repos ou congés de ses collègues alors qu’elle savait que c’était précieux. Dans la crise sanitaire, la culpabilité prend encore plus de force".

39 chambres occupées sur 40

Sur les 40 chambres du centre, 39 sont actuellement occupées. Le séjour dure en moyenne deux mois et se solde parfois par une réorientation professionnelle. Ce sera certainement le cas de Claire.

©France 3 Bourgogne

Après 5 ans en Ehpad, sa priorité est de se reconstruire en donnant une nouvelle orientation à sa vie professionnelle. "Les choses n’ont pas changé dans les hôpitaux et les Ehpad et pourraient même se dégrader du fait de cette troisième vague dont on parle. Je ne me vois pas retourner toute neuve dans sur un terrain miné comme actuellement".

Depuis la création de la clinique en 2018, 300 personnels soignants venus de toute la France ont été admis.

Selon une enquête du 11 octobre 2020, 57% des infirmiers sont en situation d’épuisement professionnel. Une tendance qui existait déjà avant la crise du coronavirus, mais qui a été accentuée par la pandémie. Il y a un an, ils étaient deux fois moins à se sentir à bout de forces

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