En novembre 2022, une partie de la RCEA entre Digoin (Saône-et-Loire) et Montmarault (Allier) était transformée en autoroute, l'A79. Un axe un peu particulier, sans barrière de péage, mis en place pour la première fois en France. Plus d'un an après sa mise en service, on fait le bilan.
C’était une première en France : l’A79, une autoroute "à flux libre", sans barrière de péage et qui permet aux conducteurs de payer de manière dématérialisée. Un dispositif mis en place depuis le 4 novembre 2022, sur un ancien tronçon de la RCEA qui relie Digoin (Saône-et-Loire) à Montmarault (Allier).
88 kilomètres, une route qui devient une deux fois deux voies, et une expérimentation portée par l’APRR, qui gère les axes du réseau Paris-Rhin-Rhône. Au moment de lancer le projet, le concessionnaire évoquait ses objectifs : baisse de l’accidentologie et réduction d'émission de CO2.
Le trafic doublé et une baisse des accidents
Plus d’un an après son lancement, l’APRR fait un bilan positif du dispositif. Avec tout d’abord une hausse du trafic. En novembre 2022, 7 000 à 8 000 véhicules empruntaient l’A79 chaque jour. Aujourd'hui, ce sont 15 000 automobiles qui y circulent au quotidien..
Plus de véhicules donc, et moins d’accidents. "L’objectif de sécurité est atteint : 0 accident mortel pour 8 millions de trajets", nous explique APRR. Une évolution importante car le dossier de la sécurisation de la RCEA, considérée comme la "route la plus dangereuse de France", est une problématique vieille de 30 ans.
Pour rappel, entre 2008 et 2022, près de 130 décès ont été comptabilisés entre Moulins (Allier) et Mâcon (Saône-et-Loire). En novembre 2021, un accident faisait un mort et six blessés à hauteur de Saint-Eusèbe. En 2016, 12 Portugais avaient trouvé la mort sur la RCEA.
Réduction des émissions de CO2
Autre objectif annoncé au moment du lancement de l’A79, la volonté de protéger l’environnement et de faciliter la circulation des automobilistes. Sans barrière de péage, il n'y a plus d’arrêt en cours de route pour valider et payer son ticket.
Lors d’un arrêt à un péage, un poids lourd consomme par exemple un litre de carburant, soit 3,1 kg de CO2 émis. "En supprimant l’arrêt et le redémarrage des véhicules aux barrières de péage, ce système contribue à baisser significativement les émissions de CO2. Les moteurs ne tournent plus à l’arrêt et il n’y a plus besoin de réaccélérer en sortie de barrière de péage".
Quant à la réduction du stress, les objectifs sont remplis selon l'APRR. "Le dispositif apporte des bénéfices en matière de confort et de sécurité. Il permet une diminution du stress des conducteurs qui n’ont plus à hésiter et choisir leur voie, à chercher leur moyen de paiement".
Un manque de renseignement sur les modes de paiement ?
Pourtant, côté conducteurs, on pointe un système nébuleux et le manque d’explications sur les modes de paiement. Si l’on tape "Péage flux libre – A79" sur un célèbre moteur de recherche, l’axe routier est noté 1,3/5 par les utilisateurs. Et les messages négatifs sont nombreux.
"Il ne faut pas s’étonner s’il y a des impayés involontaires vue la complexité. Je pense aux personnes âgées et aux touristes étrangers… Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué", écrit un internaute.
"Pas assez de renseignement pour les usagers", "système de péage peu compréhensible et pratique", "pour un trajet à 60 centimes, tu risques une amende de 90 euros, aucune info sur place et aucune visibilité", commentent en ligne d’autres utilisateurs de l’A79.
Nous souhaiterions que la signalétique en entrée d’autoroute et sur le parcours soit plus visible et lisible. Parce qu’il n’y a plus de barrière pour marquer le péage, il est nécessaire d’indiquer plus fortement aux automobilistes qu’ils entrent sur une section payante
APRR, gestionnaire de l'A79
Dans le détail, l’APRR nous indique avoir compté moins de 5 % d’impayés depuis l’inauguration de l’A79. "Le paiement en flux libre entre dans les usages mais nous devons faire mieux", concède tout de même le gestionnaire qui a lancé des enquêtes de satisfaction auprès de ses clients et assure entreprendre un travail pédagogique.
Des campagnes de publicité ont été mises en place. Des courriers explicatifs sont adressés aux clients n’ayant pas réglé le péage alors qu’ils empruntent l’autoroute pour la première fois. Un numéro d’aide gratuit est ouvert du lundi au samedi de 8 heures à 19 heures : le 0 806 005 005.
"Cet été 2023, nous étions présents sur les principales aires de l’A79 près des bornes à pied durant l’ensemble des week-ends de mi-juin à mi-septembre pour accompagner nos clients et répondre à leurs sollicitations. Cela représente près de 2 500 heures de présence sur site", ajoute l’APRR.
Globalement, sur l’ensemble des usagers de l’A79, 65 % disposent du télépéage et 35 % réalisent leur paiement sur internet. Et pour rappel, quatre options existent pour le paiement :
- L'abonnement télépéage : le badge bipe lorsqu'on passe sous le portique, comme c'est déjà le cas aux barrières de péages classiques.
- L'abonnement "plaque" : on créé un compte sur internet en renseignant sa plaque d'immatriculation et son RIB, et l'on est prélevé à chaque fois que l'on passe sous le portique.
- Sans abonnement : on peut payer sur internet en carte bancaire, avant, pendant ou après le trajet.
- Sur place : 16 bornes de paiement sont disposées sur les aires, échangeurs et bretelles de l'A79. Cela permet de payer sans passer par internet, soit en carte bancaire, soit en espèce, sur le modèle d'un parking payant.
Un système bientôt généralisé dans l’ensemble de la France
L’APRR nous indique également attendre un engagement de l'État afin de rendre le paiement en espèce plus facile, notamment dans un réseau de commerce de proximité. La société souhaite également une amélioration de la signalétique sur le réseau. Pour rappel, ce sont les services routiers de l’État qui s'occupent de la gestion des autoroutes.
D’autant plus que les péages à "flux libre" devraient se développer à l’échelle du territoire. La loi d’orientation des mobilités encourage les sociétés d’autoroute à adopter le dispositif. Et l’Etat l’impose désormais pour toute nouvelle infrastructure autoroutière. Il est par exemple développé depuis mai 2023 sur l’A13 et l’A14 qui relient Paris à Caen, pour une mise en service complète en décembre prochain.
Mais la France est encore en retard en la matière. Les péages à flux libre ont été mis en application en Norvège dès 1991 et c'est depuis une vingtaine de pays qui a recours à ce système à travers l’Europe.