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Témoignages. Burn-out : mieux connaitre ce syndrome d’épuisement professionnel pour mieux le soigner

Publié le Écrit par Nathalie Zanzola

En France, près de deux millions de personnes sont victimes d’épuisement professionnel ou burn-out. Dans le documentaire "Burn-out, les voies de la guérison", le réalisateur Lorenzo Consolazione met en lumière le parcours singulier de personnes en situation d’hyper-stress et d’épuisement, ayant fait le choix de s’exprimer pour la première fois, dans l’espoir d’aider d’autres à s’en sortir.

Des centaines de milliers de personnes sont touchées chaque année, en France et à travers le monde, par le syndrome de l’épuisement professionnel.
Des hommes et des femmes, de tous âges qui, subitement, s’effondrent, incapables d’avancer davantage.

J’étais passé de la working girl que je pensais invincible à une petite chose fragile qui n’était plus capable de vivre normalement.

Nadia, ex-directrice de communication

Aujourd’hui, le monde professionnel est en perpétuelle évolution et le travail occupe une place centrale dans nos vies. Il nourrit nos ambitions, nous pousse à nous dépasser, mais il peut avoir des conséquences dévastatrices.

Dans notre quête du succès, nous sommes souvent confrontés à des défis insurmontables, à la pression constante, aux heures supplémentaires. Les attentes irréalistes n’épargnent aucun secteur d’activité et peuvent lentement éroder notre résistance mentale, poussant certains jusqu’à l’épuisement professionnel : le burn-out.

Que connait-on du burn-out ?

Patrick Légeron, psychiatre, s’est intéressé au phénomène depuis les années 80. Il a consacré une grande partie de sa carrière à comprendre, prévenir et traiter ce syndrome d’épuisement. Il est également le fondateur d’un cabinet de conseil pour les entreprises en matière de santé psychologique au travail.

Ce qu’on connait bien dans le burn-out c’est son apparition et son développement, c’est la phase ultime du processus de stress.

Patrick Légeron, psychiatre

Le stress est un phénomène naturel face à certaines situations, qui nous mobilise de façon ponctuelle et qui nous permet de réagir et d’adopter un comportement adéquat face à ces situations.
Lorsque ce stress persiste, on entre dans l’hyper-stress, un stress chronique. Cet hyper-stress est l’antichambre du burn-out.

Selon ce spécialiste, une partie des causes du burn-out est liée à certains profils : les anxieux, les perfectionnistes, les accros du boulot, ceux qui n’ont pas d’autres sources d’intérêt dans leur vie que leur travail.
Mais le facteur le plus important du burn-out est lié à l’environnement dans lequel on se trouve (de nombreuses tâches, peu de temps pour les réaliser, des collègues désagréables…).

J’ai tendance à définir le burn-out comme un objet médical non-identifié.

Patrick Légeron, psychiatre

En effet, les critères étant encore assez fragiles, le burn-out n’est pas encore reconnu comme une maladie par l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé). 

Les signes annonciateurs du burn-out

Lorsque le corps est soumis à un stress répétitif dans le cadre du travail, une hormone appelée cortisol est sécrétée par l’organisme. Une exposition chronique au cortisol provoque toute une série d’effets négatifs comme l’augmentation des fluctuations du taux de sucre dans le sang, ce qui entraîne une prise de poids. Le cortisol provoque également un surmenage qui se traduit chez certains par une fatigue chronique, même après des nuits de sommeil régulier et réparateur.

Les symptômes sont des tensions musculaires très fréquentes, principalement au niveau du cou et des épaules, des maux de tête, de problèmes digestifs…

Marc, ingénieur informatique pour une multinationale américaine, a consacré toute son énergie à son travail.

Son expérience et son ancienneté lui ont permis de s’orienter vers des projets d’entreprise dans lesquels il s’épanouit complètement. Du jour au lendemain, lors d’un entretien annuel, on lui annonce que désormais, il doit se recentrer sur son travail d’origine.

J’ai commencé à développer une sorte de paranoïa, j’étais persuadé que l’on cherchait à m’évincer.

Marc, ingénieur informatique

Marc développe rapidement des symptômes au niveau digestif et a, de très nombreuses fois, des crises de larmes. Son état s’aggrave en quelques mois.

Les crises de larmes, Christophe, responsable de programmes dans la même entreprise que Marc, les connaît bien. Suite à un changement de manager dans son service, il perd peu à peu l’autonomie qu’il avait jusqu’alors : "Quelqu’un de mon équipe m’a même demandé à lire mes mails. Jusqu’au jour où une personne m’a dit que je n’étais pas fait pour ce job… Ironie du sort, c’est moi qui avais créé ce job !"

Il commence à être de plus en plus stressé, à délaisser les choses qui lui font du bien : les amis, la musique… Il a du mal à se concentrer et commence à commettre des erreurs dans son travail. Il se rend régulièrement chez son médecin généraliste pour des maux de ventre, des douleurs au niveau des cervicales : "À l’époque, j’ai averti plusieurs fois mon manager en lui disant mon mal-être, mon envie de pleurer, mais celui-ci ne voyait pas l’importance de mon état. J’ai averti également mon entourage, mais personne ne me croyait."

Nadia, ex-directrice de communication, se souvient parfaitement de l’apparition de ces premiers symptômes : "Je me suis rendu compte que quelque chose ne fonctionnait pas très bien quand j’ai commencé à avoir des troubles cognitifs (…) j’étais beaucoup plus vulnérable, plus émotive…"

Après avoir passé 14 ans dans une grande entreprise parisienne sans compter ses heures, à voir sa charge de travail augmenter au fil des années sans possibilité de déléguer, elle a senti que quelque chose changeait en elle : "j’ai commencé à vivre ce qu’on appelle la « dépersonnalisation » c’est-à-dire à me mettre en retrait, à ne plus avoir envie d’être avec les autres, à plus y trouver de plaisir. Je ne voyais pas la gravité de mon état, car je ne savais pas sur quoi ça allait déboucher."

L’effondrement

La plupart des victimes d’épuisement professionnel n’ont pas su mesurer le niveau d’hyper-stress dans lequel elles se trouvaient, ni son impact néfaste sur leur santé.

Toutes ces douleurs physiques, Nadia, Christophe et Marc ont choisi de les ignorer. Pendant des mois, ils ne consultent personne et continuent à endurer la pression jusqu’à ce que leur corps atteigne un point de rupture.

Je me souviens très bien, c’était un lundi matin, il pleuvait, le réveil sonne et là… je sais que je ne vais pas pouvoir me lever(…) Là, ça a été le début d’une sorte de descente aux enfers…

Nadia, ex-directrice de communication

Le jour où il est tombé, Christophe avait une visioconférence avec sa directrice pour son entretien annuel. 

La visio commence avec la directrice qui me salue et je m’effondre immédiatement en pleurs devant elle qui reste perplexe.

Christophe, responsable de programme

Pour Marc, une terrible crise de tremblements et de sueurs froides interpelle une de ses collègues qui appelle immédiatement les urgences.

À la suite de leur burn-out, tous trois sont restés en arrêt de travail pendant de longs mois.
Des mois durant lesquels ils se sentent démunis et n’ont goût à rien, vidés !
"Je n’avais envie de rien : pas de lire un livre, pas de télévision, car ça me fatiguait… Le black-out total, j’avais l’impression que mon cerveau était en mode arrêt, je ne pouvais plus rien ingurgiter intellectuellement, plus rien mémoriser.", confie Marc.

S’ils ont réussi à s’en sortir, ils n’ont trouvé quasiment aucune ressource conventionnelle pour les aider. Pourquoi existe-t-il si peu de solutions médicales, aucun traitement du burn-out ?

Le burn-out, un sujet tabou ?

Selon Patrick Légeron, psychiatre, en France nous avons une longue tradition de déni de la pénibilité au travail : "Notre culture nous fait penser que souffrir au travail fait partie de la vie, que c’est normal. On croit également que lorsqu’un travail n’est pas fait dans la souffrance, il est de mauvaise qualité."

Les victimes, frappées de plein fouet par l’épuisement professionnel, refusent d’en parler. Honteuses à l’idée de vivre cette situation, dévalorisante et culpabilisante, elles cachent leur détresse, comme un lourd secret.

Les organisations mondiales de santé, comme les pays développés, refusent toujours de déclarer ce syndrome comme une maladie, malgré une situation alarmante.

Les voies de la guérison

Impuissantes et désemparées, les personnes en burn-out ne savent souvent pas à qui s’adresser pour faire disparaître leur souffrance physique et mentale.
Sans diagnostic précis, il n’y a pas de traitement et les victimes se retrouvent généralement isolées.

Pour ceux qui n’arrivent pas à surmonter le burn-out seul, quelles solutions restent à leur disposition ? Consulter un psychologue, faire un séjour en hôpital psychiatrique ?

Bien que certains optent pour ces approches, ces dernières années ont vu l’émergence d’organismes privés, mais leurs prix restent un obstacle pour beaucoup. Le manque de ressources, d’informations et de prévention du burn-out isole les victimes.

En France, des structures se créent pour prendre en charge les victimes et les réinsérer. Parmi celles-ci, l’association BURN’ettes, située dans la banlieue de Bordeaux, accueille des femmes en situation de burn-out. Cette association fonctionne grâce au principe de pair-aidance : les anciennes victimes de burn-out viennent en aide à celles qui sont en train de le vivre.


L’association prend en charge les femmes dès les premiers signes jusqu’à leur réintégration dans le milieu professionnel. Sur une période de neuf mois, elles suivent un programme conçu pour les aider à se reconstruire et faire face à leurs traumatismes.

Au cœur de la Bourgogne, l’organisme Human Tempo accueille jusqu’à 10 participants pour des séjours anti burn-out.

Si le burn-out est aujourd’hui identifié par les scientifiques, il demeure un syndrome complexe, sans traitement codifié que de nombreuses entreprises tardent à reconnaître.

Il faudra que les mentalités changent profondément pour que le bien-être et la santé mentale deviennent des priorités incontournables dans notre société actuelle.

"Burn-out, les voies de la guérison", réalisé par Lorenzo Consolazione
Production France Télévisions / Yade French Connection - Coproduction Drôle de Trame

Diffusion jeudi 15 février à 23h et déjà disponible sur la plateforme france.tv

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